Depuis Rome, j'ai la grâce de sentir le coeur de l'Eglise vibrer, battre et palpiter. Je peux entrevoir de temps en temps Benoît XVI, homme en blanc, aller prier plus librement sur la tombe de Jean-Paul II.
Je sens parfois une tristesse au fond de mon âme lorsque je lis comment le Pape est traîté. Il est pourtant humble, timide, doux, profond, intelligent et fin. Pour prendre une image, il me semble parfois presque comme une biche sortant de la forêt comme aveuglée par les feux d'une voiture; lui qui aimait la discrétion, devenir Pape aux yeux du monde entier, après la carrure médiatique de Jean Paul II, sous la lumière des médias, a sans doute été un énorme sacrifice. Or, il est proprement magistral dans sa mission.
Si seulement le monde pouvait percevoir son envergure et sa personne, en vérité et en profondeur. Alors la prière, notamment du chapelet dans les rues de Rome protégées par les images de la Vierge dans les petits coins de rue, m'aide à retrouver la confiance, la joie, la foi, la lumière, l'humour et la vie, même face à cette vague de boue, cette lame de fond de propos haineux. Je suis jeune, certes, mais n'ai jamais senti une telle concentration, une telle masse de tension et de haine autour du Pape. C'est assez sidérant, presque incroyable, quasi éléctrique. Etudier la communication à l'ombre de la croix, proche de la fenêtre de Jean Paul II et sous la lumière de ce pontificat est providentiel.
En priant, je me dis que le Christ, qui était le plus bel homme que la terre ai porté a fini sur une croix, mort comme un vulgaire bandit. Là, mon coeur saigne. Pourquoi la mort de l'innocent ? Je suis pourtant complice... Mystère...
Puis en lisant le rêve utopique de certains membres de ma famille, je n'ai toujours pas mieux compris. Un site français évoque:
"les propos du Cardinal Martini, dans son livre de confidences et de confessions intitulé : « Colloques nocturnes à Jérusalem », il déclare : « Avant, je faisais des rêves sur l’Église. Je rêvais d’une Église qui suivait son chemin dans la pauvreté et l’humilité, qui ne dépendait plus des pouvoirs de ce monde, de laquelle on avait extrait les racines de la méfiance, qui faisait davantage de place aux personnes qui pensent de façon plus ouverte, qui encourageait plus spécialement ceux qui se sentent petits et pécheurs. Je rêvais d’une Église jeune. Mais aujourd’hui, je n’ai déjà plus ces rêves ». Cette affirmation catégorique de Martini n’est pas et ne peut pas être une déclaration d’échec, de déception ecclésiale, de renoncement à l’utopie. Martini continue de rêver, mais il ne rêve plus que du Royaume de Dieu qui est l’utopie des utopies, car c’est le rêve de Dieu lui-même.
Avec lui et avec des millions d’autres personnes dans l’Église, nous rêvons d’une « autre Église possible » au service d’un « autre Monde possible ». Le Cardinal Martini est un bon témoin et un excellent guide sur ce chemin alternatif, comme il l’a déjà toujours démontré....
Dans la campagne présidentielle des États-Unis, on a souvent remis en valeur « le rêve de Luther King », en essayant d’actualiser ce rêve. De même, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la convocation de Vatican II, on s’est souvenu, avec nostalgie, du « Pacte des Catacombes » de l’Église servante et pauvre.
Le 16 novembre 1965, quelques jours avant la clôture du concile, 40 Pères du Concile ont célébré l’Eucharistie dans les catacombes romaines de Domitille et ont signé le « Pacte des Catacombes ». Dom Helder Camara, dont nous célébrons cette année le centenaire de la naissance, était l’un des animateurs principaux de ce groupe prophétique. Ce Pacte, dans ses 13 points principaux, insiste sur la pauvreté évangélique de l’Église qui devrait être sans titres honorifiques, sans privilèges et sans ostentations mondaines. Il insiste aussi sur la collégialité et sur la co-responsabilité de l’Église comme Peuple de Dieu, sur l’ouverture au monde et sur l’accueil fraternel...
Avec tout le respect que j’ai pour l’opinion de Benoît XVI, le dialogue inter-religieux n’est pas seulement possible, il est nécessaire. Nous ferons de la co-responsabilité ecclésiale l’expression légitime d’une foi adulte. Nous exigerons, en corrigeant ainsi des siècles de discrimination, la pleine égalité de la femme dans la vie et dans les ministères de l’Église. Nous stimulerons la liberté et reconnaîtrons les services de nos théologiens et de nos théologiennes . L’Église deviendra un réseau de communautés priantes, servantes et prophétiques qui témoigneront de la Bonne Nouvelle : une Bonne Nouvelle de vie, de liberté et de communion heureuse.
Une Bonne Nouvelle de miséricorde, d’accueil, de pardon, de tendresse, comme celle de Jésus à la Samaritaine, que nous apporterons jusqu’aux frontières de tous les chemins de l’Humanité. Nous continuerons à rendre vivante dans la pratique ecclésiale la recommandation de Jésus : « Il n’en sera pas ainsi entre vous » (Mt 21, 26 ».
L’autorité sera un service. Le Vatican cessera d’être un État et le Pape ne sera plus un Chef d’État. La Curie devra être profondément réformée et les Églises locales cultiveront l’inculturation de l’Évangile et le partage des ministères. L’ Église s’engagera, sans crainte et sans détournement, dans les grandes causes de la justice et de la paix, des droits de l’homme et de l’égalité reconnue de tous les peuples. Elle sera prophétique dans ses annonces, ses dénonciations et sa façon de consoler. Comme le disait Pie XI, la politique vécue par tous les chrétiens et toutes les chrétiennes sera « l’expression la plus élevée de l’amour fraternel ».
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Il y a une claire tentative interne à mon Eglise de nuire à l'image de Benoît XVI. Cette Eglise n'est pas un rêve, n'en déplaise au Cardinal Martini ou à Dom Helder Camara. Elle existe concrètement, à Rome et dans le monde entier. Je crois en l'Eglise, une sainte catholique et apostolique. Le Cardinal suisse Journet m'a sûrement aidé à aimer cette Eglise, à aimer le Pape. Elle est toujours en mouvement, donc vivante et change parfois d'habits ou de look, tout en restant la même, quoi que plus belle et séduisante encore. Je n'ai nullement mal à mon Eglise, mais j'ai mal parfois.
Benoît XVI est justement celui dont on n'a pas besoin de rêver, il est là, concrêtement, le vicaire du Christ, le doux Christ sur la terre selon Sainte Catherine de Sienne (patronne de la communication) qui est avec les petits, très fraternel, ouvert, très proche et qui dialogue avec chacun; le voyage en Afrique en fut une preuve magistrale.
Aussi, je souffre que mon Eglise, ma femme, ma bien-aimée ne soit pas aimée, car elle est sainte, pure, sans péché, toujours jeune et belle comme une fiancée. C'est la raison de mon célibat; l'Eglise a séduit mon coeur et mon âme. Je comprends aussi pourquoi Saint Pierre est mort crucifié la tête en bas. Notre regard sur l'Eglise doit changer pour s'inverser. La foi est cette lumière qui nous retourne, qui chamboule notre regard et boulverse notre coeur. Le temps du Carême est ce temps de conversion. Oui, j'aime l'Eglise.
Merci Très Saint Père!