Chers Frères dans l’Épiscopat,
Je suis heureux de vous souhaiter très cordialement la bienvenue à l’occasion de votre visite ad Limina Apostolorum qui vous conduit en pèlerinage sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul.
Pensée pour le Cardinal Danneels
Cette visite est un signe de la communion ecclésiale qui unit la Communauté catholique de Belgique au Saint-Siège. Elle est aussi une occasion heureuse de renforcer cette communion dans l’écoute réciproque, dans la prière commune et dans la charité du Christ surtout en ces temps où votre Eglise elle-même a été éprouvée par le péché. Je remercie vivement Monseigneur André-Joseph Léonard des paroles qu’il m’a adressées en votre nom et au nom de vos communautés diocésaines. Il m’est agréable d’avoir une pensée particulière pour le Cardinal Godfried Danneels qui, pendant plus de trente ans, a conduit l’archidiocèse de Malines-Bruxelles et votre Conférence épiscopale.
Diminution de la foi
À la lecture de vos rapports sur l’état de vos diocèses respectifs, j’ai pu mesurer les transformations qui se poursuivent dans la société belge. Il s’agit de tendances communes à beaucoup de pays européens mais qui ont, chez vous, des caractéristiques propres. Certaines d’entre elles, déjà relevées lors de la précédente visite ad Limina, se sont accentuées. Je me réfère à la diminution du nombre de baptisés qui témoignent ouvertement de leur foi et de leur appartenance à l’Église, à l’élévation progressive de la moyenne d’âge du clergé, des religieux et religieuses, à l’insuffisance des personnes ordonnées ou consacrées engagées dans la pastorale active ou dans les domaines éducatif et social, au nombre restreint de candidats au sacerdoce et à la vie consacrée. La formation chrétienne, surtout celle des jeunes générations, les questions relatives au respect de la vie et à l’institution du mariage et de la famille constituent d’autres points sensibles. On peut encore mentionner les situations complexes et souvent préoccupantes liées à la crise économique, au chômage, à l’intégration sociale des immigrés, à une coexistence apaisée des diverses communautés linguistiques et culturelles de la Nation.
Dieu est quelqu'un
J’ai pu relever combien vous êtes conscients de telles situations et de l’importance d’insister sur une formation religieuse plus solide et plus profonde. J’ai pris connaissance de votre Lettre pastorale, La belle profession de la foi, inscrite dans le cycle Grandir dans la foi. Par cette Lettre, vous avez voulu inciter l’ensemble des fidèles à redécouvrir la beauté de la foi chrétienne. Grâce à la prière et à la réflexion en commun autour des vérités révélées exprimées par le Credo, on redécouvre que la foi ne consiste pas uniquement à accepter un ensemble de vérités et de valeurs, mais d’abord à se confier à Quelqu’un, à Dieu, à L’écouter, à L’aimer, et à Lui parler, enfin à s’engager à son service.
La sainteté
Un événement significatif, pour aujourd’hui et pour demain, a été la canonisation du P. Damien De Veuster. Ce nouveau saint parle à la conscience des Belges. N’a-t-il pas été désigné comme le fils de la nation le plus illustre de tous les temps ? Sa grandeur, vécue dans le don total de lui-même à ses frères lépreux, au point d’être contaminé et d’en mourir, réside dans sa richesse intérieure, dans sa prière constante, dans son union au Christ qu’il voyait présent dans ses frères et à qui, comme lui, il se donnait sans réserve. En cette Année sacerdotale, il est bon de proposer son exemple sacerdotal et missionnaire, particulièrement aux prêtres et aux religieux. La diminution du nombre de prêtres ne doit pas être perçue comme un processus inévitable. Le Concile Vatican II a affirmé avec force que l’Eglise ne peut se passer du ministère des prêtres. Il est donc nécessaire et urgent de lui donner sa juste place et d’en reconnaître le caractère sacramentel irremplaçable. Il en résulte par conséquent la nécessité d’une ample et sérieuse pastorale des vocations, fondée sur l’exemplarité de la sainteté des prêtres, sur l’attention aux germes de vocation présents chez beaucoup de jeunes et sur la prière assidue et confiante, selon la recommandation de Jésus.
Les prêtres et les consacrés
J’adresse un salut cordial et reconnaissant à tous les prêtres et aux personnes consacrées, souvent surchargés de travail et désireux du soutien et de l’amitié de leur Évêque et de leurs confrères, sans oublier les prêtres plus avancés en âge qui ont consacré toute leur vie au service de Dieu et de leurs frères. Je n’oublie pas non plus l’ensemble des missionnaires. Que tous - prêtres, religieux, religieuses et laïcs de Belgique - reçoivent mes encouragements et l’expression de ma gratitude et qu’ils n’oublient pas que c’est le Christ seul qui apaise toute tempête (cf. Mt 8, 25-26) et qui redonne force et courage pour mener une vie sainte en pleine fidélité à leur ministère propre, à leur consécration à Dieu et au témoignage chrétien.
La Constitution Sacrosanctum concilium souligne que c’est dans la liturgie que se manifeste le mystère de l’Église, dans sa grandeur et sa simplicité. Il est donc important que les prêtres prennent soin des célébrations liturgiques, en particulier de l’Eucharistie, pour qu’elles permettent une communion profonde avec le Dieu Vivant, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est nécessaire que les célébrations se déroulent dans le respect de la tradition liturgique de l’Église, avec une participation active des fidèles, selon le rôle qui correspond à chacun d’eux, s’unissant au mystère pascal du Christ.
Les laïcs
Dans vos rapports, vous vous montrez attentifs à la formation des laïcs, en vue d’une insertion toujours plus effective dans l’animation des réalités temporelles. C’est là un programme louable, qui naît de la vocation de tout baptisé configuré au Christ prêtre, prophète et roi. Il est bon de discerner toutes les possibilités qui émanent de la vocation commune des laïcs à la sainteté et à l’engagement apostolique, dans le respect de la distinction essentielle entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce commun des fidèles. Tous les membres de la Communauté catholique, mais d’une façon particulière les fidèles laïcs, sont appelés à témoigner ouvertement de leur foi et à être un ferment dans la société, en respectant une saine laïcité des institutions publiques et les autres confessions religieuses. Un tel témoignage ne peut être limité à la seule rencontre personnelle, mais doit aussi assumer les caractéristiques d’une proposition publique, respectueuse mais légitime, des valeurs inspirées par le message évangélique du Christ.
La Vierge
La brièveté de cette rencontre ne me permet pas de développer d’autres thèmes qui me sont chers et que vous avez aussi mentionnés dans vos rapports. Je terminerai donc en vous priant de bien vouloir transmettre à vos Communautés, aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les catholiques de Belgique mes salutations affectueuses, les assurant de ma prière pour eux devant le Seigneur. Que la Vierge Marie, vénérée en de si nombreux sanctuaires de Belgique, vous assiste dans votre ministère et vous protège tous dans sa tendresse maternelle. À vous et à tous les catholiques du Royaume, j’accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique.
Benoît XVI
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Discours de Mgr Léonard
Très Saint-Père,
Je vous ai fait remettre une version plus détaillée du message que je vous adresse ici de manière concise. C’est une Eglise belge douloureuse qui s’adresse à vous après le grave scandale causé par la démission forcée d’un de ses évêques. Douloureuse, mais déterminée à affronter ce genre de problème avec clarté, ainsi qu’en témoigne, notamment, le travail intense de la Commission chargée de traiter les plaintes en matière d’abus sexuel se produisant dans le contexte pastoral. Décidée aussi à jouer humblement et courageusement son rôle dans la société fortement sécularisée où se déroule sa
mission.
Elle le fait sur plusieurs plans. Tout d’abord en entretenant un dialogue ouvert et constructif avec les pouvoirs publics, avec les autres confessions chrétiennes et religieuses ainsi qu’avec l’ensemble de la société civile. Ensuite en rendant un témoignage de solidarité avec les plus démunis de notre société en cette période de crise économique. En outre, en se laissant plus résolument instruire par l’expertise remarquable et jusqu’ici trop peu exploitée de nos Universités catholiques, lesquelles ne sont pas d’abord une source de problèmes éthiques pour l’Eglise, mais une chance extraordinaire de rapport éclairé aux sciences humaines et exactes. Enfin, en entretenant un rapport franc et courageux avec les médias.
En ce qui concerne la vie interne de l’Eglise, notre première priorité va vers l’évangélisation et l’approfondissement de la foi. D’où nos années pastorales thématiques consacrées récemment à la première annonce de la foi, à sa croissance, à la Parole de Dieu, au « Credo » et, bientôt, aux sacrements de l’initiation, puis aux autres sacrements. Un accent particulier est placé sur la catéchèse permanente des adultes et le catéchuménat des adultes.
Dans un pays où une large majorité d’élèves sont scolarisés dans l’enseignement libre catholique et où bon nombre de jeunes reçoivent un cours de religion catholique dans l’enseignement public, nous sommes également décidés à déployer de grands efforts pour que le cours de religion réalise pleinement sa mission, à savoir permettre la rencontre avec la personne du Christ et le contenu central de la foi catholique.
Nous entendons développer aussi nos efforts pour promouvoir positivement la consistance et la beauté de la pratique liturgique. Ce sera la meilleure manière de redresser certaines pratiques déviantes. Car, à côté de lieux majoritaires où la liturgie est bien valorisée, il faut bien constater des déviations ou des lacunes, parfois graves dans certaines paroisses. Si nous voulons réagir d’une manière qui ne soit pas purement disciplinaire, il nous faut travailler en profondeur à l’intelligence de la foi et à la connaissance de la liturgie.
En même temps, nous mettons en place des structures paroissiales nouvelles, qui visent à vivre l’Eglise locale comme une communauté de communautés, ouvertes les unes sur les autres. Pour ces nombreuses nécessités qui incombent à l’Eglise de notre pays, nous comptons sur toutes les vocations et missions propres aux membres de l’Eglise, qu’elles soient portées par des ministres ordonnés, des personnes ou des communautés de vie consacrée ou des fidèles laïcs. Rien ne serait possible dans notre Eglise de Belgique sans l’engagement de tant de fidèles laïcs dans la vie de nos unités pastorales, dans la catéchèse, dans l’enseignement scolaire, dans l’action sociale, dans le monde de la santé, dans les mouvements de jeunes ou d’adultes, etc. Tout ceci soit dit sans jamais oublier que la toute première mission des laïcs est d’imprégner la société du ferment de l’Evangile. De ce point de vue, nous nous réjouissons de l’engagement de tant de laïcs dans le monde de l’enseignement, de la santé, de l’entreprise, de l’industrie et de la politique. Ils méritent notre gratitude et nos encouragements, car ils inscrivent des choix chrétiens à l’intérieur de leur vie professionnelle.
La vie consacrée est davantage préoccupante. Rarissimes sont les communautés de vie apostolique ou les instituts séculiers qui recrutent encore des jeunes. La situation est à peine meilleure dans les communautés de vie contemplative. Les vocations à la virginité consacrée sont belles, mais rares, elles aussi. Seules quelques communautés nouvelles ont un recrutement appréciable sans être pour autant massif.
Les vocations diaconales, spontanées ou suscitées par une interpellation, sont régulières sans être nombreuses. Elles ont trouvé progressivement un équilibre entre le service liturgique, l’engagement paroissial et la présence au monde en ses diverses composantes. Cette vocation gagne constamment en crédibilité et nous nous en réjouissons.
Reste l’important problème des vocations sacerdotales. La situation n’a jamais été si mauvaise en Belgique. Tant du côté flamand que du côté francophone, nous allons, pour la rentrée prochaine, adopter une série de mesures aptes à renforcer les lieux de formation pouvant regrouper un nombre suffisant de séminaristes, dispensant un enseignement de qualité et capables de rayonner auprès du monde des jeunes.
Ceci me conduit, pour conclure, à dire quelques mots de la pastorale des vocations, de la jeunesse et de la famille. En premier lieu, nous pouvons nous réjouir de l’essor qu’est en train de prendre la pastorale des vocations, notamment grâce à la campagne annuelle liée au dimanche de prière pour les vocations, mais aussi à l’occasion de journées d’étude consacrées à ce thème et, spécialement en cette année sacerdotale, à la vie du prêtre.
A sa manière, la pastorale familiale doit contribuer, elle aussi, à la pastorale des vocations, car une famille chrétienne, nouée autour du Seigneur, est l’un des lieux où une vocation peut s’épanouir. Mais cette pastorale a son contenu propre, visant à améliorer la préparation au mariage, à soutenir les couples dans la fidélité mutuelle et au sacrement qui les unit et à rencontrer, avec amour et vérité, la douloureuse réalité, partout présente, de l’échec conjugal et des problèmes humains et ecclésiaux qui en découlent. Elle tente aussi de relever les défis nouveaux de nos sociétés : les nouvelles formes de vie en couple en dehors du mariage classique, l’accueil des enfants et les problèmes liés à leur éducation.
Semblablement, la pastorale de la jeunesse a ses objectifs propres, cherchant à permettre à des jeunes de faire une rencontre vivante du Christ. Mais c’est là aussi que des vocations peuvent naître. De ce point de vue, outre l’apport éducatif et parfois religieux des mouvements de jeunesse d’inspiration chrétienne, nous nous réjouissons du travail constructif qui se réalise auprès des jeunes à travers divers rassemblements de jeunes, diocésains, nationaux ou internationaux grâce au dynamisme de la pastorale de la jeunesse. Je souligne également l’essor que prend dans le pays, et surtout en Flandre, le mouvement des acolytes.
Très Saint-Père, je n’ai pas cherché à être exhaustif en répercutant ainsi quelques-unes des préoccupations, des joies et des peines qui nous habitent. Je vous remercie de votre bienveillante écoute et vous redis notre grande disponibilité à nous laisser guider, instruire et stimuler par votre ministère pétrinien au service de l’Eglise universelle et de notre pays en particulier. Nous vous redisons notre fraternel et filial attachement.
Mgr André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles