lundi, 10 mai 2010
Schönborn versus Sodano: Andrea Tornielli
source: Benoît et moi
Les déclarations de l'archevêque de Vienne et ses implications
Dimanche 9 mai 2010
Commentaire d'Andrea Tornielli
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L'impression est qu'on s'approche d'une épreuve de force et que les pressions des médias mettent à rude épreuve les nerfs de plus d'un, dans les hautes sphères ecclésiastiques.
Les mots avec lesquels le cardinal-archevêque de Vienne a ouvertement et durement critiqué l'actuel doyen du Collège des Cardinaux, l'ancien secrétaire d'Etat Angelo Sodano, représentent un précédent absolument inédit.
Schönborn, en fait, a dit bien autre chose aux journalistes: il a dit que la réforme de la Curie romaine était «urgente», il a déclaré que les homosexuels qui vivent une relation stable devraient être considérés davantage, il a dit que l'Eglise devrait revoir ses positions sur l'exclusion des divorcés remariés de la communion.
La faille qui représente un point de non retour est toutefois l'attaque directe et nominale à Sodano.
Les accusations de l'archevêque de Vienne font écho aux déclarations faites ces dernières semaines par l'ancien préfet de la Congrégation pour le Clergé, le Cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, lequel, après la republication d'une lettre écrite par lui, en soutien à un évêque français qui en 2001 avait refusé de dénoncer un prêtre pédophile "en série", a révélé avoir été soutenu dans cette initiative de Jean-Paul II. "Après consultation avec le Pape et lui avoir montré la lettre, je l'ai envoyée à l'évêque, pour le féliciter d'être un père modèle qui ne dénonce pas ses enfants à la police", dit Castrillón.
Des déclarations du prélat colombien, et de celles, plus récentes, du cardinal viennois, émerge une fois de plus l'existence d'un problème en suspens au cours de la dernière décennie du pontificat de Jean-Paul II , et la façon dont la Curie romaine - à commencer par ses dirigeants - traitaient les cas d'abus sexuels.
Plus que l'affaire Groër, le cas le plus troublant, à en mesurer les implications, est celui du Père Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ, qui, grâce aux couvertures dont il jouissait "au-delà du Tibre" a réussi à faire en sorte que pendant six ans au moins, les accusations circonstanciées contre lui, par d'ancien séminaristes dont il avait abusé, avaient été considérées comme des calomnies, malgré la dénonciation canonique précise présentée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Les attaques directes et nominales comme celle de Schönborn, les remises en question qui de la bouche même des princes de l'Eglise ne sont plus masquées par la diplomatie - denrée, à vrai dire de plus en plus rares, même au Vatican d'aujourd'hui - sont éloquentes, pour voir à quel point la température est élevée et combien il est illusoire de croire que la crise est désormais finie.
Tel semble être le message implicite des déclarations de l'archevêque de Vienne, acteur de plus en plus présent, en particulier dans les médias: tolérance zéro et ouverture - mots d'ordre qui semblent parfois avoir remplacé ceux, plus chrétiens, de péché et de miséricorde - devraient s'appliquer à tous, y compris au-delà du Tibre.
Tandis que l'insistance avec laquelle est décrite l'approche différente suivie durant ces années par le cardinal Ratzinger, certainement peu enclin à regarder ces affaires avec indulgence et décidé à les poursuivre de façon adéquate, risque de voir - conséquence imprévue et involontaire - une ombre s'étendre sur une grande partie de la Curie wojtylienne, une ombre qui finira par effleurer le Pontife polonais.
12:51 | Lien permanent | Commentaires (7) | | |
Commentaires
Analyse très intéressante.
C'est vrai que la déclaration d'un Cardinal comme Schönborn, pour qui regarde un peu la vie de l'Eglise et du vatican est très très étonnante, surtout révélatrice des graves tensions existantes.
Mais à mon avis, révélatrice également que la crise est beaucoup plus grave que les affaires de pédophilie, et que nous sommes dans l'urgence d'une grande réforme.
Mais néanmoins dommage que nous soyons obliger d'en passer par des déclarations via les médias, révélateur peut être de l'absence de lieu d'échange.
Écrit par : Marc | lundi, 10 mai 2010
Très bonne remarque. Oui, il manque un lieu pour parler avec calme, vérité.
Ceci dit, je pense que la déclaration de Cardinal Doyen, en mondio vision, n'était pas très fine. Certes, cela faisait référence aux attaques contre le Pape lui-même. Mais une victime que je connais, l'a mal pris et je la comprends très bien. Le Père Lombardi vient d'écrire sur le Corriere della Sera, en réponse à un article, que le Pape n'avait rien demandé, qu'il l'a su juste quelques minutes avant la Messe et qu'il n'a pas besoin de défense ni de manifestation de soutien, car il entreprend un action de purification et de pénitence.
Écrit par : Dominique | lundi, 10 mai 2010
La question de l'absence de lieu renvoi à une autre question pour moi :
- s'agit-il d'une absence structurelle, cad que l'organisation général de l'Eglise, et plus particulièrement du Vatican ne permet pas le dialogue
- ou bien est-ce la cause du mode de gouvernance de Benoît XVI ?
On sait que c'est un homme qui a une gouvernance plus solitaire que JPII, qu'il aime le calme, que c'est plus un homme de livre, un théologien, alors que JPII était sans doute plus en recherche de contacts, d'avis extérieurs(Je ne juge personne en disant cela, je constate et synthétise simplement ce que dise la plupart des biographes et observateurs).
Car selon la cause, la réponse va être très différente, même si selon moi il est important qu'il y est une plus grande synodalité dans les prises de décisions.
Écrit par : Marc | lundi, 10 mai 2010
Je ne pense vraiment pas que la gouvernance de Benoît XVI soit en cause, au contraire. Il pense que les évêques doivent prendre leur propre responsabilité, et là, Tornielli pense qu'il y a un problème. L'Eglise est fondée sur Pierre, sur sa foi qui jamais de défaillera. Lui il montre l'exemple, il prie pour et avec les victimes, il accepte les démissions des évêques, il a écrit des normes, celles de 2001..... Aussi, ce sont parfois les églises particulières qui posent questions. Un exemple dans le sens contraire est la Belgique, avec Mgr Léonard qui parle clair, j'ai pu le constater ici à Rome lors de la conférence de presse. C'était professionnel. Aussi, votre idée de lieu pour parler manquent cruellement.
Écrit par : Dominique | lundi, 10 mai 2010
Ouais, donc un lieu alors. Mais les synodes romains ne sont-ils pas fait pour ça ? C'est peut être un problème d'ordre du jour alors ?
Écrit par : Marc | lundi, 10 mai 2010
Entre les cardinaux, je pense qu'ils peuvent en parler hors de médias. Entre les prêtres, c'est presque impossible d'en parler car cela touchent des confrères, et la caste ecclésiastique est très soudée, avec le poids de l'histoire. Celui qui ose parler se fait éjecter. Aussi, la paternité de l'évêque est capital. Sans père, pas de fils.
Écrit par : Dominique | lundi, 10 mai 2010
Federico Lombardi (Corriere della Sera)
Benoît XVI ne demande pas de manifestation de soutien et de défense
Cher Directeur,
Dans l'article publié hier sur le Corriere là propos du "choc des deux cardinaux", l'auteur - Alberto Melloni - fait plusieurs considérations et analyses, bien entendu légitimes, même si de mon côté je n'en partage pas une grande partie, mais il fait également une déclaration complètement fausse, que je considère de mon devoir de rectifier.
Melloni écrit: Von Schönborn sait que Benoît XVI avait demandé à Sodano pour Pâques un discours de salutation prononcé Place Saint-Pierre..."
Or, pour l'amour de la vérité, Benoît XVI n'avait absolument rien demandé.
L'adresse du cardinal Sodano a été une initiative du Collège des Cardinaux, au moins ceux présents à Rome, représenté par son doyen. Le Pape a été informé très peu de temps avant, aussi parce que - présidant la célébration - il devait naturellement savoir ce qui allait se passer.
Il a accepté le salut avec gratitude et simplicité comme ce qu'il voulait être, c'est à dire un message de proximité, d'affection et de solidarité.
.....
Je considère de mon devoir de préciser que Benoît XVI, même dans les moments difficiles, ne mendie pas et n'organise pas de manifestations de soutien et de défense pour consolider sa sérénité spirituelle dans la foi, et son autorité.
J'ajouterais que s'il y a une personne de ma connaissance qui - comme le souhaite justement Melloni à la fin de son article (1) - vit les évènements actuels de l'Eglise avec la conscience de leur signification, sans préoccupation de perte de pouvoir, mais dans un esprit évangélique de purification, de pénitence et de renouveau profond, c'est bien Benoît XVI.
Écrit par : Dominique | lundi, 10 mai 2010
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