CITE DU VATICAN (Saint-Siège), 10 jan 2011 (AFP) - Benoît XVI: "urgent" d'abroger la loi sur le blasphème au Pakistan
Le pape Benoît XVI a affirmé lundi que "le tragique assassinat" du gouverneur du Pendjab (Pakistan) "montrait qu'il est urgent" d'abroger la loi sur le blasphème dans ce pays.
Radio Vatican
AUDIENCE AU CORPS DIPLOMATIQUE
CITE DU VATICAN, 10 JAN 2011 (VIS).
Comme à l'accoutumé après l'Epiphanie, à l'occasion de l'échange des voeux de bonne année, le Saint-Père a reçu ce matin le corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège. Le Saint-Siège est Observateur permanent à l'ONU, Membre de 7 de ses agences, Membre ou Observateur près 15 autres organismes internationaux ou régionaux. Après l'intervention du Doyen du corps diplomatique, l'Ambassadeur du Honduras, au nom des 181 délégations (178 états, plus UE, Ordre de Malte et OLP), Benoît XVI s'est adressé à ses hôtes. Voici les passages principaux de ce discours annuel:
"L'humanité, dans toute son histoire, à travers ses croyances et ses rites, montre une incessante recherche de Dieu... La dimension religieuse est une caractéristique indéniable et incoercible de l'être et de l'agir de l'homme, la mesure de la réalisation de son destin et de la construction de la communauté à laquelle il appartient. Par conséquent, quand l'individu lui-même ou ceux qui l'entourent négligent ou nient cet aspect fondamental, se créent des déséquilibres et des conflits à tous les niveaux, aussi bien au plan personnel qu'au plan interpersonnel... Le droit à la liberté religieuse, "qui est en réalité le premier des droits, parce que, historiquement, il a été affirmé en premier, et que, d'autre part, il a comme objet la dimension constitutive de l'homme, c'est à dire sa relation avec son Créateur, n'est-il pas trop souvent mis en discussion ou violé ? Il me semble que la société, ses responsables et l'opinion publique se rendent compte aujourd'hui davantage, même si ce n'est pas toujours de façon exacte, de cette grave blessure portée contre la dignité et la liberté de l'Homo Religiosus, sur laquelle j'ai tenu, à de nombreuses reprises, à attirer l'attention de tous".
"L'Assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen Orient, qui s'est déroulée au Vatican au cours du mois d'octobre, a été un moment de prière et de réflexion, durant lequel la pensée s'est dirigée avec insistance vers les communautés chrétiennes de cette région du monde, si éprouvées à cause de leur adhésion au Christ et à l'Eglise. Oui, regardant vers l'Orient, les attentats qui ont semé mort, douleur et désarroi parmi les chrétiens d'Irak, au point de les inciter à quitter la terre où leurs pères ont vécu pendant des siècles, nous ont profondément accablés. Je renouvelle aux Autorités de ce pays et aux chefs religieux musulmans mon appel anxieux à œuvrer afin que leurs concitoyens chrétiens puissent vivre en sécurité et continuer à apporter leur contribution à la société dont ils sont membres à plein titre. En Egypte aussi, à Alexandrie, le terrorisme a frappé brutalement des fidèles en prière dans une église. Cette succession d'attaques est un signe de plus de l'urgente nécessité pour les gouvernements de la région d'adopter, malgré les difficultés et les menaces, des mesures efficaces pour la protection des minorités religieuses... J'apprécie l'attention pour les droits des plus faibles et la clairvoyance politique dont certains pays d'Europe ont fait preuve ces derniers jours, en demandant une réponse concertée de l'Union européenne afin que les chrétiens soient défendus au moyen-orient. Je voudrais rappeler enfin que le droit à la liberté religieuse n'est pas pleinement appliqué là où est garantie seulement la liberté de culte, qui plus est, avec des limitations. En outre, j'encourage à accompagner la pleine sauvegarde de la liberté religieuse et des autres droits humains par des programmes qui, depuis l'école primaire et dans le cadre de l'enseignement religieux, éduquent au respect de tous les frères en humanité. Pour ce qui concerne les pays de la Péninsule arabique, où vivent de nombreux travailleurs immigrés chrétiens, je souhaite que l'Eglise catholique puisse disposer des structures pastorales appropriées".
"Parmi les normes qui lèsent le droit des personnes à la liberté religieuse, une mention particulière doit être faite de la loi contre le blasphème au Pakistan: j'encourage à nouveau les autorités de ce pays à faire les efforts nécessaires pour l'abroger, d'autant plus qu'il est évident qu'elle sert de prétexte pour provoquer injustices et violences contre les minorités religieuses. Le tragique assassinat du gouverneur du Pendjab montre combien il est urgent de procéder dans ce sens : la vénération à l'égard de Dieu promeut la fraternité et l'amour, et non pas la haine et la division. D'autres situations préoccupantes, avec parfois des actes de violence, peuvent être mentionnées dans le sud et sud-est du continent asiatique, dans des pays qui ont pourtant une tradition de rapports sociaux pacifiques. Le poids particulier d'une religion déterminée dans une nation ne devrait jamais impliquer que les citoyens appartenant à une autre confession soient discriminés dans la vie sociale ou, pire encore, que soit tolérée la violence à leur encontre. A cet égard, il est important que le dialogue interreligieux favorise un engagement commun à reconnaître et promouvoir la liberté religieuse de toute personne et de toute communauté. Enfin, comme je l'ai déjà rappelé, la violence contre les chrétiens n'épargne pas l'Afrique. Les attaques contre des lieux de culte au Nigeria, alors même que l'on célébrait la Nativité du Christ, en sont un autre triste témoignage.... Dans divers pays, d'autre part, la constitution reconnaît une certaine liberté religieuse, mais, de fait, la vie des communautés religieuses est rendue difficile et parfois même précaire parce que l'ordonnancement juridique ou social s'inspire de systèmes philosophiques et politiques qui postulent un strict contrôle, pour ne pas dire un monopole, de l'état sur la société. Il faut que cessent de telles ambiguïtés, de manière à ce que les croyants ne se trouvent pas tiraillés entre la fidélité à Dieu et la loyauté à leur patrie. Je demande en particulier que soit garantie partout aux communautés catholiques la pleine autonomie d'organisation et la liberté d'accomplir leur mission, conformément aux normes et standards internationaux en ce domaine. En ce moment, ma pensée se tourne à nouveau vers la communauté catholique de la Chine continentale et ses pasteurs, qui vivent un moment de difficulté et d'épreuve. Par ailleurs, je voudrais adresser une parole d'encouragement aux autorités de Cuba, pays qui a célébré en 2010 soixante-quinze ans de relations diplomatiques ininterrompues avec le Saint-Siège, afin que le dialogue qui s'est heureusement instauré avec l'Eglise se renforce encore et s'élargisse".
"Déplaçant notre regard de l'orient à l'occident, nous nous trouvons face à d'autres types de menaces contre le plein exercice de la liberté religieuse. Je pense, en premier lieu, à des pays dans lesquels on accorde une grande importance au pluralisme et à la tolérance, mais où la religion subit une croissante marginalisation. On tend à considérer la religion, toute religion, comme un facteur sans importance, étranger à la société moderne ou même déstabilisant et l'on cherche par divers moyens à en empêcher toute influence dans la vie sociale. On en arrive ainsi à exiger que les chrétiens agissent dans l'exercice de leur profession sans référence à leurs convictions religieuses et morales, et même en contradiction avec celles-ci, comme, par exemple, là où sont en vigueur des lois qui limitent le droit à l'objection de conscience des professionnels de la santé ou de certains praticiens du droit. Dans ce contexte, on ne peut que se réjouir de l'adoption par le Conseil de l'Europe, au mois d'octobre dernier, d'une résolution qui protège le droit du personnel médical à l'objection de conscience face à certains actes qui lèsent gravement le droit à la vie, comme l'avortement... Une autre manifestation de la marginalisation de la religion, et, en particulier, du christianisme, consiste dans le bannissement de la vie publique des fêtes et des symboles religieux, au nom du respect à l'égard de ceux qui appartiennent à d'autres religions ou de ceux qui ne croient pas. En agissant ainsi, non seulement on limite le droit des croyants à l'expression publique de leur foi, mais on se coupe aussi des racines culturelles qui alimentent l'identité profonde et la cohésion sociale de nombreuses nations. L'année dernière, certains pays européens se sont associés au recours du gouvernement italien dans la cause bien connue concernant l'exposition du crucifix dans les lieux publics. Je désire exprimer ma gratitude aux autorités de ces pays, ainsi qu'à tous ceux qui se sont engagés dans ce sens, épiscopats, organisations et associations civiles ou religieuses, en particulier le Patriarcat de Moscou et les autres représentants de la hiérarchie orthodoxe, ainsi qu'à toutes les personnes, croyants mais aussi non-croyants, qui ont tenu à manifester leur attachement à ce symbole porteur de valeurs universelles. Reconnaître la liberté religieuse signifie, en outre, garantir que les communautés religieuses puissent opérer librement dans la société, par des initiatives dans les secteurs social, caritatif ou éducatif. Partout dans le monde, d'ailleurs, on peut constater la fécondité des œuvres de l'Eglise catholique en ces domaines. Il est préoccupant que ce service que les communautés religieuses rendent à toute la société, en particulier pour l'éducation des jeunes générations, soit compromis ou entravé par des projets de loi qui risquent de créer une sorte de monopole étatique en matière scolaire, comme on le constate par exemple dans certains pays d'Amérique Latine. Alors que plusieurs d'entre eux célèbrent le deuxième centenaire de leur indépendance, occasion propice pour se souvenir de la contribution de l'Eglise catholique à la formation de l'identité nationale, j'exhorte tous les gouvernements à promouvoir des systèmes éducatifs qui respectent le droit primordial des familles à décider de l'éducation des enfants et qui s'inspirent du principe de subsidiarité, fondamental pour organiser une société juste.... Poursuivant ma réflexion, je ne puis passer sous silence une autre atteinte à la liberté religieuse des familles dans certains pays européens, là où est imposée la participation à des cours d'éducation sexuelle ou civique véhiculant des conceptions de la personne et de la vie prétendument neutres, mais qui en réalité reflètent une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison".
"En cette circonstance solennelle, permettez-moi d'expliciter quelques principes dont le Saint-Siège, avec toute l'Eglise catholique, s'inspire dans son activité auprès des organisations internationales intergouvernementales, afin de promouvoir le plein respect de la liberté religieuse pour tous. En premier lieu, c'est la conviction que l'on ne peut créer une sorte d'échelle dans la gravité de l'intolérance envers les religions. Malheureusement, une telle attitude est fréquente, et ce sont précisément les actes discriminatoires contre les chrétiens qui sont considérés comme moins graves, moins dignes d'attention de la part des gouvernements et de l'opinion publique. En même temps, on doit aussi refuser le contraste périlleux que certains veulent instaurer entre le droit à la liberté religieuse et les autres droits de l'homme, oubliant ou niant ainsi le rôle central du respect de la liberté religieuse dans la défense et la protection de la haute dignité de l'homme. Moins justifiables encore sont les tentatives d'opposer au droit à la liberté religieuse de prétendus nouveaux droits, activement promus par certains secteurs de la société et insérés dans des législations nationales ou dans des directives internationales, mais qui ne sont, en réalité, que l'expression de désirs égoïstes et ne trouvent pas leur fondement dans l'authentique nature humaine. Enfin, il faut affirmer qu'une proclamation abstraite de la liberté religieuse n'est pas suffisante. Cette norme fondamentale de la vie sociale doit trouver application et respect à tous les niveaux et dans tous les domaines... La promotion d'une pleine liberté religieuse des communautés catholiques est aussi le but que recherche le Saint-Siège quand il conclut des concordats ou autres accords. Je me réjouis que des états de diverses régions du monde et de diverses traditions religieuses, culturelles et juridiques choisissent le moyen de conventions internationales pour organiser les rapports entre la communauté politique et l'Eglise catholique, établissant par le dialogue le cadre d'une collaboration dans le respect des compétences réciproques. L'année dernière, a été conclu et est entré en vigueur un accord pour l'assistance religieuse des fidèles catholiques des forces armées en Bosnie-Herzégovine, et des négociations sont actuellement en cours dans divers pays... L'activité des représentants pontificaux auprès des états et des organisations internationales est également au service de la liberté religieuse. Je voudrais relever avec satisfaction que les autorités vietnamiennes ont accepté que je désigne un représentant, qui exprimera par ses visites à la chère communauté catholique de ce pays la sollicitude du Successeur de Pierre. Je voudrais également rappeler que, durant l'année dernière, le réseau diplomatique du Saint-Siège s'est encore renforcé en Afrique, une présence stable étant désormais assurée dans trois pays où le nonce n'est pas résident... Je voudrais enfin redire avec force que la religion ne constitue pas pour la société un problème, qu'elle n'est pas un facteur de trouble ou de conflit".
"Je voudrais répéter que l'Eglise ne recherche pas de privilèges, ni ne veut intervenir dans des domaines étrangers à sa mission, mais simplement exercer celle-ci avec liberté. J'invite chacun à reconnaître la grande leçon de l'histoire: Comment nier la contribution des grandes religions du monde au développement de la civilisation? La recherche sincère de Dieu a conduit à un plus grand respect de la dignité de l'homme. Les communautés chrétiennes, avec leur patrimoine de valeurs et de principes, ont fortement contribué à la prise de conscience de la part des personnes et des peuples, de leur identité et de leur dignité, de même qu'à la conquête d'institutions démocratiques et à l'affirmation des droits de l'homme ainsi que des devoirs correspondants. Aujourd'hui encore, dans une société toujours plus mondialisée, les chrétiens sont appelés, non seulement à un engagement civil, économique et politique responsable, mais aussi au témoignage de leur charité et de leur foi, à offrir une contribution précieuse à l'engagement rude et exaltant pour la justice, le développement humain intégral et le juste ordonnancement des réalités humaines. Emblématique, à cet égard, est la figure de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta. Le centenaire de sa naissance a été célébré à Tirana, à Skopje et à Pristina comme en Inde. Un vibrant hommage lui a été rendu non seulement par l'Eglise, mais aussi par des autorités civiles et des chefs religieux, sans compter les personnes de toutes confessions. Des exemples comme le sien montrent au monde combien l'engagement qui naît de la foi est bénéfique à toute la société. Qu'aucune société humaine ne se prive volontairement de l'apport fondamental que constituent les personnes et les communautés religieuses!... Voici pourquoi, alors que nous formons des vœux afin que cette nouvelle année soit riche de concorde et de réel progrès, j'exhorte tous, responsables politiques, chefs religieux et personnes de toutes catégories, à entreprendre avec détermination la voie vers une paix authentique et durable, qui passe par le respect du droit à la liberté religieuse dans toute son étendue".
CD/ VIS 20110110 (2430)