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lundi, 03 janvier 2011

Deux images pour l'éternité

Opinion 

images-4.jpgLe passage à une année nouvelle nous permet de penser au mystère du temps qui semble s'écouler si vite. Dans la société d'information dans laquelle nous sommes baignés, rien n'est plus vieux que le journal d'hier. Les nouvelles, et ils en tombent plus de 10 000 par jour, sont alors comme les gouttes de pluies qui tombent sur le pare-brise de nos vies lancées comme des voitures à pleine vitesse. Les essuies glaces ont rapidement fait de les évacuer, telles des larmes passagères.

La conscience d'abord ...

Le voyage du Pape en Angleterre semble lointain, tout comme les voeux de Benoît XVI à la curie romaine. Il est pourtant revenu sur la béatification de John Henry Newman (photo ci-dessus). Sa célèbre citation au Duc de Norfolk continue de faire couler beaucoup d'encre: le bienheureux écrit que "si j'étais forcé d'introduire la religion dans un toast après le dîner (ce qui, en vérité, ne me semble pas la chose la meilleure), je porterais un toast, si vous voulez, au Pape; en fait, à la conscience d'abord, puis au Pape" .

Certainly, if I am obliged to bring religion into after-dinner toasts (which indeed does not seem quite the things) I shall drink – to the Pope, if you please, -still, to Conscience first, and to the Pope afterwards ».

Cinq siècles, deux images, un même lieu

Lorsque Benoît XVI a rencontré le monde de la culture dans le Westminster Hall, deux images se sont unies dans ma mémoire lorsque les mots du Pape ont résonnés dans l'assemblée:

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"En particulier, j’évoque la figure de saint Thomas More, intellectuel et homme d’État anglais de grande envergure, qui est admiré aussi bien par les croyants que par les non-croyants pour l’intégrité avec laquelle il a suivi sa conscience, fusse au prix de déplaire au Souverain dont il était le « bon serviteur », et cela parce qu’il avait choisi de servir Dieu avant tout. Le dilemme que More a dû affronter en des temps difficiles, l’éternelle question du rapport entre ce qui est dû à César et ce qui est dû à Dieu..."
 

images-3.jpgLa première image a jailli du film "Un homme pour l'éternité" * qui retrace la vie de Saint Thomas More, condamné à mort en ce même lieu pour être resté fidèle à sa conscience. Il paya de sa vie son attachement au Pape.  

 images.jpgLa seconde était en direct. L'humble Pape, avec pour devise: "coopérateur de la vérité" venait, par sa visite en ce lieu du choix de Thomas More, comme illustrer historiquement et chronologiquement, la célèbre phrase de Newman:  la conscience d'abord, puis le Pape.

L'amour de la vérité de Thomas More continuait de résonner dans ce lieu, le Pape en récoltant l'écho harmonieux. La conscience et le Pape sont fait pour se rencontrer et font résonner  tous deux la même note de la vérité. Tous deux sont fait pour s'accorder. Les deux images de Sir Thomas More et de Joseph Ratzinger se sont comme confondues dans mon esprit ébloui.

... le Pape ensuite

Comme l'a très bien analysé Massimo Introvigne, "pour le Bienheureux Newman, le chemin de la conscience est tout sauf un chemin de subjectivité qui s'auto-affirme: c'est au contraire le chemin de l'obéissance à la vérité objective. Porter d'abord un toast à la conscience et ensuite au Pape, ne constitue pas une opposition, mais une chronologie. Foi et raison se rencontrent dans le primat de la vérité".

La vérité du temps

Deux images, deux hommes qui ne sont pas rencontrés, ni connus, car séparés par cinq siècles mais que l'amour de la vérité ont réunis providentiellement dans un même lieu. La conscience est bien le premier de tous les vicaires du Christ. La conscience ne s'oppose pas au Pape, le vicaire du Christ, car tout s'accomplit dans la patiente histoire du temps.

Le temps de la vérité

Avec le temps, on prendra conscience combien Benoît XVI est aussi, à sa façon un martyr, un témoin souriant et souffrant de la vérité. Si les orages semblent le frapper ou une pluie de critiques le toucher, il est sûrement quelque peu comme un Bienheureux Newman que l'on a fini par reconnaître après un certain temps ou un Saint Thomas More, un homme dont les paroles auront un écho pour l'éternité, comme l'atteste ce passage de la main du Pape:

"En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience. Mais qu’entend-on par cela ? .... Pour lui « conscience » signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert. ...

Sa troisième conversion, celle au Catholicisme, exigeait de lui d’abandonner presque tout ce qui lui était cher et précieux : ses biens et sa profession, son grade académique, les liens familiaux et de nombreux amis. Le renoncement que l’obéissance envers la vérité, sa conscience, lui demandait allait encore plus loin. Newman avait toujours été conscient d’avoir une mission pour l’Angleterre. Mais dans la théologie catholique de son temps, sa voix pouvait à grand peine être entendue. Elle était trop contraire à la forme dominante de la pensée théologique et aussi de la piété. En janvier 1863, il écrivit dans son journal ces phrases bouleversantes : « Comme protestant, ma religion me semblait misérable, mais pas ma vie. Et maintenant, en catholique, ma vie est misérable mais pas ma religion ».

images-5.jpgL’heure de son efficacité n’était pas encore arrivée. Dans l’humilité et l’obscurité de l’obéissance, il dut attendre jusqu’à ce que son message soit utilisé et compris. Pour pouvoir affirmer l’identité entre le concept que Newman avait de la conscience et la compréhension moderne subjective de la conscience, on aime faire référence à la parole selon laquelle lui-même – dans le cas où il aurait dû porter un toast –, l’aurait d’abord porté à la conscience, puis au Pape. Mais dans cette affirmation, « conscience » ne signifie pas le caractère obligatoire ultime de l’intuition subjective. C’est l’expression de l’accessibilité et de la force contraignante de la vérité : en cela se fonde son primat. Au Pape, peut être dédié le second toast, parce que c’est son devoir d’exiger l’obéissance à l’égard de la vérité"

* Un homme pour l'éternité (A Man for All Seasons) est un film britannique réalisé par Fred Zinnemann, sorti en 1966.   

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