lundi, 03 juin 2013
La médiatisation du Pape émérite
Benoît XVI eu droit à une médiatisation très complexe et fort difficile. Un vaticaniste m'a confié que le Pape émérite avait été victime d'un climat médiatique que les autres n'avaient pas eu à affronter.
La mémoire courte
Le peuple d'Israël, perdu dans le désert, oublia très vite son esclavage en Egypte. N'oublions pas non plus qu'au début de son pontificat, le bienheureux Jean Paul II était tourné en dérision, avec le qualificatif de "polonais" obstiné, insistant sur la sexualité, le préservatif et l'avortement. Je me souviens aussi d'un prêtre visitant les familles, qui entendait le petit couplet habituel anti Jean Paul II. Mais le Pape était un communicateur extraordinaire, appuyé par le brillant Navarro Valls. Même Hans Küng, avec ses très nombreuses critiques (Pape médiéval, à la monarchie absolue), n'est pas arrivé a retourner l'opinion publique contre le Saint Père.
Les quelques voix critiques (démission, scène pitoyable d'un veillard) furent noyées dans un océan mondial, un état de grâce. L'admiration fut quasi unanime face à sa mort, ses funérailles (présidées par le prestigieux Cardinal Ratzinger) avec l'élan de la succession. Joseph Ratzinger était un fidèle second et en lisant le pontificat du bienheureux, on remarque qu'il y avait beaucoup de Ratzinger.
Pourtant, ce qui reste dans les mémoires est un immense élan mondial et populaire, sanctionné par une béatification.
Un passif difficile, allié à un prestige mondial
Dès son élection, le préfet de la congrégation de la foi dû faire face à des critiques internes assez inédites. Il faut reconnaître que Joseph Ratzinger est un homme qui préfère rester dans l'ombre, être le conseiller du prince, aimant la solitude et la vie monastique. Le nouveau Pape a avoué être envoyé à la guillotine lorsque le choix des cardinaux s'est porté sur lui. Se retrouver face à la foule fut une lourde épreuve pour un tel homme, rafiné, élégant, à la pensée poétique, un peu comme une superbe biche, habituée à l'ombre des forêts et se trouvant soudain presque aveuglée, timide, pourtant sans peur, devant les phares d'une voiture.
Comprendre les médias
Le bienheureux Jean Paul II avait dans son entourage des personnes connaissant le fonctionnement des mass médias.
Le livre co-écrit par les deux vaticanistes Andrea Tornielli et Paolo Rodari "Benoît XVI, un pontificat sous les attaques" expliquait avec brio que la machine de communication du Saint Siège manquait cruellement de contre mesure face aux attaques des spin doctors. Il devenait facile de lui tirer dans le dos. La Vierge de Fatima avait pourtant annoncé que le Pape aurait toujours beaucoup à souffrir.
Benoît XVI, peu connaisseur du monde de la communication, ne s'y intéressant guère d'ailleurs, se pris hélas les pieds dans le tapis médiatique sans que beaucoup de personnes ne le préviennent véritablement: crise du discours de Ratisbonne (Navarro Valls n'était plus aux affaires depuis peu), levée des excommunications, discours sur le préservatif dans l'avion... révélèrent la fragilité des stratégies, ou du manque de stratégie du Vatican. La vérité ne suffit pas, car sa communication fait partie de la vérité, de sa réception.
Les corrections vinrent un peu trop tard, avec quelques nominations au CTV et à la secrétairerie d'Etat. Ces quelques nouvelles personnes ont brillement réussi à communiquer la renonciation inédite de Benoît XVI.
L'effet du Pape François
Cette équipe est actuellement au commande, aidé par le génie communicateur du Pape François. Joseph Ratzinger doit s'en réjouir, car il a dédié toute sa vie pour le bien de l'Eglise. Avec son souhait de lancer la nouvelle évanglisation, il peut prier et continuer de tout donner à Dieu, afin que le bâteau de l'Eglise avance au large, dans les périphéries du monde et de l'Eglise. Rendons grâce à Dieu pour ce devoir accompli, au service de la vérité.
Il reste que par deux fois, lors de sa nomination comme Pape, puis après de sa renonciation, Benoît XVI traîne avec lui une légende noire, une accumulation de préjugés, des fausses infos et des a priori toxiques qui masquent la grandeur de sa personne. Toutefois, pour reprendre un terme d'une historien Fernand Braudel, la communication touche au temps court.
La pollution ne fait qu'effleurer
Lorsque la vérité fera véritablement surface, que le mensonge aura montré son incapacité à tenir la distance, car il a des jambes courtes, que la sédimentation des polémiques troublant l'eau claire se seront reposées, et que ses accumulations négatives auront disparues, il jaillira une magnifique fresque qui restera dans l'histoire, un peu comme les grottes de Lascaux. La beauté reste finement gravée sur le roc; la pollution ne peut que l'effleurer.
L'effet Titanic
Seul les saints survivent à l'histoire agitée du monde. Je ne sais pas comment l'opinion publique avait reçu à l'époque l'accident du Titanic, véritable drame et échec de la technologie qui voulait même défier Dieu; mais une chose est certaine, le mythe, les documentaires et la musique du fameux film qui fit salle comble, continuent d'alimenter la légende de ce bâteau.
Joseph Ratzinger, pas enclin au sport, a choisi le rythme du marathonien. Sur le long terme, il jaillira comme une titan insubmersible qui malgré le froid glacial, les récifs et les tempêtes, arrivera à bon port. Il restera le capitaine qui a conduit le bâteau de l'Eglise, semblant prêt à couler, au-delà des icebergs des nombreux scandales.
Car au fond, si le Pape François passe si bien, cela sonne comme un rappel salvateur: le bâteau est bien plus que son capitaine: il y a les passagers et tout l'équipage.
19:16 | Lien permanent | Commentaires (0) | | |
Les commentaires sont fermés.