Quelle place est laissée aux femmes au sein des différentes communautés religieuses? Protestants et catholiques ont un avis divergent sur la possibilité de leur donner accès à la prêtrise.
“Que les femmes se taisent dans les assemblées”. Certaines communautés chrétiennes prennent au pied de la lettre l’injonction de Paul aux Corinthiens. Ce n’est pas le cas de l’Eglise catholique, mais tout de même: l’accès au sacerdoce leur reste refusé. L’heure de l’égalité homme-femme sonnera-t-elle le glas de cette pratique?
Nadine Manson: “Ce qui prime, c’est la capacité de réflexion de la personne désirant embrasser un ministère pastoral”
Les polémiques autour du féminisme et du harcèlement nous rappellent à quel point l’enjeu de l’accession au ministère pastoral des femmes est d’actualité. La question sous-jacente est celle de leur statut, voire de la reconnaissance des femmes dans la société.
Je déplore de lire encore aujourd’hui les chiffres témoignant des inégalités dont souffrent les femmes au travail. Qu’en est-il de l’Eglise? J’aime mon Eglise Réformée qui – avec ses limites – tente malgré tout de vivre ce qu’elle a compris de l’Evangile. Même si le temporel – notre monde, notre société – perpétue encore l’inégalité des chances entre les hommes et les femmes, le spirituel – l’Eglise – s’évertue, au contraire, à offrir une égalité parfaite.
L’Eglise Réformée proclame ainsi sa conviction que les femmes et les hommes sont des créatures de Dieu. A ce titre, elle leur accorde le même statut. Cette évolution s’est faite non sans mal. D’ailleurs, certaines Eglises protestantes n’acceptent toujours pas que les femmes puissent devenir pasteures. De leur côté, les Réformés exigent que les pasteurs aient un Master en théologie, peu importe leur sexe ou leur genre. Ce qui prime, c’est la qualité de la formation et la capacité de réflexion de la personne désirant embrasser un ministère pastoral. Point à la ligne.
Se départir des fantasmes et des discours liés à la différenciation sexuelle n’est pas facile. J’aime cette tentative, cet apprentissage, ce commencement entrepris par mon église. Tentative sans cesse renouvelée de vivre selon un autre ordre que celui imposé par le monde. J’y vois les prémices d’une nouvelle communauté sur terre où femmes et hommes sont égaux face à leur Dieu créateur.
Née en Allemagne, J’ai étudié et vécu en France, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Après un doctorat en théologie, je me suis tournée vers l’activité pastorale. J’officie en tant que pasteure depuis 10 ans, d’abord à l’Eglise protestante de Genève et maintenant au sein de l’Eglise réformée de Bienne.
Dominique Rimaz: “Jésus est un homme; dès lors le prêtre est un homme”
Dans un contexte où les femmes, avec les hommes, recherchent avec raison une égalité nécessaire, il est tout à fait légitime de poser cette question. A toute bonne question, il y a également des bonnes réponses.
Sans aucune discrimination, l’Eglise catholique avoue humblement: “elle n’a pas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes”.
A la messe et lors de la confession, le prêtre agit “in persona Christi”, dans ou en la personne de Jésus. Et Jésus est un homme. L’ordre, dans ses trois degrés (diacre, prêtre et évêque) est un sacrement. Ce dernier implique toujours un signe. En tant que tête de l’Eglise, Jésus est un homme; dès lors le prêtre est un homme.
Avec les Eglises orthodoxes, l’Eglise catholique romaine soutient cela par “l’exemple, rapporté par la Sainte Écriture, du Christ qui a choisi ses Apôtres uniquement parmi les hommes; la pratique constante de l’Eglise qui a imité le Christ en ne choisissant que des hommes; et son magistère vivant qui, de manière continue, a soutenu que l’exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu sur l’Eglise”.
En 1994, saint Jean Paul II avait donné une réponse définitive, qui appelle l’assentiment de l’intelligence et de la volonté: “Je déclare (…) que l’Eglise n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise”.
Cette doctrine n’a pas été exprimée par la modalité de l’infaillibilité pontificale, mais elle est de nature infaillible.
Le prêtre n’est pas le sommet de la vie chrétienne. Par contre, la sainteté est un appel pour tous et pour chacun. La Vierge Marie, comme premier principe de vie de l’Eglise (le second étant celui de Pierre, la hiérarchie), les femmes sont invitées à la prendre comme modèle éminent.
Je suis prêtre à Fribourg, spécialiste de la communication de l’Eglise et aumônier de Catholic Voices. Après une licence en théologie morale à Fribourg, j’ai poursuivi mes études à Rome, avec une licence en communication à l’Université pontificale de la Sainte-Croix. Je scrute et décortique l’actualité chrétienne au quotidien sur mon blog, “lesuisseromain“.
Et chez les autres ?
Les catholiques ne sont pas les seuls à s’opposer à l’ordination des femmes . Aucune femme prêtre n’est autorisée à officier du côté orthodoxe. Dans l’hindouisme, tous les brahmanes sont des hommes et le clergé bouddhiste est formé par des hommes à 97%. L’islam ne leur laisse pas de place dans la prédication non plus.
Du côté du judaïsme, on trouve quelques éléments clivants. Les ultra-orthodoxes n’autorisent pas l’ordination de femmes rabbins, mais les libéraux oui. “Globalement, le protestantisme est la religion la plus favorable aux femmes”, analyse Odon Vallet dans les colonnes du magazine l’Obs. On trouve par exemple des femmes évêques chez les luthériens suédois et les épiscopaliens américains.
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