Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 23 janvier 2018

Le Pape François s'excuse auprès des victimes pour avoir parler de "preuves" au sens juridique du terme

Dans le cas de l’évêque Barros, il n’y a pas d’évidences pour le condamner. Si je le juge coupable sans évidence ou sans certitude morale, c’est moi qui commettrais un délit.

François présente des excuses aux victimes d'abus sexuels 20minutes - Fausse information: pas d'excuses pour son soutien à l'évêque Barros, car il n'y a pas d'évidence.

Le Pape François s'excuse auprès des victimes pour avoir parler de "preuves" au sens juridique du terme 

Le Pape François remercie le Cardinal O'Malley

Le cardinal O’Malley a dit : le pape a toujours fait tolérance zéro. Je le remercie de m’avoir fait observer que le mot « preuve » n’a pas été une expression heureuse pour la souffrance des victimes. À Iquique, j’ai répondu à la question d’un journaliste sur l’évêque Barros. J’ai employé le terme « preuve » et j’ai dit : « Le jour où j’aurai une preuve, je parlerai ». Malheureusement, je sais que beaucoup des personnes victimes d’abus ne peuvent montrer des preuves, elles ne les ont pas et ne peuvent les avoir, ou si elles en ont, elles ont honte.

Abus sexuels: « Le témoignage des victimes est toujours une évidence! » déclare le pape François

« Mais dans le cas Barros, il n’y a pas d’évidence »

« Si je le juge coupable sans évidence ou sans certitude morale, c’est moi qui commettrais un délit »: le pape François confirme son soutien à l’évêque d’Osorno (Chili) Barros, dans l’avion de Lima-Rome (21-22 janvier 2018), en répondant à la presse.

Des réponses ont été transcrites en italien par le quotidien de la Conférence épiscopale italienne Avvenire.

En même temps, le pape présente ses excuses aux victimes pour avoir employé le mot « preuve » qui peut les avoir blessées.

Voici notre traduction des paroles du pape François sur le cas de Mgr Barros:

Vous avez parlé durement contre les abus. Mais en parlant de l’évêque d’Osorno, Juan Barros, vous avez accusé les victimes de calomnie. Pourquoi ne croyez-vous pas les victimes et croyez-vous Barros ?

Pour les abus, je poursuis la ligne de tolérance zéro initiée par Benoît XVI. En cinq ans, je n’ai signé aucune demande de grâce. Quand on enlève à un prêtre qui a commis des abus l’état clérical, la sentence est définitive, mais cette personne a le droit de faire appel. Si l’appel aussi confirme la première sentence, on peut faire appel au pape et demander la grâce. En cinq ans, j’ai reçu vingt-cinq demandes de grâce, mais je n’en ai signé aucune. Le cas de l’évêque Juan Barros, je l’ai fait investiguer. Il n’y a pas d’évidences de culpabilité. Aucune victime n’est venue pour l’évêque Barros, elles ne se sont pas présentées, s’il y en avait eu, j’aurais été le premier à les écouter. Pour changer de position, il faut des évidences sinon je ne peux pas appliquer la sentence « nemo malo nisi probetur ».

Comment avez-vous réagi a ce qu’a dit le cardinal O’Malley, à savoir que vos paroles à propos de Mgr Barros ont été source de souffrance pour les victimes qui se sont senties abandonnées ou discréditées ?

Le cardinal O’Malley a dit : le pape a toujours fait tolérance zéro. Je le remercie de m’avoir fait observer que le mot « preuve » n’a pas été une expression heureuse pour la souffrance des victimes. À Iquique, j’ai répondu à la question d’un journaliste sur l’évêque Barros. J’ai employé le terme « preuve » et j’ai dit : « Le jour où j’aurai une preuve, je parlerai ». Malheureusement, je sais que beaucoup des personnes victimes d’abus ne peuvent montrer des preuves, elles ne les ont pas et ne peuvent les avoir, ou si elles en ont, elles ont honte. Récemment, j’ai rencontré une femme de 40 ans, qui a été abusée, mariée avec trois enfants. Cette femme ne recevait plus la communion parce que, dans la main du prêtre, elle voyait la main de celui qui avait abusé d’elle. Le drame des personnes abusées est terrible.

Qu’est-ce que les victimes éprouvent ? Je dois leur demander pardon parce que le mot « preuve » a blessé, mon expression n’a pas été heureuse. Je présente mes excuses si j’ai blessé sans m’en apercevoir, sans le vouloir, cela me fait beaucoup souffrir. Entendre le pape leur dire « apportez-moi une lettre avec la preuve » est une gifle. C’est pourquoi je ne veux plus utiliser le terme « preuves » mais évidences. Dans le cas de l’évêque Barros, il n’y a pas d’évidences pour le condamner. Si je le juge coupable sans évidence ou sans certitude morale, c’est moi qui commettrais un délit.

Traduction de ZENIT, Hélène Ginabat

Capture-d’écran-2018-01-22-à-23.21.32-740x493.png

Le Cas De Mgr Barros, Capture @KTOTV

On a publié une lettre aux évêques chiliens où on évoque le possibilité que Mgr Barros prenne une année sabbatique: qu’en dites-vous?

Cette lettre, c’est nécessaire de l’expliquer, parce qu’elle concerne la prudence. Quand le scandale Karadima a explosé – le prêtre dont Barros a été le secrétaire et qui a été condamné pour abus sexuels – on a commencé à évaluer les prêtres qui avaient été formés par lui, et avaient subi des abus, ou sont devenus à leur tour des « abuseurs ». Au Chili, il y a quatre évêques que Karadima a suivis quand ils étaient séminaristes. Quelqu’un de la Conférence épiscopale chilienne a suggéré qu’ils donnent leur démission et qu’ils prennent une année sabbatique, pour éviter les accusations, parce qu’ils sont de bons évêques.

Barros a présenté sa démission. Mais quand il est venu à Rome, je lui ai dit: « Non, on ne joue pas ainsi, parce que cela, c’est admettre préalablement d’être coupable », et j’ai refusé sa démission. Et quand il a été nommé évêque d’Osorno, les protestations ont continué. J’ai reçu sa démission une seconde fois. Et j’ai encore dit: « Non, continue! » Entre temps on a continué à enquêter sur lui, mais aucune « évidence » n’est parvenue. Je ne peux pas le condamner si je n’ai pas des évidences. Barros restera s’il n’y a pas d’évidences; Et je suis convaincu qu’il est innocent.

Pourquoi, pour vous, le témoignage des victimes n’est pas une évidence?

Le témoignage des victimes est toujours une évidence! Mais dans le cas Barros, il n’y a pas d’évidence d’abus. Il n’y a pas d’évidence qu’il ait « couvert ». Je le répète: je suis disponible à recevoir une évidence, mais pour le moment il n’y en n’a pas.

Le fait que les premiers membres de la Commission vaticane contre les abus sont en fin de mandat: serait-ce le signe que ce n’est pas une priorité?

La Commission a été nommée pour trois ans. Une fois au bout du mandat on a étudié la nouvelle Commission. La décision a été de renouveler une partie et de nommer d’autres nouveaux membres. Avant le début de ce voyage, la liste définitive des noms est arrivée et maintenant elle suit le processus normal de la curie. On étudie le curriculum des nouvelles personnes, deux observations devaient être clarifiées… ce sont des délais normaux.

Traduction de ZENIT, Anita Bourdin

 ----

Affaire Barros: ce que le pape a dit à propos des abus sexuels au Chili

« Nous engager pour que cela ne se reproduise pas »

 

Le 18 janvier 2018, le pape François répond à des journalistes du Chili, en espagnol, à propos de l’évêque Barros: ses propos ne visaient que le cas Barros et non pas les victimes d’abus sexuels. Qu’a-t-il dit et dans quel contexte? Au moment où quelque confusion semble régner sur les propos du pape, il n’est peut-être pas inutile de rappeler les paroles et les gestes.

Les paroles et les gestes, à Santiago

Le pape lui-même a lancé, au Chili, deux fois, et d’emblée, un signal en faveur des victimes d’abus de la part de membres du clergé.

Premier signal, ses paroles, dès son premier discours, devant les autorités du pays et le Corps diplomatique, mardi, 16 janvier 2018: le pape a exprimé “douleur et honte” face “au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Église”. Il demandé pardon et dit l’engagement de l’Eglise pour que cela n’arrive jamais plus: “Je voudrais m’unir à mes frères dans l’épiscopat, car s’il est juste de demander pardon et de soutenir avec force les victimes, il nous faut en même temps nous engager pour que cela ne se reproduise pas. »

Deuxième signal, ses gestes: le même jour, le pape François a reçu des victimes d’abus sexuels de la part de prêtres à la nonciature apostolique de Santiago du Chili: une rencontre « strictement privée » indique Greg Burke, durant laquelle le pape « a écouté leurs souffrances, a prié et a pleuré avec elles ».

Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège avait prévenu que le pape considérait que « les meilleures rencontres sont celles qui ont lieu en privé ».

Les réponses du pape à propos d’un évêque chilien

Rappelons aussi (cf. ZENIT du 15 janvier) que Fernando Karadima, aujourd’hui âgé de 87 ans, déclaré coupable d’abus sexuels et psychologiques par le Vatican en 2011, a été condamné à se retirer dans un monastère pour une vie « de prière et de pénitence », sans aucune mission pastorale, tandis que les faits étaient prescrits pour la justice chilienne.

Or, l’un des séminaristes formés par Karadima, Juan Barros Madrid, ancien évêque aux armées, nommé évêque d’Osorno en 2015 (Osorno est à environ 250 km au sud de Temuco), a été accusé par des laïcs de son diocèse qui réclament son départ, d’avoir été au courant des actes de son ancien mentor, ce que l’évêque nie formellement.

L’évêque a participé, avec les autres évêques du Chili, à la messe du pape François à Santiago, au Parque O’Higgins, le 16 janvier, puis à l’aéroport de Maquehue de Temuco, mercredi, 17 janvier, et à Iquique au Campus Lobito, le 18.

La presse chilienne a interrogé le pape à ce sujet justement avant la messe de jeudi 18 janvier à Iquique. Le pape a répondu spontanément (cf. par exemple cette vidéo), et très précisément à propos des accusations contre Mgr Barros: « Le jour où ils m’apportent la preuve sur l’évêque Barros, alors je parlerai. » Les journalistes insistent, le pape ajoute: « Il n’y a pas une seule preuve contre lui, tout est de la calomnie. Est-ce que c’est clair? »

La presse chilienne a immédiatement titré sur le soutien du pape à Barros.

Unknown.jpeg

La déclaration de l’archevêque de Boston

Le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston et président de la Commission vaticane pour la protection des mineurs, instituée par le pape François a publié une déclaration à ce propos, samedi 20 janvier, sur le site bostoncatholic.org.

Or, lorsqu’il cite les paroles prêtées au pape, d’une part visiblement il n’a pas eu accès aux ipsissima verba du pape (sa citation ne correspond pas) et d’autre part il semble qu’elles lui ont été rapportées comme portant sur les témoignages des victimes d’abus quant aux abus, ce qui n’est pas le cas, il s’agissait des doutes sur le silence complice d’un séminariste devenu aujourd’hui évêque. Enfin, il parle de paroles prononcées à Santiago alors qu’elles l’ont été à Iquique. Les paroles de Santiago, aux autorités, nous venons de les citer.

Voici ce qu’il dit dans notre traduction de l’anglais: «Il est compréhensible, que les propos du pape François hier à Santiago du Chili ont été une source de grande peine pour les survivants d’abus sexuels par le clergé ou tout autre personne. Des paroles qui transmettent ce message: ‘Si vous ne pouvez pas prouver vos plaintes, alors vous ne serez pas crus’ abandonnent ceux qui ont souffert de répréhensibles et criminelles violations de leur dignité humaine et relèguent les survivants dans l’exil du discrédit.»

Cependant, le cardinal prend une précaution, il reconnaît: « N’ayant pas été personnellement impliqué dans les situations qui ont été l’objet de l’interview d’hier, je ne peux expliquer pourquoi le Saint-Père a choisi les mots spécifiques qu’il a employés à ce moment-là. Mais ce que je sais cependant c’est que le pape François reconnaît pleinement les énormes échecs de l’Église et de son clergé qui a abusé d’enfants, et l’impact dévastateur que ces crimes ont eu sur les survivants et sur ceux qui leurs proches. »

Ensuite, le cardinal témoigne de la façon dont le pape reçoit les victimes puisqu’il a participé à certaines rencontres, et il a dit sa prière pour les victimes et pour leurs proches.

Des lectures de la déclaration O’Malley

Pour certains, il semble que la déclaration cherche plutôt à défendre le pape François en rappelant son engagement constant. Mais il est vrai que sa réaction aussi est lue différemment selon les media…

Vatican News titre: « Le cardinal O’Malley réaffirme l’engagement du pape François aux victimes d’abus. » Et Vatican News publie le texte complet en anglais.

Le Boston Globe, dont l’enquête a été naguère retracée par le film « Spotlight » titre : « Le cardinal O’Malley se prononce contre le commentaire du pape aux victimes d’abus sexuels au Chili. » D’autres titres de Boston vont dans le même sens, opposant le pape et O’Malley. Or les citations du Globe ne correspondent pas non plus aux paroles du pape. Limites des traductions certainement.

« Travailler » pour que « jamais plus »

Le père jésuite Hans Zollner, directeur du Centre pour la protection des mineurs de l’Université pontificale grégorienne et membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs avait pour sa part réagi dès le 17 janvier, au lendemain des paroles du pape François et de sa rencontre avec des victimes, comme l’expliquait alors Anne Kurian.

« L’attention aux victimes est vraiment à l’avant-garde des priorités du pape François », affirme le père Zollner. « Son empathie, sa proximité et même son assistance spirituelle » sont « si importantes que même des étapes de guérison très importantes peuvent avoir lieu ».

« Ce que le pape a dit hier, dès son arrivée à Santiago, dit le jésuite, et ce qu’il a fait par la suite après avoir rencontré des victimes, montre à quel point il est conscient : conscient également du fait que l’Église doit faire beaucoup plus pour aider les victimes. Et le pape donne l’exemple, ce qui est très important. »

En juillet 2014, le p. Zollner rapporte que le pape a rencontré au Vatican un groupe de victimes d’abus par des prêtres : « J’étais aussi présent à cette occasion… j’ai vu de mes propres yeux comment le pape réagit à tant de souffrances et de douleurs. »

Il témoigne du chemin fait à partir de cette rencontre: « Les deux personnes que j’ai accompagnées ont fait de grands progrès dans leur vie et ont eu une ‘guérison’, si nous pouvons le dire. (…) Et d’une certaine façon, c’était un chemin de réconciliation avec leur vie, avec cette blessure profonde, et aussi avec l’Église. »

En ce qui concerne l’attention de l’opinion publique pour le sujet des abus sexuels commis par des prêtres, le père Zollner reconnaît : « C’est un sujet qui ne nous quittera pas ».

« Mais l’Église catholique, dit-il, montre aussi une diversité de réponses concernant les différentes églises locales » qui doivent être « en mesure d’accueillir les victimes, et de faire tout leur possible pour continuer et développer la capacité de prévention des abus ».

« Nous ne pouvons pas changer le passé, conclut le p. Zollner, mais dans le présent, nous devons travailler pour que ces événements ne se répètent pas. »

Les commentaires sont fermés.