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lundi, 03 avril 2017

Cashinvestigation sur France 2: "La mise en scène d’Elise Lucet sur la place Saint-Pierre ressemble à une souricière tendue au pape"

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Cashinvestigation sur France 2: "La mise en scène d’Elise Lucet sur la place Saint-Pierre ressemble à une souricière tendue au pape"

Nous avons par ailleurs sollicité la réaction du journaliste Arnaud Bédat, qui connaît bien la vie argentine du pape François, ses proches et ses intimes, et qui vient de signer un nouveau livre le concernant aux éditions Flammarion, « François, seul contre tous ».

Unknown-5.jpegNous l’avons interrogé sur les quelques minutes du reportage concernant le pape François dans le « Cash Investigation » consacré à la pédophilie dans l’Eglise.

« J’ai d’abord envie de dire que si toutes ces allégations contre le cardinal Bergoglio devenu pape François étaient réellement étayées, elles seraient sorties depuis bien longtemps. 

A l’époque, le pouvoir argentin ne le ménageait pas, tous les coups étaient permis et avec la présidente Kirchner, les rapports étaient alors terriblement crispés. Si le pouvoir d’alors était persuadé que le cardinal Bergoglio avait couvert des crimes pédophiles, il ne se serait assurément pas privé de l’utiliser avant le Conclave de 2013, croyez-moi, c’est une évidence.

France 2, dans son commentaire utilise d’ailleurs très habilement le conditionnel concernant la prétendue implication de Bergoglio dans la couverture de crimes pédophiles. Ce conditionnel n’est pas un hasard. Je pense que la réalité des faits est beaucoup plus nuancée et qu’il faudrait au moins un reportage tout entier pour traiter ce volet-là ».

« Le cardinal Bergoglio a passé son temps en Argentine à dénoncer les mafias, la corruption, la traite des femmes, les maisons closes tenues par des réseaux mafieux, les trafiquants de drogue, l’économie qui tue, y compris à remettre de l’ordre dans ses troupes en dénonçant la mondanité du clergé, par exemple, etc. Rien dans sa vie passée ne permet en l’état de suspecter le fait qu’il ait couvert des abus sexuels.

Franchement, ça ne lui ressemble pas, ça ne ressemble pas à toute la conduite qu’il a eue durant toutes ses années passées à Buenos Aires. Il aurait fallu aussi diffuser quelques extraits des déclarations du pape François concernant la pédophilie : elles sont fortes marquées du sceau de la « tolérance zéro ». Ce qui me saute aux yeux instantanément, à mon sens, dans les quelques minutes à peine consacrées au pape dans « Cash Investigation », c’est la chronologie. Il y a un gros problème.

La fameuse citation brandie par « Cash Investigation » où le cardinal Bergoglio déclare que son diocèse n’a pas été confronté au problème de la pédophilie est extraite d’un livre d’entretiens avec le rabbin Skorka paru pour la première fois en espagnol en 2010 en Argentine, à très petit tirage, sur la base de rencontres qui se sont étalées sur des années. On n’a pas cherché à vérifier la date exacte de cette déclaration, par exemple en la demandant au rabbin Skorka lui-même, une personne qui répond toujours très aimablement aux questions qu’on lui pose.

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La première condamnation de Grassi date de… 2010, ainsi que le dit lui même l’avocat des victimes, Juan Pablo Gallego, dans le reportage. On ne peut donc pas faire le procès à Bergoglio d’avoir menti ! Par ailleurs, cette citation est tronquée, extraite de son contexte. Il faut lire cette page 64 (de l’édition française) en intégralité, cette phrase, par exemple, très instructive, mais qui n’arrangeait guère la démonstration qu’on cherchait à en faire :

« Je ne crois pas comme certains qu’il faille maintenir un certain esprit de corporation pour préserver l’image de l’institution. Il me semble que cette solution a été proposée aux Etats-Unis : changer le curé de paroisse. C’est stupide parce que le curé emporte le problème avec lui. La réaction corporatiste mène à cela, c’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec ce type de règlement ».

Dommage que France 2 n’ait pas été interroger non plus, par exemple, les journalistes Sergio Rubin ou Elisabetta Piqué, qui fréquentaient régulièrement le cardinal Bergoglio à cette époque-là pour avoir un contrepoint et une remise en perspective exacte de la situation et le contexte politique en Argentine ces années-là.

Enfin, parler avec le pape n’est pas une mission totalement impossible pour un journaliste qui a un peu d’obstination et de patience. On m’a dit que des équipes de France 2 avaient même déjà accompagné le pape dans des vols pontificaux par le passé, où il est très facile de l’interpeller. Cette mise en scène d’Elise Lucet sur la place Saint-Pierre ressemble à une souricière tendue au pape.

J'aime bien Elise Lucet et son émission, c'est une journaliste de talent et de flair, qui sait débusquer les affaires, mais là, franchement, je ne peux pas la suivre sur ce terrain-là. 

C’est du spectacle, et j’ai un problème avec ça. Je suis prêt à entendre tout ce qu’on veut sur le pape François, mais il faut des preuves, des évidences, pas des rumeurs ou des constructions hasardeuses. Et là, il n’y a que de la mise en scène, très bien faite d’ailleurs, et des conditionnels à foison. Aucune attaque, décidément, n’est épargnée ces temps au pape François… plus que jamais seul contre tous »

Propos recueillis par Le Suisse Rom@in - Lien

 

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