samedi, 14 juin 2014
Interviewe du Pape François: Comment voulez-vous que je dise aux gens que je les aime depuis une boite à sardine
(source: Radio Vatican)
Pape François: son admiration pour Pie XII, le scandale du chômage et la boîte à sardine
Dans une longue interview réalisée lundi dernier et publiée ce vendredi par le journal catalan La Vanguardia, le Pape répond sans ambages à plus d’une vingtaine de questions parfois très personnelles.
Son voyage en Terre Sainte, l'invocation pour la paix de dimanche dernier. Les relations des chrétiens avec les juifs ou son point de vue sur le fondamentalisme, ou encore l’indépendance de la catalogne.
Bergoglio: j’ai présenté ma démission à Benoît XVI
« Quand j’ai eu 75 ans, j’ai présenté ma démission à Benoît XVI ». Le pape confirme avoir une chambre réservée « dans une maison de retraite pour prêtres » en Argentine. C’était bien sûr, avant la renonciation du Pape allemand, le conclave et son élection.
Vous avez changé beaucoup de choses, des projets ? Le Pape dit « ne pas être un illuminé ». « Je n’ai pas de projet personnel (…) Je suis venu avec une petite valise de Buenos Aires » et « ce que je fais, c’est mettre en œuvre ce à quoi nous avons réfléchi lors des congrégations générales », et comme cela a été recommandé alors : de me faire « conseiller par des équipes extérieures au Vatican ».
Le Pape François, un révolutionnaire ? Non, pour lui « la grande révolution c’est d’aller aux racines de les reconnaitre et de voir ce qu’elles ont à dire aujourd’hui ». Pour faire des « vrais changements, il faut savoir d’où on vient, comment on s’appelle, quelle est sa culture et sa religion », explique-t-il . Pape ou pasteur ? « Je ne joue pas au pape-pasteur ».
« Servir les gens est ancré au plus profond en moi, comme d’éteindre la lumière pour faire des économies (…) mais dans le même temps, je me sens Pape. Je fais les choses avec sérieux ». « Mes collaborateurs sont sérieux et professionnels (…) Quand un chef d’État vient, je veux le recevoir avec la dignité et le protocole qu’il mérite ». François reconnait cependant « avoir des problèmes avec le protocole, mais « tache de le respecter ».
Pas toujours évident, notamment en voyage. Le Pape fait allusion à sa papamobile blindée des JMJ de Rio : « Comment voulez-vous que je dise aux gens que je les aime depuis une boite à sardine », s’interroge le Pape. Il y a des risques, mais il s’en remet à Dieu. En outre, ajoute-t-il, « A mon âge, je n’ai pas beaucoup à perdre ».
Comment aimeriez-vous qu’on se souvienne de vous ? Comme d’un bonne personne qui a fait du mieux qu’il a pu. « Cela me réconforte quand j’entends quelqu’un dire cela », explique le Pape. Comment considérer vous la renonciation de Benoît XVI ? Un geste « très grand ». « Il a ouvert une porte » et poursuit-il, « je demanderais moi aussi au Seigneur de m’illuminer lorsque le moment sera venu ».
Le modèle économique actuel alimente une culture de l'exclusion
Dans cette longue interview, une question concerne le rôle de l’Eglise pour réduire le fossé séparant les pauvres des riches. Ce sera la réponse la plus longue du Pape François. Comme il l’a déjà fait par le passé, le Pape dénonce le système économique mondial d’aujourd’hui. « Je crois qu’il n’est pas bon ». Il laisse des enfants mourir de faim alors qu’il y a suffisamment à manger.
Il met de côté les jeunes et les personnes âgées. Avec la « culture de la mise à l’écart », on « limite la natalité », mais ce système économique laisse aussi « 75 millions de jeunes chômeurs ». « Un scandale » pour le Pape. Les forces vives et la mémoire des peuples sont mis à l’écart. Les personnes âgées sont considérées comme « une classe passive », qui ne « produit pas ».
Le pape plaide pour que l’homme soit remis au centre de l’économie. La mondialisation peut être une richesse, mais il proteste : « les grandes économies mondiales sacrifient l’homme sur l’autel de l’argent roi ». Il s’emporte contre « la pensée unique » et un système qui permet à la guerre de survivre. « Comme on ne peut pas aire de troisième guerre mondiale, on fait des guerres locales ».
Un vrai chrétien doit connaître ses racines juives
Pourquoi avez –vous voulu aller dans l’ouragan qu’est le Moyen-Orient ? l’interroge le journal La Vanguardia. « Le véritable ouragan, en raison de l’enthousiasme soulevé, fut la Journée mondiale de la jeunesse l’an passé », répond le Pape qui accepte volontiers d’évoquer son voyage en Terre sainte.
Le mandat du président israélien s’achevait, et l’invitation de Shimon Peres a « précipité le voyage ». Pourquoi est-ce important pour un chrétien d’aller en Terre sainte : « Pour la révélation. Pour nous c’est là que tout a commencé. C’est comme le Ciel sur la terre ».
Un geste que le monde a retenu de ce déplacement apostolique. L’accolade avec ses amis rabbin et musulmans devant le mur des Lamentations. « Qui sait si cette amitié entre nous trois sera perçue comme un témoignage ? » Une prière… Autre question « vous avez dit que dans chaque chrétien, il y a un juif ». François corrige : « il serait plus juste et sérieux de dire « qu’on ne peut pas être un vrai chrétien si on ne reconnait pas ses racines juives », « au sens religieux », précise le Pape.
« Je crois que le dialogue inter-religieux doit plonger dans la racine juive du christianisme et dans la floraison chrétienne du judaïsme ». Je comprends que ce soit un défi poursuit le Pape, « une patate chaude », mais on « peut le faire entre frères ».
L'antisémitisme, Pie XII, la Terre Sainte
Comment voyez-vous l’antisémitisme ? « Je ne saurais l’expliquer ». Le Pape dénonce l'antisémitisme qui « réside dans les courants politiques de droite plutôt que de gauche ». « Il y a encore aujourd'hui des négationnistes de la Shoah. Une folie. »
Vous avez pour projet d’ouvrir les archives vaticanes sur l’holocauste. « Cela apportera beaucoup de lumière », confirme le Pape.
Des préoccupations ? Ce qui me préoccupe c’est la figure de Pie XII. « Le pauvre, il ont tiré tous sur lui à boulet rouge ». Or, François rappelle qu’il s’agit d’un « grand défenseur des juifs ». Plusieurs exemple sont cités. « Il en cacha dans les couvents de Rome dans d’autres villes d’Italie et même dans la résidence d’été de Castel Gandolfo (…) Dans sa propre chambre, 42 bébés de personnes juives ou d’autres réfugiés sont nés ». « Je ne veux pas dire que Pie XII n’a pas fait d’erreur, moi-même j’en fait beaucoup, mais son rôle doit être lu dans le contexte de l'époque. » Le Pape avoue « avoir une sorte d’urticaire existentiel » quand il voit « tout le monde s’en prendre à l’Église et à Pie XII ».
Retour sur le voyage en Terre sainte et la rencontre avec le patriarche de Constantinople. Sa venue à Jérusalem et au Vatican pour la rencontre de prière de dimanche, « fut un pas risqué » explique le Pape. « Certains pourraient le lui reprocher », mais il a accompli « ce geste d’humilité », pour nous « nécessaire » car il n’est pas concevable que nous chrétiens nous soyons divisés. C’est un péché historique que nous devons réparer ».
Persécution des chrétiens, des chiffres en hausse
Parmi les autres sujets abordés, la persécution contre les chrétiens. Le Pape assure qu’il y a plus de martyrs aujourd’hui que par le passé. « Ce n’est pas de la fantaisie, mais des chiffres. » Sur le fondamentalisme religieux, meurtrier ou non, il est « violent » puisque « sa structure mentale » est la violence au nom de Dieu. Il précise que les trois religions monothéistes ont des groupes fondamentalistes, qui représente un petit nombre.
Les séparatismes, à prendre avec des pincettes
Interrogé par un journal et une télévision espagnoles, le pape donne son point de vue sur une possible indépendance de la Catalogne. « Toute division me préoccupe ». François souligne la différence, selon lui, entre les indépendances menées par d'anciennes colonies qui s'émancipent, comme dans les pays d'Amérique latine, et les séparatismes comme dans le cas de l'ex-Yougoslavie.
Et à ce propose, le pape commente : « évidemment il y a des peuples avec des cultures si diverses que même avec de la colle il est difficile de les raccrocher ». « Il faut voir au cas par cas. L'Ecosse, la Padanie, la Catalogne. Il y a des cas qui seraient justes et des cas qui ne le seraient pas, mais la sécession d'une nation sans un passé d'unité forcée, il faut la prendre avec beaucoup de pincettes ».
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