Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 06 juin 2013

Martin Werlen et son nouveau livre: un pétard mouillé ?

images.jpegIl fut annoncé à grand renfort de publicité: "découvrir ensemble la braise sous la cendre", le livre du Père Abbé d'Einsiedeln, enfin en version française. Un succès européen et un rôle prophétique à la clef. 

Un diagnostic inspiré 

Je fus "enchanté" par la première partie, malgré ce triste diagnostic: la crise interne dans et de l'Eglise catholique, qui donne à voir plus la cendre que la braise. Le Pape Benoît XVI et tous les chrétiens partagent entièrement ce diagnostic. Regard très lucide et humain sur les abus sexuels.

Des remèdes ?

La seconde partie m'a franchement laissé sur ma faim. Après ce regard percutant et provoquant sur cette réalité, je m'attendais à des remèdes qui soient à la hauteur: par exemple entre autre, la conversion personnelle, le recours fréquent à la confession individuelle, la Messe en semaine, la prière du chapelet, la dévotion à la Vierge, l'adoration eucharistique, l'appel universel à la sainteté, la vocation des laïcs dans le monde pour sanctifier les autres par le service et le travail, la primauté de la foi, repartir du Christ, le soin apporté à la liturgie, la prière ...

Du réchauffé

Or, au menu principal sont serviesi les mêmes idées qui sont discutées depuis 50 ans en cercle plus ou moins fermé. Les évêques du monde entier ont déjà donné des réponses, après des consultations, des études et des recherches. Pour le Père Abbé, il suffirait, en résumé: d'un conseil de jeunes auprès du Pape, du sacerdoce des femmes (qui ne serait que d'ordre culturel), de la remise en question du célibat des prêtres, des servants de messe en aubes avec le vêtement du baptême (pas des petits évêques, des garçons en soutane comme à Rome), de l'élection des évêques (mal choisis par Rome) par le peuple, de la communion des personnes divorcés remariées ...

Une analyse binaire, avec malgré tout les conservateurs (la FSSPX) contre les libéraux, soit un shéma qui date de biens des années, avec l'étonnante conviction que l'ensemble des baptisés pense de la même façon que notre Père Abbé. Le Pape François nous invitait pourant tous à ne pas faire de la théologie de salon, autour du tasse de thé. 

Il est vrai que l'on peut penser parfois que les choses ne bougent pas lorsque les réponses ne vont pas dans notre sens. L'Esprit Saint nous conduit vers la vérité tout entière.

Des personnes censurées

Je partage pourtant encore la conclusion: donner la voix au Peuple de Dieu, soit le Corps du Christ, dont la majorité est au ciel. "Lorsqu'on cherche systématiquement à faire taire les critiques... c'est l'Eglise que l'on détruit". "Il est dramatique que les baptisés inquiets soient réduits au silence parce qu'ils appellent la cendre, la cendre". Aussi, j'ai sans doute l'assurance que je ne serai pas soumis à la censure, car Dieu merci le dialogue est possible. 

Les baptisés pensent d'une façon infiniment plus variés et bien plus nunancés. Je connais beaucoup des personnes qui sont systématiquement marginalisées par les instances ecclésiastiques car leur pensée est bien trop orthodoxe, soit en phase avec les textes du Concile Vatican II, en communion avec le catéchisme de l'Eglise catholique et qui ne cadrent justement pas avec la pensée commune, retenue comme majoritaire, donc "normale". 

La maladie de l'Eglise

Le Pape François, qui semble heureusement faire l'unanimité, l'a fort bien perçu: lorsque l'Eglise n'évangélise plus, lorsqu'elle s'occupe que de ses petits problèmes internes, elle tombe malade. L'Eglise n'est pas une ONG, autrement dit, ce n'est pas avec des structures que l'ont va enlever la cendre. Personne n'est le sauveur de l'Eglise. Le Christ nous invite à sortir de nous-mêmes, à nous décentrer pour aller dehors, au périphérie de l'Eglise et du monde. 

Les âmes assoiffées attendent cette braise, cette foi vécue au quotidien (en couple, en famille, dans la maladie, dans les deuils, dans toutes les épreuves de la vie, dans ses joies surtout), foi qui est le trésor par excellence, une pure grâce de Dieu, cette braise sous la cendre des péchés de notre coeur. Le Cardinal Journet, grand ecclésiologue au Concile Vatican II l'écrivait fort bien: les frontières de l'Eglise passent dans notre coeur et la sainteté de l'Eglise brûle nos péchés pour laisser jaillir la joie et la vive flamme de la foi.

L'Esprit Saint du Concile

Les textes du Concile sont encore enfouies, telle la braise, dans le coeur bimilénaire de l'Eglise. Les textes de Benoît XVI en sont une vivante et correcte interprétation. A nous tous de les lire, avec l'aide des homélies hautement spirituelles et réalistes du bon Pape François afin de vivre le coeur du Concile tous les jours: l'appel à devenir des saints. Sans aucune provocation, mais par une convocation (une Ecclesia), une vocation pour tous et chacun. Le christianisme n'est pas la religion du livre, mais de la personne du Christ, de la Parole, du Verbe. Finalement, la longue histoire de l'Eglise nous l'enseigne: seul les saints, qui s'identifient à Jésus, font avancer et bouger l'Eglise. Si elle semble en retard c'est dans doute qu'ils manquent des saints qui rendent le Christ comme notre contemporain. 

Commentaires

Votre réflexion respire la mesure et le désir de justesse, cette justesse dont nous avons tant besoin. Je voudrais juste faire une petite remarque. Je ne suis pas sûre qu'il soit tout à fait juste de dire que les saints s'identifient à Jésus. On peut s'identifier à un personnage de roman ou de film, à un héros ou à un personnage historique. Mais il en va autrement avec le Christ. C'est plutôt Dieu qui se saisit de certaines personnes, les rendant du coup particulièrement proches du Christ. Ces personnes sentent cette proximité, mais celle-ci ne vient pas d'une identification au Christ, mais d'une prise de soi par le Christ. Quand saint Paul dit "ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi", il ne s'identifie pas au Christ, et d'ailleurs personne ne peut l'identifier au Christ. C'est juste que son être est entièrement à Dieu, comme le Christ. Et que c'est Dieu qui le dirige, en faisant vivre le Christ en cet être, tout en respectant le charisme de chaque être.

Écrit par : Alina Reyes | jeudi, 06 juin 2013

Bravo, mon Père pour cette analyse pleine de compassion lucide; ce livre rejoindra bien vite la poussière des rayons oubliés dans les bibliothèques.Une dizaine de chapelet aurait été plus efficace pour servir l'Eglise.

Écrit par : mcm | jeudi, 06 juin 2013

En effet le mot identification n'est pas très correct. Je pensais le prendre en voulant exprimer une réalité qui se trouve chez Saint Paul: ce n'est plus moi qui vis mais le Christ qui vit en moi. Un chrétien est un alter Christus, ipse Christus, un autre Christ le Christ lui-même. Cette union fut décrite de façon excellente par Saint Jean de la croix: la braise reste avec son identité mais elle brûle de l'amour de Dieu.

Aussi vous avez raison d'avoir souligné la limite de mon expression. Merci

Écrit par : Don Dom | vendredi, 07 juin 2013

Il y a donc bien peu de chrétiens réels... mais leur nombre croîtra, beaucoup. Et pas nécessairement où l'on s'imagine qu'ils seront.

Écrit par : Alina Reyes | vendredi, 07 juin 2013

Dans l'un des épisodes des célèbres aventures du gendarme de Saint-Tropez, l' un des gendarmes monte dans le véhicule piloté par une religieuse qui conduit d'une manière extravagante et en se fichant complètement de ce qu'elle fait tant elle est occupée à rendre service à son passager, du moins l'imagine-t-elle. Le gendarme, lucide et médusé, commente la façon de faire de la religieuse en lui disant "vous avez créé un style".
L'ouvrage "Découvrir ensemble la braise sous la cendre" me paraît appartenir à un genre littéraire qui fut illustré, dans les années 1990, par la publication de plusieurs livres en France. Tous ces livres, écrits par des auteurs présentés comme autant d'experts par les éditeurs et par de grandes librairies catholiques, comme celle qui a son siège non loin de la place Saint-Sulpice, tous ces livres racontaient la même chose que ce vous nous dites du contenu de "Découvrir ensemble...". Comme si ce livre était sans cesse réécrit par différents auteurs persuadés, chacun, d'exposer des choses inouïes concernant l'Eglise, et ravis de lui rendre le service d'avoir créé un style de pilotage qui lui manquait.
Même si un éminent prélat et un jésuite très en vue figuraient parmi les auteurs de ces ouvrages, je pense qu'on peut sincèrement s'interroger sur la nature de l'expertise qui leur était prêtée: à quelle spécialité appartient le rabâchage en circuit fermé qui imagine, en plus, énoncer les plus fraîches nouveautés? Ce n'est certes pas une expertise en lucidité et c'est bien affligeant, surtout pour qui s'efforce de cultiver le respect du sacerdoce dans lequel beaucoup de ces auteurs étaient engagés.
Mais ce qui était encore plus extravagant que les soi disant solutions proposées par tous ces auteurs, c'est précisément ce dont vous soulignez l'absence dans "Découvrir ensemble..." et qui, naturellement, manquait déjà dans les autres ouvrages puisque c'est à chaque fois le même livre qui fut, en quelque sorte, réécrit: aucun appel à la conversion par la prière, la célébration des sacrements, la pénitence.
Là, il y a vraiment de quoi être médusé.

Écrit par : C.J. | vendredi, 07 juin 2013

Les commentaires sont fermés.