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mercredi, 14 juillet 2010

Joachin Navarro-Valls et Benoît XVI


La pastorale de l'intelligence

 
"La Repubblica" , 5 Juillet , 2010

 



Joaquin Navarro-Valls
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De nombreux commentateurs , pour des raisons évidentes , ont concentré leur attention sur la discontinuité qui s'est créée entre la longue période de gouvernement de l'Église par Jean-Paul II et la nouvelle saison ouverte par le pape Ratzinger . Il est clair qu'aucun Pontificat n'est égal au précédent, bien que tout l'héritage du passé retombe à chaque fois sur l' homme qui est chargé depuis deux mille ans de porter sur ses épaules pendant un certain temps le poids de toute l'Église .

De là dérive la difficulté, pour ne pas dire l'impossibilité , d'établir des interprétations comparatives adéquates. Alors qu'au contraire, la biographie personnelle peut aider à comprendre un Pape individuel. Et de Benoît XVI, on ne peut oublier la longue carrière universitaire et le parcours intellectuel et théologique extraordinaire, d'abord avant d'être fait cardinal et évêque de Munich, puis , avec son rôle à la Congrégation pour Doctrine la foi , comme préfet , collaborateur et ami proche de Jean-Paul II .

Repensant à cette première période intense, il convient de compter avec les difficultés que Benoît XVI trouva son chemin ,ayant à traiter avec des "nœuds" qui n'était pas encore venus aussi clairement en lumière : la crise de l'Occident , qui a assumé de plus en plus les caractéristiques d'un relativisme culturel dévastateur , à laquelle s'est ajoutée la gestion difficile des relations oecuméniques dans un contexte international en changement brutal, et les problèmes majeurs au sein de l' Eglise, vilipendée par les attaques contre le sacerdoce , les scandales de pédophilie et de la crise des vocations .

Néanmoins, Benoît XVI s'est révélé parfaitement à la hauteur pour comprendre et interpréter avec une lucidité visionnaire les risques et les défis de l' Eglise d'aujourd'hui , ne laissant jamais baisser la garde et assurant une direction sûre pour le peuple chrétien . Et son magistère peut se résumer essentiellement en trois aspects.

- Le premier est l'interprétation sage et docte , que dès les premiers discours inauguraux en 2005 , le nouveau Pape a voulu donner à la charge apostolique. Dans l'homélie prononcée à la Basilique de Saint Jean de Latran pour l'intronisation, par exemple , le nouvel élu, d'une manière inhabituelle, a expliqué la signification des anciens symboles religieux qui étaient devant lui (ndt: en fait, c'était pendant la messe d'inauguration du Pontificat, le 24 avril sur la Place Saint-Pierre, Benoît XVI a expliqué la sympbolique du pallium et de l'anneau), si éloignés de la mentalité d'aujourd'hui , mais aussi si essentiels pour comprendre la foi de toujours . Benoît XVI faisait de cette façon une double opération idéale. D'un côté, il évitait de suivre Jean-Paul II dans ce qu'il avait d'inimitable, c'est-à-dire le style de son rapport immédiat et sensible avec les gens. De l'autre , il mettait au service de l'Eglise universelle son intelligence , sa doctrine et sa sagesse théologique extraordinaire. Si Jean-Paul II avait fait revenir au premier plan la présence publique de la religion comme un mode de vie adapté aux temps modernes , à présent, Benoît XVI était en mesure de proposer à nouveau, avec brio, le sens permanent et solide de la vérité religieuse . La finalité de la pensée de Ratzinger est d'ouvrir une réflexion sur la religiosité de l'homme , la portant au niveau d'une conscience mûre et rationnelle . Ce qui est beau, c'est que les deux aspects sont parfaitement complémentaires l'un à l'autre , comme le sont les deux pontificats eux-mêmes .


Benoît XVI a donné une forme de plus en plus claire à son style apostolique, qui s'est présenté comme un véritable "pastorale" de l'intelligence. L'expression, d' ailleurs , a été utilisé par le pape lui-même pour expliquer le type de critère qu'il suivait afin de proposer la foi chrétienne au monde entier .


Une façon particulièrement incisive pour en comprendre le développement est cette sorte de grande catéchèse universelle confiée aux audiences générales des mercredis où Benoît XVI a dépeint en paroles les figures les plus remarquables de l'histoire de la théologie , depuis la première époque apostolique.


Un exemple peut-être moins évident mais non moins emblématique de la très grande valeur accordée à la ratio fidei , c'est-à-dire le rôle de la raison dans la religion , dans sa vision intellectuelle .


- D'ailleurs , dans le désormais célèbre discours de Ratisbonne , il avait déjà mis en évidence le lien étroit qui existe entre une lecture "articulée" du christianisme, et les racines profondes du dialogue interreligieux et de l'œcuménisme .
Un effort qui s'est répété sans cesse , et encore tout récemment, lors du voyage à Chypre .
Pour paraphraser le théologien médiéval Bonaventure de Bagnoreggio, également très apprécié par le pape , nous pouvons dire que , pour Benoît XVI , la foi possède la primauté absolue dans la définition de l'essence du christianisme . Ce n'est qu'en croyant , en effet , qu'il est possible d'entrer dans le mystère ultime et inépuisable de la vérité. Le dialogue entre les différentes confessions, en même temps que la confrontation culturelle avec les non-croyants , est rendu possible par l'existence d'un unique horizon rationnel commun entre les gens . C'est pourquoi la foi a toujours besoin de la raison pour comprendre sa vérité et pour rendre effective l'accord entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, ou qui croient autrement .


L'aspect le plus suggestif de cette orientation personnelle est l'exigeant raisonnement sur les droits de l'homme . Comme il l'avait déjà fait en tant que cardinal, en discutant avec Jürgen Habermas, ou dans des contextes spécifiques tels qu'Oxford ou New York , le pape affirme que la raison permet à quiconque de saisir la dignité supérieure de la personne, indépendamment de la culture et de la tradition à laquelle il appartient.
On peut dire , au fond, que l'éthique constitue l'approche finale d'un dialogue rationnel entre les civilisations .



- Ces derniers mois, à ces deux aspects du style de Ratzinger , à savoir à l'intelligence , et à l'œcuménisme , s'est ajoutée une nouvelle ligne de son enseignement : la grand réflexion sur le mal moral. En effet , en face de la difffusion médiatique des scandales liés à la pédophilie , l'attitude de Benoît XVI n'a été ni défensive ni évasive. Et même temps, la présence indéniable du mal dans la société, y compris dans l'Eglise , a donné au Pape l'occasion de ramener au centre du débat contemporain la question théologique du péché.


Et de ce points de vue , son magistère intellectuel et sa perception sage des problèmes se sont révélés une ressource unique , capable de gérer avec beaucoup de détermination pratique et de sagesse mûre la honte et l'humiliation causées à l' Eglise par les scandales.
D'ailleurs , non seulement ces crimes commis exigent miséricorde repentir pour être affrontés, mais également des responsabilités précises , des sanctions sévères et une rigueur intransigeante . « Le pardon ne se substitue pas à la justice », a été l'une de ses pensées directrices. Il n'est pas difficile de reconnaître le grand équilibre que Benoît XVI a tenu entre les tendances opposées et erronées de pardonner ou de punir . La foi chrétienne en effet, dans son expérience longue et éprouvée, exhorte à une évaluation intégrale et minutieuse du mystère inépuisable du mal , considéré, au même titre que le bien, comme une tendance irrépressible de la personne , parce qu'elle est enracinée dans le cœur même de l'humanité .


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