samedi, 04 juillet 2009
Interview du Président des USA Barack Obama
source: Benoît et moi
Au cours d'une longue interviewe dans l'aile ouest de la Maison Blanche, avec un groupe très restreint de journaux, parmi lesquels L'Avvenire était l'unique quotidien italien, Obama a illustré ses attentes pour le voyage qui mercredi prochain le mènera en Italie et au Vatican.
S'étant présenté dans la Roosevelt Room à 10 heures et demie précises, hier matin, comme prévu, Barack Obama a répondu pendant plus d'une heure à une douzaine de questions posées par une brochette de journalistes (des questions qui n'avaient pas été anticipées par la Maison Blanche) sans jamais refuser de commenter les sujets qui étaient proposés. Dans ses réponses il s'est toujours efforcé de souligner les éléments positifs de toutes les positions, surtout sur les thèmes les plus controversés.
Voici une très ample synthèse de la conversation.
(Le Président Obama rencontrera le Pape le 10 juillet. L'encyclique Caritas in Veritate paraîtra un jour avant le G8. Si seulement l'équipe de communication d'Obama travaillait pour le Saint-Siège....)
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- Monsieur le président, quel engagement émergera, selon vous du G8 de l'Acquila, envers les Pays les plus pauvres ?
- Du G8 je voudrais pouvoir obtenir la conviction que nous étions sérieux lorsque nous nous sommes rencontrés à Londres et que avons spécifiquement parlé de la nécessité non seulement de stabiliser l'économie, mais aussi de faire en sorte que les effets immédiats de la crise ne soient pas subis de manière disproportionnée par les Pays les plus vulnérables. Comme résultat de la rencontre de Londres, nous avons cherché les modalités pour contribuer à rendre l'impact de la crise moins dur. C'est pourquoi j'ai fait approuver par le Congrès une allocation de 100 milliards de dollars de crédits pour le Fond monétaire international, à employer comme moyen de soutien aux Pays en voie de développement. Au titre des Etats Unis, en outre, nous avons déjà en programme de doubler les aides aux nations pauvres, pas seulement pour des interventions immédiates, mais aussi dans le futur. La priorité de l'Amérique au prochain G8 est justement de pousser les autres Pays à en faire autant.
- Le Pape, pendant son récent voyage en Terre Sainte, a invoqué une « paix juste et durable ». La négociation de paix au Moyen Orient est toutefois arrivée à une impasse, en partie à cause des résistances d'Israël à arrêter la croissance des installations en Cisjordanie. Comment pensez-vous l'État hébreu à dépasser ces résistances et comment entendez-vous faire repartir une négociation basée sur le principe de « deux peuples, deux États » ?
- Avec les israéliens nous avons été très clairs pour affirmer que les installations doivent être arrêtées. Mais nous savons que cela ne sera pas facile pour Israël, parce que les installations continuent depuis de nombreuses années. Le premier ministre Netanyahu doit en outre tenir compte d'une série de conditions politiques difficiles chez lui. Cela dit, les entretiens que nous avons avec les israéliens sont très constructifs. D'autre part, ce n'est pas seulement la faute d'Israël. Les palestiniens ont la responsabilité d'arrêter la violence et les Pays arabes de la région doivent comprendre que, si Israël est appelé à prendre des décisions politiques très difficiles, ils doivent reconnaître que l'État hébreu a besoin de sécurité, comme tout autre Pays. Ce que les Etats Unis peuvent faire, sans imposer la solution, c’est de mettre un miroir devant les deux parties pour leur montrer les conséquences de leurs actes. C'est le thème sur lequel je suis anxieux de discuter avec le Saint Père, qui je crois partage mon approche.
- Quels autres thèmes entendez-vous affronter avec Benoît XVI ?
- J'ai eu une merveilleuse conversation téléphonique avec le Pape tout de suite après les élections. Et quoique politiquement je voie la rencontre comme un entretien avec un chef de gouvernement étranger, je me rends compte que, naturellement, c'est bien plus. Je comprends bien quelle influence le Pape a, bien au-delà des frontières de l'Église catholique. Le Pontife jouit de mon plus grand respect personnel, comme figure qui unit une grande culture à une grande sensibilité. L'oeuvre qu'il a accomplie pour le dialogue entre les croyances est considérable. Et j'imagine qu'il a déjà expérimenté le risque qui dérive de mettre ensemble, en opposition, des groupes ayant des positions opposées, comme on l'a vu en Israël. Mais il faut être convaincu du fait qu'entamer le processus, faire démarrer le dialogue, peut amener à une plus grande compréhension entre ceux qui sont sur des fronts différent. J'espère qu'avec le Saint Père nous serons en mesure de trouver des thèmes sur lesquels nous pourrons avoir une collaboration durable : de la paix au Moyen Orient à la bataille contre la pauvreté, des changements climatiques à l'immigration. Tous domaines dans lesquels le Pape a assumé un leadership extraordinaire.
- Dans beaucoup d'autres domaines, en particulier sur le respect de la vie et du mariage, l'Église catholique, et les évêques catholiques américains, ont cependant exprimé des critiques et des préoccupations vis-à-vis de vos positions. Comment pensez-vous affronter ces critiques ? Ou considérez-vous qu'on finira par les ignorer ?
- Il n'y aura jamais un instant où je déciderai d'ignorer les critiques des évêques catholiques, parce que suis le président de tous les américains et pas seulement de ceux qui sont d'accord avec moi. Je prends très au sérieux les opinions des autres personnes et les évêques américains ont une profonde influence sur l'Église et aussi sur la communauté nationale. Plusieurs évêques ont été généreux dans leurs opinions et encourageants envers moi bien qu'il reste des différends sur quelques questions. Je défendrai toujours avec force le droit des évêques de me critiquer, même sur un ton passionné. Et je serais heureux de les recevoir ici à la Maison Blanche, pour parler des thèmes qui nous unissent et de ceux qui nous divisent, dans une série de tables rondes. Il y aura toutefois toujours des domaines dans lesquels il ne sera pas possible trouver un plein accord.
- Vous avez nommé un groupe de travail, composé de représentants de mouvements qui défendent la vie et d'associations qui soutiennent le droit à l'avortement, dans le but de trouver des positions communes. Quelles sont vos attentes réalistes sur le résultat des travaux ?
- Ce groupe devra me fournir un rapport final avant l'été et je n'ai pas l'illusion qu'il soit en mesure, avec le seul débat, de faire disparaître les différences. Je sais qu'il y a des points où le conflit n'est pas conciliable. La meilleure chose que nous puissions faire est de réaffirmer qu'il existe des personnes de bonne volonté des deux côtés et qu'on peut trouver des éléments sur lesquels travailler ensemble. Parmi ceux-ci, la nécessité d'aider les jeunes à prendre des décisions intelligentes de sorte qu'ils évitent des grossesses non désirées, l'importance de renforcer l'accès à l'adoption comme alternative à l'avortement et le devoir de prendre du soin des femmes enceintes et de les aider à élever leurs enfants. Il y a des éléments, comme la contraception, sur lesquels les différences sont profondes. Ma position personnellement est qu'on doive conjuguer une solide éducation morale et sexuelle à la disponibilité de contraceptifs. Je reconnais que cela va en conflit avec la doctrine de l'Église catholique. Mais je serais surpris si les défenseurs du droit à l'avortement n'étaient pas d'accord avec la fait qu'il faut réduire les circonstances dans lesquelles une femme décide d'interrompre la grossesse.
- Quelques catholiques louent votre contribution à la promotion de thèmes de justice sociale, d'autres vous critiquent pour votre position sur les thèmes de la vie, de l'avortement, et la recherche sur les cellules souches. Le voyez-vous comme une contradiction ?
- Cette tension du monde catholique existait bien avant mon arrivée à la Maison Blanche. Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la justice sociale, à Chicago, les évêques catholiques parlaient d'immigration, de nucléaire, de pauvres, de politique étrangère. Ensuite, à un certain moment, l'attention de l'Église catholique s'est déplacée vers l'avortement et cela a eu le pouvoir de déplacer l'opinion du Congrès et du Pays dans la même direction. Ce sont des thèmes auxquels je pense beaucoup, mais ce n'est pas à moi de résoudre ces tensions. J'ai vu toutefois comment on peut tenter une conciliation. Le cardinal Joseph Bernardin, que j'ai connu à Chicago, parlait clairement et explicitement de la défense de la vie. Et il y incluait aussi la bataille contre la pauvreté, le bien-être de l'enfance, la peine de mort. Cette partie de la tradition catholique m'inspire continuellement et a eu un fort impact sur ma femme. Parfois je pense que cela a été enterré sous le débat sur l'avortement. Je désire au contraire qu'elle reste au premier plan dans le débat national.
- Monsieur le président, avez-vous déjà choisi une église à fréquenter avec votre famille ?
- Moi et Michelle avons décidé de prendre notre temps avant de choisir notre prochaine paroisse parce que, honnêtement, nous sommes restés profondément frappés, troublés et déçus de ce qui s'est passé à Trinity Church avec le curé Wright (le pasteur noir qui a servi de père spirituel à Obama pendant 20 ans et qui, pendant la campagne électorale, a fait du bruit autour de sa « malédiction » à l'Amérique, ndr). Nous savons aussi que l'église que nous fréquentons peut être vue comme notre « porte-parole ». Et nous savons que notre présence rend la vie difficile aux autres fidèles. Nous pourrions décider de nous déplacer entre différentes de paroisses, même si cela nous enlèverait l'expérience d'appartenir à une communauté et de participer à la vie de l'église. Cela m'aide cependant d'avoir un groupe de pasteurs de différentes dénominations qui viennent prier avec nous. En outre, Joshua (Joseph DuBois, du bureau de la Maison Blanche pour les initiatives fondées sur la foi, ndr) m'envoie une réflexion de dévotion chaque matin sur mon Blackberry. Il a commencé à le faire pendant un instant difficile de la campagne électorale et c'est une habitude qui m'offre une occasion sur laquelle réfléchir chaque jour et que j'apprécie beaucoup.
- Beaucoup de personnes, pas seulement des médecins, qui oeuvrent dans des institutions et organisations non gouvernementales sont préoccupées de ne pas pouvoir exercer l'objection de conscience dans les domaines éthiquement sensibles. La position de votre Administration à cet égard n'est pas entièrement claire…
- Je suis fermement convaincu de la nécessité d'avoir de fortes objections de conscience dans notre Pays. Je l'ai défendu au Parlement de l'Illinois, j'en ai discuté avec le cardinal Francis George ici dans le Bureau Ovale et je l'ai répété pendant mon intervention à l'université de Notre Dame. Je comprends qu'il y en ait qui attendent toujours le pire de moi sur certains thèmes, mais c'est plus un préjugé qu'une position motivée par une « ligne dure » que nous chercherions à imposer. La confusion peut dériver du fait que nous avons annulé une mesure sur l'objection de conscience approuvée dans les derniers jours de gouvernement de mon prédécesseur, uniquement parce qu'elle n'avait pas été formulée clairement. Mais nous revoyons la question et avons demandé des avis aux gens sur ce sujet, en recevant des centaines de milliers. Nous allons bientôt indiquer des lignes directrices plus détaillées et je vous assure qu'elles contiendront une défense précise de l'objection de conscience. Pas plus faible que ce qui existait pendant l'administration Bush.
- Comment conciliez-vous votre foi avec les promesses faites aux homosexuels pendant la campagne électorale ?
- Quant à la communauté gay et lesbienne de ce Pays, je pense qu'elle est blessée par quelques enseignements de l'Église catholique et de la doctrine chrétienne en général. Comme chrétien, je combats continuellement entre ma foi et mes devoirs, et mes préoccupations vis-à-vis des gays et lesbiennes. Et souvent je découvre qu'il y a beaucoup d'ardeur sur les deux les fronts du débat, y compris entre que je considère être d'excellentes personnes. D'autre part, j'en reste à ce que j'ai exprimé au Caire : toute position qui écarte automatiquement les convictions religieuses et le credo d'autrui comme intolérantes ne comprend pas le pouvoir de la foi et le bien qu'elle accomplit dans le monde. En tout cas, comme personnes de foi, nous devons examiner nos convictions et nous demander si nous ne causons parfois de la souffrance aux autres. Je pense que tous, quelle que soit notre foi, nous devrions reconnaître qu'il y a eu des moments où la religion n'a pas été mise au service du bien. Et c'est à nous, je pense, d'accomplir une profonde réflexion et d'être disposés à nous demander si nous agissons de façon cohérente non seulement avec les enseignements de l'Église, mais aussi avec ce que Jésus Christ, Notre Seigneur, nous a appelés à faire : traiter les autres comme nous voudrions être traités.
- Président, pour conclure, qu'attendez-vous que l'Italie fasse de plus pour la sécurité en Afghanistan en vue des élections présidentielles de la fin de l'été ? Et dans quel domaine précisément ?
- L'Italie nous a déjà beaucoup aidés en Afghanistan avec son engagement militaire. Ce dont nous continuons à avoir besoin est la collaboration dans la formation des forces locales, qui devront, tôt ou tard, assumer la responsabilité de la défense de leur Pays. La communauté internationale doit aussi augmenter ses efforts afin d'accélérer et de faciliter le développement économique afghan, de créer des infrastructures, du travail, des échanges commerciaux, d'étendre l'instruction, de façon à offrir à la population une alternative à la culture de l'opium. De cela je parlerai explicitement avec le premier ministre Berlusconi pendant le G8 de l'Acquila.
Elena Molinari
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