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mercredi, 01 mai 2019

Abus: le Concile de Trente et le Cardinal Sarah propagent le cléricalisme; Benoît XVI est contradictoire (sic!)

Abus: le Concile de Trente et le Cardinal Sarah propagent le cléricalisme; Benoît XVI est contradictoire (sic!)

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Marie-Jo Thiel est présidente de l'association européenne de théologie. Ces recherches l'ont conduit à l'étude psychologique des abuseurs. 

Dans une interview (extraits ci-dessous), elle laisse entendre que le Concile de Trente et le Cardinal Sarah propagent le cléricalisme. De plus, dans son récent article pour aider la réflexion de toute l'Eglise, Benoît XVI est contradictoire. 

Trois éléments de réponse: 

1- Le cléricalisme: une déviation de la vraie nature du sacerdoce. 

L'enseignement du Magistère de l'Eglise, du Concile de Jérusalem à Vatican II, n'engendre nullement le cléricalisme. Pour faire court, le cléricalisme désigne une manière déviante de concevoir le clergé, une déférence excessive et une tendance à lui conférer une supériorité morale. Le pape François a donné une brève description de ce phénomène : « les prêtres se sentent supérieurs, ils sont très distants du peuple. » Il ajoute que le cléricalisme peut être « favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs ». En effet, les laïcs peuvent tomber dans le cléricalisme aussi. Autrement dit, vouloir changer la foi, construire une autre Eglise que celle de Jésus ou contester le Magistère de l'Eglise est aussi une forme de cléricalisme. Ceci doit être distingué de la réforme permanente, de la conversion de tous les chrétiens. 

2. Le texte de Benoît XVI doit être lu en entier. Il raconte son parcours théologique. Mais pour le Pape émérite, la crise de la pédophilie vient de mai 1968 ?

Non. Joseph Ratzinger cite les paroles mêmes de Jésus. Les scandales existaient malheureusement à cette époque.

À la lumière de l’ampleur de l’inconduite pédophile, un mot de Jésus attire mon attention :  » Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer » (Mc 9,42).

L’expression « ces petits » dans le langage de Jésus désigne les croyants ordinaires, qui peuvent être ébranlés dans leur foi par l’orgueil intellectuel de ceux qui se pensent intelligents. Donc, Jésus protège le dépôt de la foi par une menace de punition pour ceux qui lui portent atteinte.

Mais il est de notoriété publique que des intellectuels comme Bernard Kouchner, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou Daniel Cohn-Bendit ont justifié intellectuellement la pédophilie. Aucun texte de l'Eglise ne va dans ce sens. Enfin, l'explosion de la pornographie dans les nouveaux médias a puissamment fracturé les personnes déjà fragiles. 

... il apparaît alors soudainement comme une évidence que certaines choses sont mauvaises et détruisent l’humain. C’est notamment le cas de la pédophilie. La théorie voulait, encore assez récemment, qu’elle soit considérée comme une pratique autorisée, et elle n’a cessé de se répandre. Et nous découvrons désormais avec effroi que nos enfants et nos adolescents subissent des choses qui menacent de les détruire. 

3. Le Cardinal Sarah ne fait rien d'autres que de reprendre la théologie du sacerdoce, que cela soit du Concile de Trente, du Saint Curé d'Ars, de Vatican II, de Jean-Paul II, de Benoît XVI ou du Pape François. 

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Interview dans son intégralité

Extraits: sur les abus et abuseurs

Il peut aussi y avoir des facteurs externes?

Oui, à ces éléments psycho-pathologiques s’ajoutent d’autres facteurs comme le contexte sociétal. La loi du plaisir, la sexualité perçue comme une performance, la pornographie etc. ont une influence. Le pape émérite Benoît XVI a récemment mis en cause la révolution sexuelle de mai 68, et l’abandon de la morale fondée sur la loi naturelle. Mais cette analyse n’est pas suffisante. Les abus sexuels sur mineurs ont existé de tous temps dans l’Eglise. Le message de Benoît XVI est ambigu et contradictoire, même si de nombreux facteurs, dont ces deux-là, s’imbriquent.

Y-a-t-il un aspect plus spécifique lorsque l’auteur d’abus est un prêtre?

Les générations d’auteurs des années 1940 à 1970 ont été formées dans l’idée de la sacralité du prêtre qui est l’homme du sacrifice eucharistique. En tant que ministre du sacré, il est mis à part. Cela remonte à la création des séminaires, après le Concile de Trente, aux XVIIe et XVIIIe siècles. C’est la porte ouverte au renforcement narcissique et donc au cléricalisme dénoncé par le pape François.

La virginité des consacrés a été placée au-dessus de toutes les autres formes de vie et ceci au moins jusque chez Pie XII, dans les années 1950. Malgré Vatican II, qui définit le prêtre dans une perspective relationnelle, cette mentalité persiste clairement, par exemple chez le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin.

Marie-Jo Thiel est médecin et professeure d’éthique à la Faculté de théologie de l’Université de Strasbourg. Elle dirige le CEERE (Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique) qu’elle a fondé en 2005. Elle est présidente de l’Association européenne de théologie catholique. En 2017, le pape François l’a nommée membre de l’Académie pontificale pour la vie. Outre la problématique des abus, elle est également l’auteure de nombreux ouvrages et articles scientifiques sur les questions bioéthiques liées au début et à la fin de la vie.

Marie-Jo Thiel: L’Eglise catholique face aux abus sexuels, Paris, 2018, 718 p. Bayard

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