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lundi, 08 avril 2019

Le secret ? les guérisseurs ? Le diable est un menteur (dossier Cath.ch)

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Alain Chardonnens: "Par prudence, l'Eglise demande de s'abstenir"

08.04.2019 par Raphaël Zbinden - Cath.ch

L’Eglise catholique ne voit pas d’un bon œil les pratiques de guérisons ou de secrets. Pas parce qu’elle n’y croit pas, bien au contraire, mais principalement pour préserver les personnes d’éventuelles dommages à l’âme ou au porte-monnaie, explique le chanoine Alain Chardonnens, prêtre à Versoix (GE).

Après avoir fait appel à un faiseur de secret, la personne rêvait régulièrement que toute sa famille périssait dans l’incendie de sa maison. Elle ne ressentait certes plus de douleurs, mais s’était mise à faire d’effroyables cauchemars.

L’histoire racontée par Alain Chardonnens entend faire comprendre qu’il “ne faut pas jouer avec le feu” en matière de pratiques de guérison “ésotériques”. Pour le curé de Versoix, il est important de “toujours savoir qui agit, au nom de qui et pour qui”.

Spécialiste de l’ésotérique “malgré lui”

L’ancien vicaire général de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) n’est pas spécialement attiré par l’ésotérisme. Il est venu à se pencher sur le sujet presque par hasard. Au séminaire, l’une de ses amies, qui avait reçu une prière du secret, était mal à l’aise avec cela. Elle voulait connaître la position de l’Eglise à ce sujet. Alain Chardonnens avait ainsi étudié la question pour lui rendre service. Plus tard, il a continué à se renseigner, à travers des ouvrages ou en assistant à des conférences du prêtre français Joseph Verlindes, un spécialiste des activités ésotériques qui a ses entrées au Vatican.

Il s’est à nouveau penché sur ces pratiques à la suite de la parution du livre Le guide des guérisseurs de Suisse romande, de Magali Jenny, en 2008. Une première édition mentionnait le témoignage de deux guérisseurs affirmant que leur don avait été authentifié par Mgr Bernard Genoud, ancien évêque de LGF, décédé en 2010. Une information erronée, comme l’ont signalé des lecteurs. En tant que vicaire général du diocèse, Alain Chardonnens avait alors contacté l’auteur pour une rectification. Dans ce cadre, Magali Jenny l’avait longuement interviewé sur la position de l’Eglise catholique en la matière. Des réflexions dûment reprises dans une réédition de 2012.

“Tout charisme est un don de Dieu, et en tant que tel, il est gratuit”

Au fil de son travail pastoral dans divers lieux de Suisse romande, le prêtre a en outre été confronté à de nombreuses reprises à des pratiques de secret et de guérison bien ancrées dans le paysage. “Vous rencontrez des personnes qui peuvent être de fervents catholiques, engagés en paroisse, et qui en même temps utilisent régulièrement le secret reçu d’un proche”, souligne-t-il.

Efficacité suspecte

Face aux divers témoignages et observations, le curé a été convaincu de l’action réelle et puissante de ces pratiques. Pour lui, les effets ne proviennent pas d’une forme d’autosuggestion. “Lorsque ça fonctionne pour une personne qui n’est pas au courant, qui est inconsciente ou même pour des animaux, on ne peut pas croire que ça se passe juste dans la tête”.

Mais pour l’ancien vicaire général, cette efficacité presque systématique est justement suspecte. “Il est étrange que les secrets fonctionnent mieux que les démarches proposées par l’Eglise, comme les pèlerinages ou les sacrements, alors que l’on est sûr que c’est Dieu qui agit”. En filigrane: les guérisons accordées par le Christ-médecin ne se réalisent que dans la perspective d’un gain de foi, soit pour le cheminement de la personne guérie, soit en tant que signe de la présence de Dieu. D’autres forces, pas forcément recommandables, seraient donc à l’œuvre dans les pratiques ancestrales de guérison qui habitent les campagnes romandes. Le chanoine Chardonnens en veut pour preuve que les prières intègrent souvent, parmi des éléments typiques de la tradition catholique, des allusions “insolites” à la figure de Judas, à la lampe du Tabernacle ou au sang.

Le diable est menteur

“Pour cette raison, l’Eglise applique une extrême prudence en la matière, explique-t-il. Elle déconseille de se diriger vers ces pratiques et demande que les personnes qui y ont recours aillent s’en confesser”, indique le curé. “Il s’agit de faire attention, même quand les apparences sont positives. Car le diable est séducteur et il n’hésite pas à prendre un aspect bienveillant”. Pour Alain Chardonnens, les fidèles doivent en premier lieu se fier à leurs connaissances de base de la foi pour discerner. “Souvent, les prières de guérison commencent bien, mais ne tardent pas à ‘partir en vrille’, avec justement des allusions ‘bizarres’. En général, il n’est pas difficile de comprendre que ‘quelque chose cloche'”.

“L’Eglise est contre les ‘raccourcis'”

La prudence de l’Eglise vise aussi à protéger les personnes d’éventuels charlatans en voulant à leur portefeuille, dans des milieux où ils ne sont pas rares. “Le fait même que cela soit ‘secret’ est louche, ajoute le curé, car un véritable don de l’Esprit Saint n’a pas peur de se montrer au jour”. Il relève, face au foisonnement de faiseurs de secret en Suisse romande, que les authentiques charismes de guérison sont extrêmement rares.

Des solutions alternatives

Alain Chardonnens rappelle que l’Eglise n’est pas opposée à ce genre de charismes. Ces derniers doivent simplement être authentifiés par l’autorité ecclésiastique. Le chanoine précise qu’il existe, outre les sacrements, des personnes ayant de tels dons de guérison authentifiés et des cérémonies spéciales vers lesquelles les fidèles peuvent se diriger avec confiance. Il mentionne en particulier les sécances de prière menées par le prêtre valaisan Olivier Bagnoud.

Pour q’un charisme soit authentifié, il existe toute une série de critères de discernement. Il faut, en règle générale, que les activités soient réalisées pour le bien de l’Eglise, de la foi et de l’âme de la personne. Dans cette perspective, toute forme de lucrativité est à bannir. “Car tout charisme est un don de Dieu, et en tant que tel, il est gratuit”, rappelle le curé de Versoix. Il relève que les fidèles, pour y voir plus clair, peuvent se référer à divers textes, notamment les écrits du Père Joseph Verlindes, ou encore des documents officiels du Saint-Siège tels que Charisme et institution ou Jésus, porteur d’eau vive.

“En règle général, l’Eglise est contre les ‘raccourcis’, insiste Alain Chardonnens. Elle préfère que la personne réalise une démarche de guérison peut-être moins immédiate et moins efficace, mais plus profonde et plus pertinente pour le salut de son âme”. (cath.ch/rz)

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