vendredi, 12 janvier 2018
Exclusif: interview de Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège
Exclusif: interview de Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège
Comme de coutume en début d'année, le Pape François a rencontré les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège. Son Excellence Mr Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse était présent.
Interview
Quelles furent vos impressions d'être avec quelques 180 ambassadeurs du monde entier, en présence du Pape ?
Pour qui n’en voit que les images, l’impression que donne la cérémonie des vœux est celle d’un cadre solennel : la grande Sala Regia avec ses fresques, le nombre des ambassadeurs en habit ou en uniforme, en face desquels se tient le souverain pontife.
Pour qui est sur place, la solennité est perceptible davantage encore dans le silence et l’attention qui caractérisent l’écoute d’un discours de politique extérieure très développé. La diplomatie vaticane a la réputation d’être extrêmement bien informée et de choisir ses mots, ce qui renforce l’intérêt des capitales pour le contenu de ce discours annuel, qui a duré près d’une heure.
La réflexion que développe le pape François sur les problèmes et les défis actuels est très nuancée, et souvent stimulante et originale. L’aspect protocolaire, très présent, n’étouffe pas la dimension humaine : à la fin de cette cérémonie, chacun échange personnellement salutations et vœux avec le Saint-Père et avec les principaux responsables de la Curie.
Une photo montrant les horribles conséquences de l'arme nucléaire, avec deux enfants, l'ainé portant son tout petit frère mort sur les épaules, a été publiée à la demande express de François. Face à un possible conflit nucléaire, avez-vous senti le successeur de Pierre plus inquiet que d'habitude ?
Quoi de plus déconcertant que de voir, sur une carte de vœux, un enfant portant son petit frère mort pour le faire incinérer ? L’image est moins effroyable que certaines scènes sanglantes diffusées sur internet, qui suscitent une horreur viscérale.
Cette photographie ne met pas l’accent sur la puissance du feu nucléaire mais sur l’impressionnante dignité des victimes. Le pape François a sans doute voulu provoquer une prise de conscience. Quelques jours plus tard, devant le Corps diplomatique, le souverain pontife a donné comme une lecture politique de son geste. Il a appelé les Etats à ratifier le Traité d’interdiction des armes nucléaires conclu en 2017. Il a aussi appelé à « soutenir toute tentative de dialogue dans la péninsule coréenne ».
Le pape François ne se limite donc pas à exprimer une inquiétude, mais il invite à « surmonter les oppositions actuelles, accroître la confiance réciproque et assurer un avenir de paix au peuple coréen et au monde entier ». En entendant ces mots, j’ai songé aux militaires suisses qui depuis des décennies sont présents sur la ligne de démarcation à Panmunjom, pour surveiller le cessez-le-feu.
Pensez-vous que la diplomatie du Saint-Siège inspire les actions de la Genève Internationale ? la diplomatie suisse du Conseil Fédéral ?
Lorsque le pape François diffuse la photo des enfants de Nagasaki, il invite à tourner les regards d’abord vers les victimes des conflits armés. Cette perspective est aussi celle des institutions de la Genève internationale, où la Suisse joue depuis longtemps un rôle qui va bien au-delà de celui d’Etat hôte.
Dans le domaine humanitaire et dans la promotion de la paix, on peut discerner de nombreuses convergences dans les principes et les objectifs du Saint-Siège et de la Suisse, qui sont des acteurs internationaux très engagés et, je crois, très écoutés dans les forums multilatéraux.
Vous allez remettre votre mandat à la fin de cette année 2018. Quels sont les réalités qui vous ont le plus marquées ? les 3 principes clefs de l'action diplomatique que vous emportez avec vous ?
Malgré toutes les différences entre la Genève internationale et le Vatican, on perçoit dans ces deux capitales diplomatiques une véritable universalité. Presque aucune région du monde, presque aucun des enjeux actuels n’y sont ignorés. Être ambassadeur près le Saint-Siège permet de vivre des moments, des rencontres et des échanges exceptionnels, notamment en accompagnant la visite plusieurs présidents de la Confédération ou des Chambres fédérales.
Représentant la Suisse, j’ai aussi le privilège de cultiver des relations très étroites avec la Garde suisse pontificale, une institution et des personnes dont notre pays peut être très fier ! Dans l’expérience acquise ou renforcée au Vatican, je retiendrai le caractère essentiel des relations personnelles, mais aussi l’importance des mots et de leurs nuances, pour bien comprendre et se faire comprendre. Une troisième leçon, peut-être plus spécifique au Saint-Siège, concerne la continuité temporelle voire historique : garder la mémoire et cultiver la patience voire une forme de ténacité, pour être à même de préparer ou de saisir le moment d’agir.
Propos recueillis par Le Suisse Rom@in
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jeudi, 11 janvier 2018
«L'homosexualité est une abomination» : la condamnation de Boutin annulée en cassation
«L'homosexualité est une abomination» : la condamnation de Boutin annulée en cassation
«L'homosexualité est une abomination. Mais pas la personne. Le péché n'est jamais acceptable, mais le pécheur est toujours pardonné».
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Le Pape François et l'accueil des migrants, des réfugiés
Le droit à émigrer est précédé d'un autre droit: celui de rester en paix et en sécurité, en vie, dans son pays. Le droit à ne pas émigrer.
Les discours du Pape sur l'accueil des réfugiés secoue les consciences. Le Saint-Siège recommande le discernement et la vertu de prudence aux Etats. Le thème de la migration agite également la sphère médiatique. Que dit l'Eglise, la doctrine sociale de l'Eglise, le Pape, le Saint-Siège ?
Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie.
Pape François, aux ambassadeurs
A lire doctrine sociale de l'Eglise
Le Pape François et l'accueil des migrants, des réfugiés
Dans les relations avec les Autorités civiles, le Saint-Siège ne vise rien d’autre que de favoriser le bien-être spirituel et matériel de la personne humaine et la promotion du bien commun.
Il est aussi important que puissent retourner dans leur patrie les nombreux réfugiés qui ont trouvé accueil et refuge dans les nations limitrophes, surtout en Jordanie, au Liban et en Turquie. L’engagement et les efforts accomplis par ces pays dans cette situation difficile mérite l’appréciation et le soutien de toute la communauté internationale, qui est en même temps appelée à œuvrer pour créer les conditions en vue du rapatriement des réfugiés provenant de la Syrie.
C’est un engagement qu’elle doit concrètement prendre en commençant par le Liban, afin que ce pays bienaimé continue à être un ‘‘message’’ de respect et de cohabitation ainsi qu’un modèle à imiter pour toute la région et pour le monde entier.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de migrants et de migrations, parfois juste pour susciter des peurs ancestrales. Il ne faut pas oublier que les migrations ont toujours existé. Dans la tradition judéo-chrétienne, l’histoire du salut est essentiellement une histoire de migrations. Il ne faut pas non plus oublier que la liberté de mouvement, tout comme celle de quitter son propre pays et d’y retourner, fait partie des droits fondamentaux de l’homme (cf. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 13). Il faut donc sortir d’une rhétorique répandue sur la question et aller au fait essentiel que devant nous, il y a d’abord et avant tout des personnes.
C’est ce que j’ai voulu réaffirmer par le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, célébrée le 1er janvier dernier, consacré aux: ‘‘[Les] migrants et [les] réfugiés: des hommes et des femmes en quête de paix’’. Tout en reconnaissant qu’ils ne sont pas toujours tous animés des meilleures intentions, on ne peut pas oublier que la majorité des migrants préfèrerait rester dans leur propre pays, alors qu’elle se trouve contrainte à le quitter « à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale. […]
En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer »
Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer » (Pacem in terris, n. 106). Ils ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux, pour ne pas être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir (cf. Lc 14, 28-30)» (FRANÇOIS, Message pour la 51ème Journée Mondiale de la Paix, 13 novembre 2017, n. 1).
Je voudrais de nouveau remercier les Autorités de ces États qui se sont prodigués au cours de ces années pour fournir une assistance aux nombreux migrants parvenus à leurs frontières. Je pense d’abord à l’engagement de nombreux pays en Asie, en Afrique et dans les Amériques, qui accueillent et assistent un grand nombre de personnes. Je garde encore vivante dans le cœur la rencontre que j’ai eue à Dacca avec quelques membres du peuple Rohingya et j’aimerais renouveler aux autorités du Bangladesh mes sentiments de gratitude pour l’assistance qu’elles offrent, sur leur propre territoire, à ces personnes.
Je voudrais ensuite exprimer une gratitude spéciale à l’Italie qui, ces années, a montré un cœur ouvert et généreux et a su aussi donner des exemples positifs d’intégration. Mon souhait est que les difficultés que le pays a traversées ces dernières années, et dont les conséquences persistent, ne conduisent pas à des fermetures et à des verrouillages, mais au contraire à une redécouverte de ces racines et de ces traditions qui ont nourri la riche histoire de la Nation et qui constituent un inestimable trésor à offrir au monde entier. De même, j’exprime mon appréciation pour les efforts accomplis par d’autres États européens, en particulier la Grèce et l’Allemagne. Il ne faut pas oublier que de nombreux réfugiés et migrants cherchent à rejoindre l’Europe parce qu’ils savent qu’ils pourront y trouver paix et sécurité, qui sont d’ailleurs le fruit d’un long cheminement né des idéaux des Pères fondateurs du projet européen après la seconde guerre mondiale.
L’Europe doit être fière de ce patrimoine, fondé sur certains principes et sur une vision de l’homme qui plonge ses bases dans son histoire millénaire, inspirée par la conception chrétienne de la personne humaine. L’arrivée des migrants doit la pousser à redécouvrir son patrimoine culturel et religieux propre, de sorte que, reprenant conscience de ses valeurs sur lesquelles elle s’est édifiée, elle puisse en même temps maintenir vivante sa tradition et continuer à être un lieu accueillant, annonciateur de paix et de développement.
L’an passé, les gouvernements, les organisations internationales et la société civile se sont consultés réciproquement sur les principes de base, sur les priorités et sur les modalités les plus opportunes pour répondre aux mouvements migratoires et aux situations persistantes qui concernent les réfugiés. Les Nations Unies, suite à la Déclaration de New York pour les Réfugiés et les Migrants de 2016, ont initié d’importants processus de préparation en vue de l’adoption de deux Pactes Mondiaux (Global Compacts), respectivement sur les réfugiés et pour une migration sûre, ordonnée et régulière.
Le Saint Siège souhaite que ces efforts, grâce aux négociations qui s’ouvriront bientôt, conduisent à des résultats dignes d’une communauté mondiale toujours plus interdépendante, fondée sur les principes de solidarité et d’aide mutuelle. Dans le contexte international actuel, les possibilités et les moyens d’assurer à tout homme et à toute femme qui vit sur terre des conditions de vie dignes de la personne humaine ne manquent pas.
Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix de cette année j’ai suggéré quatre ‘‘jalons’’ pour l’action : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer (Ibid., n. 4). Je voudrais m’arrêter en particulier sur ce dernier, sur lequel s’affrontent différentes positions à la lumière d’autant d’évaluations, d’expériences, de préoccupations et de convictions.
L’intégration est un “processus bidirectionnel”, avec des droits et des devoirs réciproques. Celui qui accueille est en effet appelé à promouvoir le développement humain intégral, alors qu’on demande à celui qui est accueilli de se conformer immanquablement aux normes du pays qui l’accueille, ainsi qu’au respect de ses principes identitaires. Tout processus d’intégration doit toujours maintenir au centre des normes qui concernent les divers aspects de la vie politique et sociale, la défense et la promotion des personnes, surtout de celles qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.
Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil.
Le Saint Siège n’a pas l’intention d’interférer dans les décisions qui reviennent aux Etats, lesquels, à la lumière de leurs situations politiques, sociales et économiques respectives, et aussi des capacités propres et des possibilités d’hospitalité et d’intégration, ont la première responsabilité de l’accueil. Cependant, il estime nécessaire de jouer un rôle pour le “rappel” des principes d’humanité et de fraternité qui fondent toute société unie et harmonieuse.
Dans cette perspective, il est important de ne pas oublier l’interaction avec les communautés religieuses, tant institutionnelles qu’au niveau associatif, qui peuvent jouer un rôle précieux de renfort dans l’assistance et la protection, de médiation sociale et culturelle, de pacification et d’intégration.
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mardi, 09 janvier 2018
LE NOUVEAU PORTAIL VATICAN NEWS COMPTE DÉJÀ 4 MILLIONS D’ABONNÉS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
LE NOUVEAU PORTAIL VATICAN NEWS COMPTE DÉJÀ 4 MILLIONS D’ABONNÉS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX
Vatican - le 09/01/2018 | Par Agence I.Media
Moins d’un mois après son lancement, l e portail d’information du Saint-Siège Vatican News a atteint les 4 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, a informé le Secrétariat pour la communication le 8 janvier 2018.
“Le renforcement de notre présence sur les réseaux sociaux est un des effets de la grande réforme des médias du Vatican”, a commenté Mgr Dario Edoardo Viganò, préfet du Secrétariat.
Le nouveau portail Vatican News compte déjà 4 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux - https://t.co/wyMSTr0dRN https://t.co/VLch7XzHRz
— I.MEDIA ن (@AgenceIMEDIA) 9 janvier 2018
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La diplomatie du Saint-Siège: discours du Pape François aux ambassadeurs et message pour le 1er janvier 2018
La diplomatie du Saint-Siège: discours du Pape François aux ambassadeurs et message pour le 1er janvier 2018
Le droit à la vie, à la liberté et à l’inviolabilité de chaque personne humaine, le droit de former une famille, la liberté de mouvement, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit au travail… le pape François a défendu ces droits fondamentaux de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ce 8 janvier 2018, devant le Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège.
Le pape a en effet consacré son traditionnel discours de vœux du Nouvel An à ce document, soixante ans après son adoption de la part de l’Assemblée Générale des Nations Unies (10 décembre 1948): « Après soixante ans, a-t-il déploré, il est regrettable de relever comment de nombreux droits fondamentaux sont aujourd’hui encore violés. »
Au fil de son long discours, le pape a formulé des vœux pour les pays ravagés par les conflits, notamment l’Irak, la Syrie, l’Ukraine, et divers pays d’Afrique. Il a plaidé pour « le désarmement intégral » : « La prolifération des armes aggrave clairement les situations de conflit et comporte des coûts humains et matériels considérables qui minent le développement ainsi que la recherche d’une paix durable. »
AK
Discours du pape François
Excellences, Mesdames et Messieurs,
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"Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer".
MESSAGE DU SAINT-PÈRE
FRANÇOIS
POUR LA CÉLÉBRATION DE LA
LIe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2018
Les migrants et les réfugiés :
des hommes et des femmes en quête de paix
- Meilleurs vœux de paix
Que la paix soit sur toutes les personnes et toutes les nations de la terre ! Cette paix, que les anges annoncent aux bergers la nuit de Noël,[1] est une aspiration profonde de tout le monde et de tous les peuples, surtout de ceux qui souffrent le plus de son absence. Parmi ceux-ci, que je porte dans mes pensées et dans ma prière, je veux une fois encore rappeler les plus de 250 millions de migrants dans le monde, dont 22 millions et demi sont des réfugiés. Ces derniers, comme l’a affirmé mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI, « sont des hommes et des femmes, des enfants, des jeunes et des personnes âgées qui cherchent un endroit où vivre en paix ».[2] Pour le trouver, beaucoup d’entre eux sont disposés à risquer leur vie au long d’un voyage qui, dans la plupart des cas, est aussi long que périlleux ; ils sont disposés à subir la fatigue et les souffrances, à affronter des clôtures de barbelés et des murs dressés pour les tenir loin de leur destination.
Avec un esprit miséricordieux, nous étreignons tous ceux qui fuient la guerre et la faim ou qui sont contraints de quitter leurs terres à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale.
Nous sommes conscients qu’ouvrir nos cœurs à la souffrance des autres ne suffit pas. Il y aura beaucoup à faire avant que nos frères et nos sœurs puissent recommencer à vivre en paix dans une maison sûre. Accueillir l’autre exige un engagement concret, une chaîne d’entraide et de bienveillance, une attention vigilante et compréhensive, la gestion responsable de nouvelles situations complexes qui, parfois, s’ajoutent aux autres problèmes innombrables déjà existants, ainsi que des ressources qui sont toujours limitées. En pratiquant la vertu de prudence, les gouvernants sauront accueillir, promouvoir, protéger et intégrer, en établissant des dispositions pratiques, « dans la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple, …[pour] s’intégrer ».[3] Ils ont une responsabilité précise envers leurs communautés, dont ils doivent assurer les justes droits et le développement harmonieux, pour ne pas être comme le constructeur imprévoyant qui fit mal ses calculs et ne parvint pas à achever la tour qu’il avait commencé à bâtir.[4]
- Pourquoi tant de réfugiés et de migrants ?
En vue du Grand Jubilé pour les 2000 ans depuis l’annonce de paix des anges à Bethléem, saint Jean-Paul II interpréta le nombre croissant des réfugiés comme une des conséquences d’« une interminable et horrible succession de guerres, de conflits, de génocides, de “ purifications ethniques ”»,[5] qui avaient marqué le XXème siècle. Le nouveau siècle n’a pas encore connu de véritable tournant : les conflits armés et les autres formes de violence organisée continuent de provoquer des déplacements de population à l’intérieur des frontières nationales et au-delà de celles-ci.
Mais les personnes migrent aussi pour d’autres raisons, avant tout par « désir d’une vie meilleure, en essayant très souvent de laisser derrière eux le “ désespoir ” d’un futur impossible à construire ».[6] Certains partent pour rejoindre leur famille, pour trouver des possibilités de travail ou d’instruction : ceux qui ne peuvent pas jouir de ces droits ne vivent pas en paix. En outre, comme je l’ai souligné dans l’Encyclique Laudato si’, « l’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique».[7]
La majorité migre en suivant un parcours régulier, tandis que d’autres empruntent d’autres voies, surtout à cause du désespoir, quand leur patrie ne leur fournit pas de sécurité ni d’opportunités et que toute voie légale semble impraticable, bloquée ou trop lente.
Dans de nombreux pays de destination, une rhétorique s’est largement diffusée en mettant en exergue les risques encourus pour la sécurité nationale ou le poids financier de l’accueil des nouveaux arrivants, méprisant ainsi la dignité humaine qui doit être reconnue pour tous, en tant que fils et filles de Dieu. Ceux qui fomentent la peur des migrants, parfois à des fins politiques, au lieu de construire la paix sèment la violence, la discrimination raciale et la xénophobie, sources de grande préoccupation pour tous ceux qui ont à cœur la protection de chaque être humain.[8]
Tous les éléments dont dispose la communauté internationale indiquent que les migrations globales continueront à caractériser notre avenir. Certains les considèrent comme une menace. Moi, au contraire, je vous invite à les regarder avec un regard rempli de confiance, comme une occasion de construire un avenir de paix.
- Avec un regard contemplatif
La sagesse de la foi nourrit ce regard, capable de prendre conscience que nous appartenons tous « à une unique famille, migrants et populations locales qui les accueillent, et tous ont le même droit de bénéficier des biens de la terre, dont la destination est universelle, comme l’enseigne la doctrine sociale de l’Église. C’est ici que trouvent leur fondement la solidarité et le partage ».[9] Ces mots nous renvoient à l’image de la Jérusalem nouvelle. Le livre du prophète Isaïe (ch. 60) et celui de l’Apocalypse (ch. 21) la décrivent comme une cité dont les portes sont toujours ouvertes, afin de laisser entrer les gens de toute nation, qui l’admirent et la comblent de richesses. La paix est le souverain qui la guide et la justice le principe qui gouverne la coexistence de tous en son sein.
Il nous faut également porter ce regard contemplatif sur la ville où nous vivons, « c’est-à-dire un regard de foi qui découvre ce Dieu qui habite dans ses maisons, dans ses rues, sur ses places [... en promouvant] la solidarité, la fraternité, le désir du bien, de vérité, de justice »[10] ; en d’autres termes, en réalisant la promesse de la paix.
En observant les migrants et les réfugiés, ce regard saura découvrir qu’ils n’arrivent pas les mains vides : ils apportent avec eux un élan de courage, leurs capacités, leurs énergies et leurs aspirations, sans compter les trésors de leurs cultures d’origine. De la sorte, ils enrichissent la vie des nations qui les accueillent. Ce regard saura aussi découvrir la créativité, la ténacité et l’esprit de sacrifice d’innombrables personnes, familles et communautés qui, dans tous les coins du monde, ouvrent leur porte et leur cœur à des migrants et à des réfugiés, même là où les ressources sont loin d’être abondantes.
Enfin, ce regard contemplatif saura guider le discernement des responsables du bien public, afin de pousser les politiques d’accueil jusqu’au maximum « de la mesure compatible avec le bien réel de leur peuple »,[11] c’est-à-dire en considérant les exigences de tous les membres de l’unique famille humaine et le bien de chacun d’eux.
Ceux qui sont animés par ce regard seront capables de reconnaître les germes de paix qui pointent déjà et ils prendront soin de leur croissance. Ils transformeront ainsi en chantiers de paix nos villes souvent divisées et polarisées par des conflits qui ont précisément trait à la présence de migrants et de réfugiés.
- Quatre pierres angulaires pour l’action
Offrir à des demandeurs d’asile, à des réfugiés, à des migrants et à des victimes de la traite d’êtres humains une possibilité de trouver cette paix qu’ils recherchent, exige une stratégie qui conjugue quatre actions : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.[12]
« Accueillir » rappelle l’exigence d’étendre les possibilités d’entrée légale, de ne pas repousser des réfugiés et des migrants vers des lieux où les attendent persécutions et violences, et d’équilibrer le souci de la sécurité nationale par la protection des droits humains fondamentaux. L’Écriture nous rappelle ceci : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges ».[13]
« Protéger » rappelle le devoir de reconnaître et de garantir l’inviolable dignité de ceux qui fuient un danger réel en quête d’asile et de sécurité, et d’empêcher leur exploitation. Je pense, en particulier, aux femmes et aux enfants qui se trouvent dans des situations où ils sont plus exposés aux risques et aux abus qui vont jusqu’à faire d’eux des esclaves. Dieu ne fait pas de discrimination : « Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin ».[14]
« Promouvoir » renvoie au soutien apporté au développement humain intégral des migrants et des réfugiés. Parmi les nombreux instruments qui peuvent aider dans cette tâche, je désire souligner l’importance d’assurer aux enfants et aux jeunes l’accès à tous les niveaux d’instruction : de cette façon, ils pourront non seulement cultiver et faire fructifier leurs capacités, mais ils seront aussi davantage en mesure d’aller à la rencontre des autres, en cultivant un esprit de dialogue plutôt que de fermeture et d’affrontement. La Bible nous enseigne que Dieu « aime l’étranger et lui donne nourriture et vêtement » ; par conséquent, elle exhorte ainsi : « Aimez donc l’étranger, car au pays d’Égypte vous étiez des étrangers ».[15]
« Intégrer », enfin, signifie permettre aux réfugiés et aux migrants de participer pleinement à la vie de la société qui les accueille, en une dynamique d’enrichissement réciproque et de collaboration féconde dans la promotion du développement humain intégral des communautés locales. Comme l’écrit saint Paul : « Ainsi donc, vous n’êtes plus des étrangers ni des gens de passage, vous êtes concitoyens des saints, vous êtes membres de la famille de Dieu ».[16]
- Une proposition pour deux Pactes internationaux
Je souhaite de tout cœur que cet esprit anime le processus qui, tout au long de l’année 2018, conduira à la définition et l’approbation par les Nations-Unies de deux pactes mondiaux : l’un, pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, et l’autre concernant les réfugiés. En tant qu’accords adoptés au niveau mondial, ces pactes constitueront un cadre de référence pour avancer des propositions politiques et mettre en œuvre des mesures pratiques. Voilà pourquoi il est important qu’ils soient inspirés par la compassion, la prévoyance et le courage, de façon à saisir toute occasion de faire progresser la construction de la paix : c’est la condition pour que le réalisme nécessaire de la politique internationale ne devienne pas une soumission au cynisme et à la mondialisation de l’indifférence.
Le dialogue et la coordination constituent, en effet, une nécessité et un devoir spécifiques de la communauté internationale. Au-delà des frontières nationales, il est également possible que des pays moins riches puissent accueillir un plus grand nombre de réfugiés ou de mieux les accueillir, si la coopération internationale leur assure la disponibilité des fonds nécessaires.
La Section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral a suggéré 20 points d’action[17] pouvant servir de pistes concrètes pour l’application de ces quatre verbes dans les politiques publiques, ainsi que pour le comportement et l’action des communautés chrétiennes. Ces contributions, comme d’autres, entendent exprimer l’intérêt de l’Église catholique envers le processus qui conduira à l’adoption de ces pactes mondiaux des Nations Unies. Cet intérêt confirme une sollicitude pastorale plus générale, qui est née avec l’Église et se poursuit à travers ses multiples œuvres jusqu’à nos jours.
- Pour notre maison commune
Les paroles de saint Jean-Paul II nous inspirent : « Si le “ rêve ” d'un monde en paix est partagé par de nombreuses personnes, si l'on valorise la contribution des migrants et des réfugiés, l'humanité peut devenir toujours plus la famille de tous et notre Terre une véritable “ maison commune ” ».[18] Dans l’histoire, beaucoup ont cru en ce « rêve » et ceux qui l’ont vécu témoignent qu’il ne s’agit pas d’une utopie irréalisable.
Parmi eux, il faut mentionner sainte Françoise-Xavière Cabrini, dont nous fêtons en cette année 2017 le centenaire de sa naissance au ciel. Aujourd’hui, 13 novembre, de nombreuses communautés ecclésiales célèbrent sa mémoire. Cette grande petite femme, qui consacra sa vie au service des migrants, devenant ensuite leur patronne céleste, nous a enseigné comment nous pouvons accueillir, protéger, promouvoir et intégrer nos frères et sœurs. Par son intercession, que le Seigneur nous accorde à tous de faire l’expérience que « c’est dans la paix qu’est semé la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix ».[19]
Du Vatican, le 13 novembre 2017
En la fête de sainte Françoise-Xavière Cabrini, Patronne des migrants
François
[1] Luc 2,14.
[2] Benoît XVI, Angélus, 15 janvier 2012.
[3] Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris, n. 106.
[4] Cf. Luc 14, 28-30.
[5] Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 3.
[6] Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2013.
[7] N. 25.
[8] Cf. Discours aux Directeurs nationaux de la pastorale des migrants participant à la Rencontre organisée par le Conseil des Conférences Épiscopales d’Europe (CCEE), 22 septembre 2017.
[9] Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2011.
[10] Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 71.
[11] Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris, n. 106.
[12] Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2018, 15 août 2017.
[13] Hébreux 13, 2.
[14] Psaume 146, 9.
[15] Deutéronome 10, 18-19.
[16] Ephésiens 2, 19.
[17] 20 Points d’action pastorale et 20 Points d’action pour les Pactes mondiaux (2017) voir aussi Document ONU A/72/528.
[18] Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié 2004, n. 6.
[19] Jacques 3, 18.
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