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mardi, 09 mai 2017

Interview de son Excellence Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège: double invitation suisse au Pape François

Interview de son Excellence Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège: double invitation suisse au Pape François

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(source photo @Arnaud Bédat - palais apostolique)

En plus de l'invitation des autorités fédérales, et dans ce cadre, la République et Canton du Jura a proposé une visite à Porrentruy, par une lettre que j'ai formellement transmise au Saint-Siège.

Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège

 

M. l'Ambassadeur, vous venez de vivre des journées intenses avec l'assermentation de 40 nouveaux gardes et la visite de notre présidente de la Confédération Mme Doris Leuthard. Qu'est-ce que cela représente comme charge de travail ? et la préparation d'une telle visite ? Quelles sont vos impressions, vos souvenirs saillants ?

Le Giuramento de la Garde et les célébrations militaires et religieuses qui l'entourent attirent chaque année de nombreux compatriotes à Rome. Parmi eux se trouvent, surtout ces dernières années, des membres éminents du gouvernement et du parlement fédéral, que j'ai l'honneur d'accompagner chez le pape et sur le lieu de l'assermentation.

Pour que leur visite soit réussie et se déroule avec efficacité et naturel, il y a un important travail de préparation et de coordination, qui va du minutage d'un programme au contenu des discussions, en passant par l'information aux médias et le choix de cadeaux symboliques. J'ai été frappé par la manière dont fonctionne le protocole séculaire du Palais apostolique : violant sciemment les règles, les gentilshommes ont fait passer devant tout le monde la mamma della Signora Presidente ; le préfet Gänswein lui consacrait toute son attention, et même en schwyzertütsch !

La proverbiale gentillesse du pape François semble contagieuse. J'aurais de nombreux autres souvenirs à évoquer ! Si ma priorité est bien sûr la délégation présidentielle, je me suis efforcé d'aider à l'accueil de six autres groupes de Suisses. Cela a commencé le 3 mai avec Lauriane Sallin, "miss Suisse", venue elle aussi avec sa maman, et qui a pu saluer le pape François à l'audience générale. Faciliter des rencontres fortes et inoubliables est un des très beaux côtés de mon travail.


Vous êtes le troisième ambassadeur de la Suisse auprès du Saint-Siège. Quand avez-vous été nommé ? Qui sont vos prédécesseurs ?

Le Conseil fédéral m'a nommé en octobre 2013 et j'ai commencé d'exercer ces fonctions le 1er février 2014, en parallèle à d'autres, alors que j'étais détaché à Ammann, en Jordanie ! J'ai présenté mes lettres de créance au pape le 15 mai : formellement, c'est ce jour que débute le mandat d'un ambassadeur. Jean-François Kammer a été ambassadeur près le Saint-Siège pendant près de sept ans, entre 2005 et 2011, avant Paul Widmer. Auparavant, à partir de 1991, il y a eu quatre ambassadeurs en mission spéciale.

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(source photo @Arnaud Bédat - palais apostolique)


Les convergences entre l'action diplomatique du Saint-Siège sont nombreuses, comme l'écologie humaine avec l'Encyclique "Laudato Si'", le droit humanitaire et les institutions internationales basées à Genève. Quelles sont vos lignes d'actions prioritaires ?

Oui, ces convergences sont nombreuses : la présidente de la Confédération l'a encore souligné. Mon but est de transformer ces convergences de vues en action coordonnée ou commune, chaque fois que possible, pour renforcer l'impact de la politique extérieure de la Suisse. Pour cela, je suis de près ce que dit et fait le Saint-Siège dans les régions du monde ou dans les domaines qui intéressent le plus nos autorités.

Par exemple, l'abolition de la peine de mort, le conflit en Syrie, la lutte contre la traite d’être humains et l'extrémisme violent, le changement climatique. Concrètement, je fais connaître notre action à l'entourage du pape, et je communique au DFAE les développements présentant un intérêt particulier. Il faut parfois réagir très vite.

Cela concerne les convergences et aussi les divergences qui peuvent exister par exemple à l'ONU. Grâce à un réseau de contacts, je cherche à répondre, même à distance, aux demandes très variées qui me parviennent de Berne ou parfois de nos ambassades à l'autre bout du monde. Et bien sûr, auprès de mes interlocuteurs au Vatican, je suis là pour "expliquer la Suisse".

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(source photo @Le Suisse Rom@in - via della Concilliazione Rome)


Racontez-nous vos relations avec le Pape François... comment percevez-vous sa personnalité ? Et son action diplomatique avec le Cardinal secrétaire d'Etat Mgr Parolin et le ministre des affaires étrangères Mgr Gallagher ?

Comme bien d'autres, je suis impressionné par l'humanité et la simplicité du pape François. Autant, voire plus que ses propos, c'est son regard, son attention, ses gestes qui frappent ses interlocuteurs. Je le rencontre assez fréquemment, mais je lui ai peu parlé, beaucoup moins que les visiteurs suisses que j'ai eu le privilège de lui présenter. Mes entretiens avec le cardinal Parolin et avec l'archevêque Gallagher sont toujours très substantiels, en plus d'être chaleureux.

L'action diplomatique du Saint-Siège a eu des succès frappants, comme la normalisation des relations entre Cuba et les USA. Cependant, comme la diplomatie suisse, celle du pape a une importante face invisible, celle des démarches pour libérer des victimes de violations ou pour préparer la paix. Le Saint-Siège développe encore une autre importante forme de diplomatie, religieuse, menée notamment par notre compatriote le cardinal Koch.

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(source photo @Darius Rochebin - conférence de presse avec Mme la Présidente de la Confédération Doris Leuthard)

Comment vivez-vous votre mission d'Ambassadeur au jour le jour ? Quels sont vos joies, vos soucis ?

Je suis actuellement à la fois ambassadeur en Slovénie et près le Saint-Siège. Ce sont deux activités passionnantes et très diverses ; elles réclament beaucoup de disponibilité et d'énergie, parfois de la créativité et toujours une bonne organisation. Il y a plusieurs heures de voiture et de train entre Ljubljana et Rome, de quoi lire, écrire, et préparer ce qui sera ensuite l'objet de démarches, de discours ou de contacts personnels.

Les joies sont d'abord celles d'échanges marquants avec personnalités très diverses et de vivre des instants d'exception. Les soucis ? Ne pas toujours pouvoir être là où il le faudrait… mais avec l'appui d'autrui et d'internet, on finit par se démultiplier !

Que peut-on vous souhaiter pour cette année du Jubilé du 600ème Anniversaire de la naissance de saint Nicolas de Flüe ? Et pour la commémoration de la Réforme protestante ?

Catholiques et protestants suisses se sont associés à la fois pour écouter le message de saint Nicolas de Flüe et pour représenter notre pays à Wittenberg, lors de l'exposition mondiale de la Réforme qui débute le 20 mai prochain : en soi, c'est un signal exemplaire, une illustration du génie de la Suisse, pays de concordance. J'espère que ce message sera entendu et approfondi cette année. Notre pays a un riche patrimoine spirituel et politique. J'espère aussi que les commémorations de 2017 me permettront et permettront à chacun d'en approfondir les leçons.

Nous savons que les autorités fédérales ont invité le Pape François en Suisse. Quels sont les projets proposés ?

L'exemple des doubles commémorations de 2017 me fait penser qu'une visite du pape en Suisse aurait une forte dimension œcuménique et ne se limiterait pas aux catholiques. Elle ne serait sans doute pas limitée non plus à la rencontre avec les Suisses, vu la présence d'institutions internationales à Genève, qui elles aussi, directement, exprimé leur grand souhait d'une visite du pape.

En plus de l'invitation des autorités fédérales, et dans ce cadre, la République et Canton du Jura a proposé une visite à Porrentruy, par une lettre que j'ai formellement transmise au Saint-Siège.

Je ne suis pas en mesure de faire des pronostics. Les attentes sont fortes chez nous, mais les autres invitations reçues par le pape sont nombreuses. Pour le moment, ce sont les Suisses qui viennent à la rencontre du pape : je pense à tous nos compatriotes qui font le voyage de Rome le 6 mai et le reste de l'année, sans oublier la Garde suisse, qui depuis 511 ans veille sur le Saint-Père.

Propos recueillis par @ Le Suisse Rom@ain

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(source photo: @Pierre-Yves Fux)

Avec une double invitation de la Suisse au Pape François, le Pape pourrait-il venir visiter la Confédération helvétique ? "Je ne suis pas en mesure de faire des pronostics" avance Pierre-Yves Fux, ambassadeur suisse auprès du Saint-Siège. Un bon point: la Suisse connaît la double crème ! 

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