vendredi, 07 avril 2017
Prévenir les abus, briser le secret et prendre grand soin des victimes, pour défendre les évêques
Prévenir les abus, briser le secret et prendre grand soin des victimes pour défendre les évêques
Les leçons de l'affaire Gaschignard
Jean-Pierre Denis La Vie 07/04/2017
« Nous pensons d’abord à Mgr Gaschignard ». Cette phrase ne dit pas tout ce que contient le communiqué du diocèse de Dax après la démission de son évêque, un communiqué que l’on imagine écrit dans l’émotion, l’urgence et l’amitié.
Mais elle en dit beaucoup sur le chemin qui reste à parcourir. Prêtre dynamique, personnalité sympathique, évêque tonique, Mgr Gaschignard est à juste titre très apprécié. Quant aux faits qui lui sont reprochés, impossible d’en mesurer la gravité ou même la réalité : le bruit du scandale ne vaut pas preuve. Laissons-donc l’homme tranquille.
Démission de l'évêque de Dax : une première en France
Car quand un évêque est forcé à la démission pour « comportement inapproprié », ce n’est pas « d’abord » à lui qu’il faut songer. Il faut penser « d’abord » aux jeunes. Et pas seulement à ceux qui ont rapporté tel propos ou subi tel geste éventuel. C’est beaucoup plus vaste ! Il faut penser « d’abord » à tous les jeunes catholiques désorientés, scouts, confirmands, futurs baptisés de la vigile pascale.
Il faut penser « d’abord » à tous ceux qui sont loin de l’Église parce qu’ils ne la comprennent pas ou qui s’éloignent parce qu’elle donne le sentiment de ne pas comprendre.
Entre inconscient collectif et inconscience individuelle, entre amateurisme et légèreté, les maladresses verbales accumulées depuis des mois à tous les niveaux sur toutes sortes d’affaires finissent par faire mauvais effet. Comment interpréter ceux que l’on a employés depuis quelques jours ? Un évêque « fatigué » se met aux abonnés absents.
« Il n’y a aucun secret, il a juste besoin d’un temps de calme et il est frustrant de voir que la presse ne s’intéresse à nous que lorsqu’elle est persuadée qu’il y a un loup », nous dit alors un de ses proches collaborateurs.
Tous ces scandales seraient donc la faute de la presse chrétienne, cette mauvaise courroie de transmission ?
La démission d’un évêque est un tournant à la fois indispensable et capital, qu’il faut assumer clairement.
Des « rumeurs », des « attitudes pastorales inappropriées » et une « ambiance » qui rendait « difficile le gouvernement du diocèse » sont évoqués par le président de la conférence des évêques, Mgr Pontier. Autrefois, cela eût suffi à rétablir la sérénité. Mais aujourd’hui ? Quelle que soit l’hypothèse que l’on retient, comment peut-on accepter l’idée d’une démission pour « rumeurs » ? Comment s’en tenir à une explication qui n’explique pas ?
Selon cette formulation en caoutchouc, la démission de Mgr Gaschignard peut même sembler injuste alors qu’il n’est passé devant aucun tribunal, ni judiciaire ni ecclésial – si ce n’est, diront certains, le tribunal médiatique. Mais non ! La démission d’un évêque est un tournant à la fois indispensable et capital, qu’il faut assumer clairement. C’est le signe que les choses évoluent enfin réellement, de la complaisance maximale à la tolérance minimale. Que le souci de l’intérêt général l’emporte sur le réflexe ecclésiastique.
On reste pourtant loin du but. Si l’on veut que, demain, le soupçon disparaisse, il faudra trouver le courage d’une remise en question qui, pour avoir été trop retardée ou euphémisée, ne peut plus être que toujours plus radicale. Parlons de la sexualité. Parlons du secret. Parlons de l’autorité. Parlons système. Provoquée par des familles que l’on n’imagine guère anticléricales, la démission de Mgr Gaschignard montre que les catholiques sortent, malgré eux, d’une certaine passivité.
Ce changement culturel contraint l’épiscopat français à prendre ses responsabilités, sous peine d’être balayé. Le pape, qui assume cette décision tranchante, serait bien avisé d’exiger de la Curie le même effort d’intelligence. À Rome aussi, il reste beaucoup à faire pour que notre Église catholique devienne réellement « experte en humanité ».
N.B. C'est la Congrégation pour la doctrine de la foi qui a été saisie. Ainsi, le système de la tolérance zéro implanté sous Saint Jean-Paul II par Joseph Ratzinger est efficace. Prions intensément pour que ce niveau de rapidité et de compétence atteignent toutes les Eglises locales.
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