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vendredi, 11 novembre 2016

Le Pape parle de la victoire des martyrs, de la vraie politique, du pouvoir, de Donald Trump avec Scalfari dans la Repubblica

Interview du Pape François avec Scalfari: "ma préoccupation principale sont les réfugiés"

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Le Pape parle les réfugiés, de la victoire des martyrs, de la vraie politique, du pouvoir, de Donald Trump avec Scalfari dans la Repubblica

En italien 

Nous ne nous sommes pas embrassés depuis longtemps. "Il me semble que vous allez bien" me dit-il. 

Vous aussi vous semblez en pleine forme, malgré les déchirements dans votre vie.

C'est le Seigneur qui décide. 

Et notre soeur, la mort corporelle. 

Oui corporelle. 

Ce fut la conversation qui a nous a permis d'entrer aussitôt dans les choses plus profondes. 

Sainteté, que penser de Donald Trump ?

Je ne porte pas des jugements sur les personnes et sur les hommes politiques, je veux seulement comprendre quelles sont les souffrances que leurs modes de procéder causent aux pauvres et aux exclus. 

Quelle est alors, en ce moment tellement agité, votre préoccupation principale ?

Bergoglio_Scalfari.jpg"Celle des réfugiés et des immigrés. Une petite partie sont des chrétiens mais cela ne change pas la situation lorsqu'on regarde leurs souffrances et leurs embarras. Les causes sont multiples et nous faisons tout notre possible pour les enlever. Malheureusement, la plupart du temps se sont des mesures qui vont à l'encontre des populations qui craignent de perde leur travail et réduire leur salaire. 

L'argent est contre les pauvres, encore d'avantage contre les immigrés et les réfugiés, mais il y a aussi les pauvres des pays riches, lesquels craignent l'arrivée et l'accueil de leurs semblables provenant des pays pauvres. C'est un processus, un cercle pervers qui doit être arrêté. Nous devons abattre les murs qui divisent: tenter d'augmenter le bien-être et le répandre d'avantage, mais pour atteindre ce résultat nous devons abattre ces murs et construire des ponts qui puissent faire en sorte de diminuer les inégalités et accroître la liberté et les droits. Plus de droits et plus de liberté". 

J'ai demandé au Pape François si les raisons qui contraignent les personnes à immigrer disparaitront un jour ou l'autre. 

C'est difficile de comprendre pourquoi un homme, une famille et une communauté entière ou des peuples veulent abandonner leur propre terre, leurs lieux de naissances, leurs langues. 

Vous Sainteté, au travers des ces ponts à construire, cela favorisera le regroupement de ces personnes désespérés, bien que les inégalités sont nées dans les pays riches. Il existe des lois qui essaient d'en diminuer la portée, mais elles n'ont pas beaucoup d'effet. Est-ce que ce phénomène ne connaitra-t-il jamais une fin ?

Vous avez parlé et écrit souvent sur ce problème. Un des phénomènes provient des inégalités qui encouragent le mouvement de beaucoup de populations d'une pays vers un autre, d'un continent à un autre. Après deux, trois ou quatre générations, des peuples s'intègrent et leurs diversités tendent à disparaître dans le tout". 

Je l'appelle un métissage universel dans le sens positif du terme. 

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Bravo, c'est la parole juste. Cela ne sera pas universel mais se sera cependant plus répandu qu'aujourd'hui. Ce que nous voulons, une lutte contre les inégalités, ceci est le mal majeur qui existe dans le monde. Et l'argent l'engendre et cela est contraire aux mesures qui tendent à égaliser la croissance et donc favoriser l'égalité". 

Vous m'avez dit il y a quelque temps que le précepte "Aime ton prochain comme toi-même" doit changer, étant donné les temps obscurs que nous traversons, et devenir "plus que toi-même". Vous songez à une société où l'égalité l'emporte. Ceci est, comme vous le savez, le programme du socialisme marxiste et puis du communisme. Vous pensez à une société de type marxiste ?

"On me l'a dit plusieurs fois, et ma réponse a toujours été que, alors, ce sont les communistes qui pensent alors comme les chrétiens. Le Christ a parlé d'une société où les pauvres, les plus faibles, les exclus puissent décider eux-mêmes. Non les démagogues, ni les Barabas, mais le peuple, les pauvres, ceux qui ont foi dans le Dieu transcendant ou non; ce sont eux que nous devons aider pour obtenir l'égalité et la liberté". 

Sainteté, j'ai toujours pensé et écrit que vous êtes un révolutionnaire et aussi un prophète. Mais il me semble comprendre que vous espérer que le Mouvement populaire et surtout le peuple des pauvres entre directement dans la vraie et réelle politique 

"Oui, c'est cela. Pas dans ce qu'on appelle la politique politicienne, la recherche du pouvoir, l'égoïsme, la démagogie, mais la haute politique, créative, les grandes visions. Ce qui se trouve dans l'oeuvre d'Aristote. 

J'ai vu que dans votre discours aux mouvements populaires de samedi dernier, vous avez décrit le Ku Klux Klan comme un mouvement honteux, tout comme celui qui lui est opposé bien qu'analogue la Pantère noire. Mais vous avez cité avec admiration Martin Luther King. Ce fut aussi un prophète, qui donne une sens à ce que vous disiez dans l'Amérique libre ? 

"Oui, je l'ai cité avec admiration". 

J'ai lu une citation: je pense qu'il est opportun de la rappeler également pour ceux qui lisent les propos de notre rencontre. "Lorsque tu t'élèves au niveau de l'amour, de sa grande beauté et de son pouvoir, l'unique chose que tu cherches à vaincre sont les mauvais systèmes. Les personnes qui sont prisonnières des ces systèmes tu les aimes, bien que tu cherches à vaincre ce système. La haine pour la haine augmente seulement la haine et le mal dans l'univers. Si je te frappe et que toi tu me frappes, et que je rends le coup et que tu me rends le coup, et ainsi de suite, il est évident que cela va continuer jusqu'à l'infini. D'une part ou de l'autre, quelqu'un doit avoir un peu de bon sens et cette personne est forte, avoir la capacité de casser la chaine de la haine, la chaine du mal".

Mais retournons à la politique et à votre désir que se soient les pauvres et les exclus qui transforment la politique dans une volonté démocratique de réaliser les idéaux et la volonté des mouvements populaires. Vous avez fait l'éloge de la politique car c'est le Christ qui le veut. "Les riches doivent passer par le trou d'une aiguille". Le Christ le désire, non car il est le Fils de Dieu mais parce qu'il est le fils de l'homme. Inévitablement, un affrontement il y aura, le pouvoir est en jeu, et le pouvoir comme vous l'avez dit, comporte une guerre. Aussi, les mouvements sociaux populaires devront soutenir une guerre, une guerre politique, sans arme, sans effusion de sang ?

"Je n'ai jamais pensé à la guerre et aux armes. Le sang peut éventuellement être versé, mais se seront les chrétiens qui seront martyrs comme il advient dans le monde entier, comme l'oeuvre de fondamentalistes de l'ISIS, les bourreaux. Ce sont des être terribles, et les chrétiens sont les victimes". 

Mai vous Saint-Père, vous savez bien que beaucoup de pays réagissent aussi avec les armes pour vaincre l'ISIS. Du reste les armes, les Juifs les utiliseront contre les arabes, et même entre eux. 

Et non, ce n'est pas ce type de conflit que les mouvements populaires chrétiens doivent porter en avant. Nous chrétiens, nous avons toujours été martyrs, et malgré cela, notre foi, au cours des siècles, a conquis une grande partie du monde. Certes, il y a eu des guerres soutenues par l'Eglise contre les autres religions et il y a eu des guerres jusque dans notre religion. La plus tragique fut celle de la Saint Barthélémy, et malheureusement d'autres assez semblables. Mais celles-ci se produisirent lorsque les différents religions et la nôtre, parfois plus que les autres, opposaient le pouvoir temporel à la foi et à la Miséricorde". 

Vous cependant, Sainteté, vous incitez les mouvements populaires à entrer en politique. Qui entre en politique se confrontent inévitablement avec des adversaires. Guerre pacifique, mais il s'agit bien de conflits et l'histoire nous enseigne que dans les conflits se jouent la conquête du pouvoir. Sans le pouvoir, on ne gagne pas. 

" Mais n'oubliez pas qu'il existe aussi l'amour. Souvent l'amour est convainquant, et il est vainqueur même avec le nombres que nous sommes actuellement. Les catholique sont 1,5 milliards, les protestants de différentes confessions 800 millions; les orthodoxes sont 300 milles, puis il y a les autres confessions comme les anglicans, les vaudois, les coptes. Tout compris, les chrétiens atteignent les 2,5 milliards de croyants et peut-être plus. Est-ce qu'il y a fallu les armes et la guerre ? Non ! Martyrs ? Oui, et beaucoup. 

Et ainsi vous avez conquis le pouvoir 

"Nous avons diffusé la foi en prenant l'exemple de Jésus Christ. Lui est le Martyr des martyrs et il a jeté dans l'humanité la semence de la foi. Mais moi , je me garde bien de demander le martyr à celui qui se fondera dans une politique orientée vers les pauvres, pour l'égalité et la liberté. Cette politique est différente de la foi et il y a beaucoup de pauvres qui n'ont pas la foi. Ils ont cependant un besoin urgent et vital et nous devons les soutenir comme nous soutiendrons tous les autres. Comme nous le pourrons et comme nous saurons le faire. 

Pendant que je vous écoute, plus je suis conforté dans ce que je ressens pour vous: d'un pontificat comme le vôtre, il y en a eu peu. D'ailleurs vous avez passablement d'adversaires dans votre Eglise. 

"Je ne dirais pas adversaires. La foi nous unifie tous. Naturellement, chacun de nous individualise et vois les mêmes choses d'une manière différente: objectivement, le cadre est le même, mais subjectivement il est différent. Nous nous le sommes dit plusieurs fois, vous et moi. 

Sainteté, je vous ai retenu trop longtemps et maintenant je vous laisse. 

A ce moment, nous nous sommes salués avec une accolade pleine d'affection. Je lui ai dit de se reposer un peu et il m'a répondu: "vous aussi vous devez vous reposer car un non croyant comme vous doit être le plus éloigné possible de la mort corporelle" C'était un 7 novembre.  

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