vendredi, 18 mars 2016
Le Pape émérite Benoît XVI, le Pape François et l'herméneutique de la réforme
Pape François et la Miséricorde: l'interview du Pape émérite Benoît XVI
Le Pape François est totalement en accord avec la ligne de la Miséricorde de Saint Jean-Paul II. Sa pratique pastorale s'exprime justement dans le fait qu'il nous parle continuellement de la Miséricorde de Dieu.
Benoît XVI
Pour moi, le fait que l'idée de la miséricorde de Dieu devienne de plus en plus centrale et dominante - à partir de Sœur Faustine - dont les visions, à bien des égards, reflètent profondément l'image de Dieu propre à l'homme d'aujourd'hui et son désir de la bonté divine - est un "signe des temps".
Le Pape Jean-Paul II était profondément imprégné par cette impulsion, même si cela n'émergeait pas toujours explicitement.
Le Pape émérite sort de sa retraite. En soutien loyal et sincère envers le Pape François, il a accordé cette interview à un Père jésuite.
L'herméneutique de la réforme, si bien décrite en 2005, continue son oeuvre dans la continuité de l'Eglise.
Cette herméneutique est celle de la Miséricorde !
- Sainteté: dans le cadre des journées d'étude du 8 au 10 Octobre 2015, promues par la Rectorat de Jésus à Rome, la question posée en cette année de la Miséricorde touche à la justification par la foi.
Le dernier volume de vos Œuvres complètes met en évidence votre affirmation résolue: «La foi chrétienne n'est pas une idée, mais une vie».
Commentant la déclaration célèbre de Paul (Rom 3:28), vous avez parlé à ce propos d'une double transcendance: «La foi est un don aux croyants communiqué à travers la Communauté, laquelle de son côté est fruit du don de Dieu».
Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendiez par cette affirmation, en tenant compte naturellement du fait que le but de ces journées est de clarifier la théologie pastorale et de vivifier l'expérience spirituelle des fidèles
«Il s'agit de la question: qu'est-ce que la foi et comment arrive-t-on à croire. D'un côté, la foi est un contact profondément personnel avec Dieu, qui me touche dans mon tissu le plus intime et me met face au Dieu vivant dans une immédiateté absolue, pour que je puisse lui parler, l'aimer et entrer en communion avec lui.
Mais en même temps, cette réalité suprêmement personnelle a un rapport inséparable avec la communauté: le fait de m'introduire dans le 'nous' des enfants de Dieu, dans la communauté des frères et des sœurs qui cheminent, fait partie de l'essence de la foi. La foi dérive de l'écoute (fides ex auditu), nous enseigne saint Paul.
L'écoute, à son tour, implique toujours un partenaire. La foi n'est pas un produit de la réflexion et même pas une tentative de pénétrer dans les profondeurs de mon être. Les deux choses peuvent être présentes, mais elles restent insuffisantes, sans l'écoute à travers laquelle Dieu, à partir d'une histoire créée par lui, m'interpelle de l'extérieur. Pour que je puisse croire, j'ai besoin de témoins qui ont rencontré Dieu et me le rendent accessible.
Dans mon article sur le baptême, j'ai parlé de la double transcendance de la communauté, faisant ainsi émerger une fois encore un élément important: la communauté de la foi ne se crée pas toute seule. Elle n'est pas une assemblée d'hommes qui ont des idées en commun et qui décident d'oeuvrer pour la diffusion de ces idées. Alors tout serait basé sur sa propre décision et en ultime analyse sur le principe de la majorité, c'est-à-dire qu'en fin de compte, ce serait l'opinion humaine. Une Église construite de la sorte ne peut pas être pour moi garante de la vie éternelle, ni exiger de moi des décisions qui me font souffrir et qui sont contraires à mes désirs.
Non l'Eglise ne s'est pas faite elle-même, elle a été créée par Dieu, elle est continuellement formée par lui. Ceci trouve son expression dans les sacrements, surtout dans celui du baptême: j'entre dans l'Eglise non par un acte bureaucratique, mais à travers un sacrement. Et cela revient à dire que je suis accueilli dans une communauté qui ne tire pas son origine d'elle-même et qui se projette au-delà d'elle-même.
La pastorale qui entend former l'expérience spirituelle des fidèles doit procéder à partir de ces fondements. Elle doit abandonner l'idée d'une Église qui se produit elle-même et faire ressortir que l'Eglise devient une communauté dans la communion du corps du Christ. Elle doit nous introduire à la rencontre avec Jésus-Christ et porter à sa présence dans et par le sacrement».
- Quand Vous étiez préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, commentant la déclaration conjointe de l'Eglise catholique et de la Fédération luthérienne mondiale sur la doctrine de la justification du 31 Octobre 1999, vous avez mis en évidence une différence de mentalité par rapport à Luther et à la question du salut et de la béatitude, comme lui la posait.
L'expérience religieuse de Luther était dominée par la terreur devant la colère de Dieu, sentiment plutôt étranger à l' homme moderne, plutôt marqué par l'absence de Dieu (il suffit de lire votre article écrit pour la revue Communio en 2000). La doctrine de Paul de la justification par la foi, dans ce nouveau contexte, peut-elle rejoindre l'expérience "religieuse" ou du moins l'expérience "élémentaire" de nos contemporains?
«Tout d' abord je tiens à souligner une fois de plus ce que j'écrivais sur Communio en 2000 sur la problématique de la justification. Pour l'homme d'aujourd'hui, par rapport à l'époque de Luther et à la perspective classique de la foi chrétienne, les choses se sont dans un certain sens inversées, autrement dit ce n'est plus l'homme qui croit qu'il a besoin de la justification devant Dieu, mais il est plutôt de l'avis que c'est Dieu qui doit se justifier à cause de toutes les choses horribles présentes dans le monde, et face à la misère de l'être humain, toutes choses qui en dernière analyse dépendraient de lui.
A ce propos, je trouve qu'il est significatif qu'un théologien catholique assume de manière même directe et formelle une telle inversion: le Christ n'aurait pas souffert pour les péchés des hommes, mais il aurait même pour ainsi dire, effacé les fautes de Dieu. Encore que pour l'instant, la plupart des chrétiens ne partagent pas une inversion aussi drastique de notre foi, on peut dire que tout cela révèle une tendance sous-jacente de notre temps.
Quand Johann Baptist Metz soutient que la théologie d'aujourd'hui doit être «sensible à la théodicée», cela met en évidence le même problème d'une manière positive. Même en faisant abstraction d'une contestation aussi radicale de la vision ecclésiale de la relation entre Dieu et l'homme, l'homme d'aujourd'hui a, de manière générale, la sensation que Dieu ne peut pas laisser aller en perdition la plus grande partie de l'humanité. En ce sens, la préoccupation pour le salut, typique d'une époque, a en grande partie disparu.
Cependant, à mon avis, il continue d'exister, d'une autre façon, la perception que nous avons besoin de la grâce et du pardon. Pour moi, le fait que l'idée de la miséricorde de Dieu devienne de plus en plus centrale et dominante - à partir de Sœur Faustina - dont les visions, à bien des égards, reflètent profondément l'image de Dieu propre à l'homme d'aujourd'hui et son désir de la bonté divine - est un "signe des temps". Le Pape Jean-Paul II était profondément imprégné par cette impulsion, même si cela n'émergeait pas toujours explicitement.
Mais ce n'est certainement pas par hasard que son dernier livre, qui a vu le jour immédiatement avant sa mort, parle de la miséricorde Dieu. A partir des expériences dans lesquelles, dès les premières années de sa vie, par lesquelles il put constater toute la cruauté des hommes, il affirme que la miséricorde est l'unique vraie et ultime réaction efficace contre la puissance du mal.
Seulement là où est la miséricorde met une limite à la cruauté, le mal et la violence s'arrêtent. Le Pape François est totalement en accord avec cette ligne. Sa pratique pastorale s'exprime justement dans le fait qu'il nous parle continuellement de la miséricorde de Dieu. C'est la miséricorde qui nous pousse vers Dieu, tandis que la justice nous fait peur devant lui. À mon avis, cela met en évidence que sous la patine de la sûreté de soi et de sa propre justice, l'homme d'aujourd'hui cache une profonde connaissance de ses blessures et de son indignité face à Dieu. Il est comme en attente de la miséricorde.
Ce n'est certainement pas un hasard si la parabole du bon Samaritain est particulièrement attrayante pour nos contemporains. Et pas seulement parce qu'elle souligne fortement la dimension sociale de l'existence chrétienne, ni seulement parce qu'en elle, le Samaritain, l'homme non religieux opposé aux représentants de la religion, apparaît, pour ainsi dire, comme celui qui agit de manière vraiment conforme à Dieu, tandis que les représentants officiels de la religion se sont pour ainsi dire rendus, car immunisés contre Dieu.
Il est clair que cela plaît à l'homme moderne. Mais il me semble tout aussi important, cependant, que les hommes, au fond d'eux-mêmes, attendent que le Samaritain vienne à leur aide, qu'il se penche sur eux, verse de l'huile sur leurs blessures, prenne soin d'eux et les emmène à l'abri. En fin de compte, ils savent qu'ils ont besoin de la miséricorde de Dieu et de sa délicatesse.
Pourtant, dans la dureté du monde dominé par la technique, où les sentiments ne sont plus rien, l'attente d'un amour qui est donné gratuitement augmente. Il me semble que la miséricorde divine s'exprime d'une manière nouvelle, ce que signifie justement la justification par la foi. A partir de la miséricorde de Dieu, que tout le monde recherche, il est possible encore aujourd'hui d'interpréter depuis le début le noyau fondamental de la doctrine de la justification et de le faire apparaître encore dans toute son importance».
- Quand Anselme dit que le Christ devait mourir sur la croix pour réparer l'offense infinie faite à Dieu, et ainsi rétablir l'ordre brisé, il utilise un langage difficilement acceptable par l'homme moderne.
En parlant de cette façon, on risque de projeter sur Dieu, l'image d'un Dieu de colère, saisi, devant le péché de l'homme, de sentiments de violence et d'agressivités comparables à ce que nous-mêmes pouvons expérimenter.
Comment est-il possible de parler de la justice de Dieu sans risquer de d'enfreindre la certitude désormais établie parmi les fidèles, que le Dieu des chrétiens est un Dieu «riche en miséricorde» (Ephésiens 2: 4)?
«La conceptualité de saint Anselme est certainement devenue incompréhensible pour nous aujourd'hui. C'est notre devoir de tenter de comprendre de manière nouvelle la vérité qui se cache derrière cette manière de s'exprimer. Pour ma part, à ce sujet, je propose trois points :
- L'opposition entre le Père, qui insiste de manière absolue sur la justice, et le Fils qui obéit au Père et, en obéissant, accepte les exigences cruelles de la justice, est non seulement incompréhensible aujourd'hui, mais, en partant de la théologie trinitaire, est en elle-même totaleement erronée. Le Père et le Fils sont un, et donc leur volonté est "ab intrinseco" (intrinsèquement), une seule. Quand le Fils dans le Jardin des Oliviers, lutte avec la volonté du Père, il ne s'agit pas du fait qu'il devrait accepter pour lui-même une disposition cruelle de Dieu, mais plutôt du fait d'attirer l'humanité à l'intérieur de la volonté de Dieu. Nous devrons revenir à nouveau, mais plus tard, sur cette relation entre les deux volontés du Père et du Fils.
- Mais alors, pourquoi la croix et l'expiation? D'une certaine manière aujourd'hui, dans les contorsions de la pensée moderne - dont nous avons parlé plus haut - la réponse à ces questions peut être formulée d'une manière nouvelle. Plaçons-nous devant la quantité incroyable et sale de mal, de violence, de mensonge, de haine, de cruauté et d'arrogance qui infectent et ruinent le monde entier.
Cette masse du mal ne peut pas simplement être déclarée inexistante, même par Dieu. Elle doit être épurée, réélaborée, et surmontée. L'ancien Israël était convaincu que le sacrifice quotidien pour les péchés et surtout la grande liturgie du jour de l'Expiation (Yom-Kippour) étaient nécessaires pour faire contrepoids à la masse du mal présent dans le monde et que seulement par un tel rééquilibrage, le monde pourrait, pour ainsi dire, rester supportable.
Une fois les sacrifices dans le temple disparus, il a fallu se demander ce qui pouvait être opposé aux puissances supérieures du mal, comment trouver en quelque sorte un contrepoids. Les chrétiens savaient qu'une fois le temple détruit, il avait été remplacé par le Corps ressuscité du Seigneur crucifié, que dans son amour radical et incommensurable, avait été créé un contrepoids à la présence incommensurable du mal.
Et même ils savaient que les offrandes présentées jusqu'à présent ne pouvaient être conçues que comme un geste de désir d'un véritable contrepoids. Ils savaient aussi que devant la toute-puissance du mal, seul un amour infini povait suffire, seule une expiation infinie. Ils savaient que le Christ crucifié et ressuscité est une puissance qui peut contrer le mal et sauver le monde.
Et sur ces bases, ils pouvaient aussi comprendre le sens de leurs propres souffrances comme insérées dans l'amour souffrant du Christ et comme partie de la puissance rédemptrice d'un tel amour. Plus haut, je citais ce théologien pour lequel Dieu a dû souffrir pour ses fautes envers le monde; à présent, étant donné ce renversement de perspective, émerge la vérité suivante: Dieu ne peut tout simplement pas laisser telle quelle la masse du mal qui dérive de la liberté que lui-même a accordée. En venant faire partie de la souffrance du monde, , Lui seul peut racheter le monde.
- Sur ces bases, la relation entre le Père et le Fils devient plus évidente. Je reproduis sur le sujet un passage du livre de de Lubac sur Origène, qui me paraît très clair:
«Le Rédempteur est entré dans le monde par compassion pour le genre humain. Il a pris sur lui nos passiones avant d'être crucifié, voire même avant de s'abaisser et d'assumer notre chair: s'il ne les avait pas éprouvées avant, il ne serait pas venu prendre part à notre vie humaine. Mais quelle fut cette souffrance qu'il a endurée par anticipation pour nous? Ce fut la passion de l'amour. Mais le Père lui-même, le Dieu de l'univers, lui qui surabonde en longaminité, patience, miséricorde et compassion, ne souffre-t-il pas, lui aussi, dans un certain sens? "Le Seigneur ton Dieu, en effet, a pris sur lui tes coutumes comme celui qui prend sur lui son fils" (Deutéronome 1, 31).
Dieu prend donc sur lui nos coutumes comme le Fils de Dieu prend sur lui nos souffrances. Le Père lui-même n'est pas sans passion! Si on l'invoque, alors il connaît la miséricorde et la compassion. Il perçoit une souffrance d'amour (Homélies sur Ezéchiel 6: 6)».
Dans certaines parties de l'Allemagne il y avait une dévotion très émouvante qui contemplait la "détresse de Dieu". Pour ma part, cela fait passer devant mes yeux une image impressionnante représentant le Père souffrant, qui comme Père, partage intérieurement la souffrance du Fils.
Et l'image du "trône de la grâce" fait aussi partie de cette dévotion: le Père soutient la croix et le crucifié, se penche avec amour sur lui; d'autre part, il est avec, sur la croix. Ainsi, de manière grandiose et pure, on perçoit là ce que signifie la miséricorde de Dieu et la participation de Dieu à la souffrance de l'homme.
Il ne s'agit pas d'une justice cruelle, pas du fanatisme du Père, mais de la vérité et de la réalité de la création: du vrai et intimedépassement du mal, qui en ultime analyse, peut seulement se réaliser dans la souffrance de l'amour.
- Dans les Exercices Spirituels, Ignace de Loyola n'utilise pas les images vétérotestamentaires de la vengeance, contrairement à Paul (comme on le voit dans la deuxième lettre aux Thessaloniciens); néanmoins , il nous invite à contempler comment les hommes, jusqu'à l'Incarnation, «descendaient en enfer», à considérer l'exemple «des innombrables autres qui y ont fini pour bien moins de péchés que je n'en ai commis».
C'est dans cet esprit que saint François Xavier a vécu sa propre activité pastorale, convaincu de devoir tenter de sauver du sort terrible de la damnation éternelle autant d' «infidèles» que possible. Peut-on dire que sur ce point, au cours des dernières décennies, il y a eu une sorte de «développement du dogme» dont le Catéchisme doit absolument tenir compte?
«Il ne fait aucun doute qu'à ce point, nous sommes confrontés à une évolution profonde du dogme. Les Pères et les théologiens du Moyen Age pouvaient encore être d'avis qu'en substance, tout le genre humain était devenu catholique et que le paganisme existait désormais uniquement aux marges, la découverte du Nouveau Monde au début de l'ère moderne a radicalement changé les perspectives.
Dans la seconde moitié du siècle dernier, la conscience que Dieu ne peut pas laisser aller en perdition tous les non baptisés et que même une félicité purement naturelle n'est pas pour eux une vraie réponse à la question de l'existence humaine - cette conscience a été pleinement affirmée.
S'il est vrai que les grands missionnaires du XVIe siècle étaient encore convaincus que ceux qui ne sont pas baptisés sont à jamais perdus, ce qui explique leur engagement missionnaire, dans l'Eglise catholique d'après Vatican II, une telle conviction a été définitivement abandonnée. De là découle une double crise profonde.
D'un côté, cela semble enlever toute motivation à un futur engagement missionnaire. Pourquoi devrait-on essayer de convaincre les gens d'accepter la foi chrétienne quand ils peuvent se sauver aussi sans elle? Mais un problème émergea, même pour les chrétiens: le caractère obligatoire de la foi et de sa forme de vie devint incertain et problématique.
S'il y en a qui peuvent se sauver aussi par d'autres moyens, finalement, la raison pour laquelle le chrétien est lié aux exigences de la foi chrétienne et à sa morale n'est plus évidente. Mais si la foi et le salut ne sont plus interdépendants, même la foi devient non motivée.
Ces derniers temps, plusieurs tentatives ont été formulées en vue de concilier la nécessité universelle de la foi chrétienne avec la possibilité de se sauver sans elle.
J'en mentionne ici deux: d'abord, la thèse bien connue des chrétiens anonymes de Karl Rahner. On y soutient que l'acte de base essentiel de l'existence chrétienne, qui s'avère décisif pour le salut, dans la structure transcendantale de notre conscience consiste dans l'ouverture au 'tout autre', vers l'unité avec Dieu. La foi chrétienne aurait fait émerger à la conscience ce qui est structurel dans l'homme en tant que tel. Donc, quand l'homme s'accepte dans son 'être' essentiel, il accomplit l'essentiel de l''être chrétien' même sans le savoir de manière conceptuelle.
Le chrétien coïncide donc avec l'humain et dans ce sens, est chrétien tout homme qui s'accepte lui-même, même s'il ne sait pas. Il est vrai que cette théorie est fascinante, mais elle réduit le christianisme à une pure présentation consciente de ce que l'être humain est en soi et néglige donc le drame du changement et du renouvellement, qui est absolument central dans le christianisme.
La solution proposée par les théories pluralistes de la religion est encore moins acceptable, car selon elles toutes les religions, chacune à sa manière, seraient des moyens de salut; en ce sens doivent être considérés comme équivalentes dans leurs effets. Dans son examen minutieux des diverses religions, la critique de la religion, comme celle du type exercée par l'Ancien Testament, par le Nouveau Testament et par l'Église primitive, est dans plus réaliste son essence, plus concrète et plus vraie . Une réception aussi simpliste n'est pas proportionnelle à la grandeur de la question.
Rappelons en particulier Henri de Lubac, avec lui d'autres théologiens, qui ont mis l'accent sur le concept de substitution vicaire. Pour eux la proexistence du Christ serait une expression de la figure fondamentale de l'existence chrétienne et de l'Eglise en tant que telle.
Il est vrai que de cette façon, le problème n'est pas complètement résolu, mais il me semble que c'est en réalité une intuition essentielle qui touche l'existence individuel du chrétien.
Le Christ, en tant qu'unique, a été et est, pour tous, et les chrétiens, qui dans l'image grandiose de Paul constituent son corps dans ce monde, participent à cet "être-pour". Chrétiens, pour ainsi dire, on ne l'est pas pour soi-même, mais plutôt, avec Lui, pour les autres. Cela ne signifie pas une sorte de billet spécial pour entrer dans la béatitude éternelle, mais la vocation de construire l'ensemble, le tout.
Ce dont la personne humaine a besoin pour le salut, c'est de l'ouverture intime à Dieu, l'attente intime et l'adhésion à Lui; cela signifie que, et vice versa, avec le Seigneur que nous avons rencontré, nous allons vers les autres et essayons de rendre visible l'avènement de Dieu dans le Christ. Il est clair que nous devons réfléchir à l'ensemble de cette question».
- Aux yeux de nombreux «laïcs», marqués par l'athéisme des XIXe et XXe siècles, vous avez fait noter que Dieu - s'il existe - plutôt que l'homme - devrait répondre des injustices, de la souffrance des innocents, du cynisme et du pouvoir, auxquels nous assistons, impuissants, dans le monde et dans l'histoire du monde (cf. "Spe Salvi", n.42..) ...
Dans votre livre "Jésus de Nazareth", vous faites écho à ce qui pour eux - et pour nous - est un scandale: «la réalité de l'injustice, du mal, ne peut pas être simplement ignorée, simplement mise de côté. Elle doit absolument être surmontée et vaincue. C'est seulement ainsi qu'existe vraiment la miséricorde» ("Jésus de Nazareth", II 153, citant 2 Timothée 2: 13).
Le sacrement de la confession est-il, et dans quel sens, l'un des endroits où il peut y avoir une «réparation» du mal commis?
«J'ai déjà essayé d'exposer dans leur ensemble les principaux points liés à ce problème en répondant à la troisième question. Le contrepoids à la domination du mal peut consister seulement dans l'amour divin et humain de Jésus-Christ, qui est toujours plus grand que toute la puissance possible du mal.
Mais il est nécessaire que nous nous insérions dans cette réponse que Dieu nous donne par Jésus-Christ. Même si l'individu est responsable d'un fragment du mal, et donc complice de son pouvoir, il peut toutefois avec le Christ «compléter ce qui manque encore à ses souffrances» (cf. Colossiens 1, 24).
Le sacrement de pénitence a certainement un rôle important dans ce domaine. Il signifie que nous nous laissions toujours façonner et transformer par le Christ, que nous passions constamment du côté de ceux qui détruisent à Celui qui sauve».
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Il suffit de dix justes pour que toute la ville soit sauvée
par Joseph Ratzinger
LE MYSTÈRE DU MAL ET L'ANTIDOTE DE LA MISÉRICORDE
Pour l’homme d’aujourd’hui, par rapport à l’époque de Luther et à la perspective classique de la foi chrétienne, les choses se sont, en un certain sens, renversées ; autrement dit, l’homme ne croit plus qu’il a besoin de se justifier aux yeux de Dieu, mais au contraire il considère que c’est Dieu qui doit se justifier en raison de toutes les horreurs qui existent dans le monde et face à la misère de l’être humain, toutes choses qui, en dernière analyse, dépendraient de lui.
À ce sujet, je trouve révélateur le fait qu’un théologien catholique aille jusqu’à accepter de manière directe et formelle ce renversement : le Christ n’aurait pas souffert pour les péchés des hommes, mais il aurait plutôt, pour ainsi dire, effacé les fautes de Dieu. Même si, aujourd’hui, la majorité des chrétiens n’est pas d’accord avec un bouleversement aussi drastique de notre foi, on peut dire que tout cela fait émerger une tendance de fond de notre époque. […]
Cependant, d’après moi, la perception du fait que nous avons besoin de la grâce et du pardon continue à exister, d’une manière différente. À mon avis, le fait que l’idée de la miséricorde de Dieu devienne de plus en plus centrale et dominante est un "signe des temps". […] Le pape Jean-Paul II était profondément imprégné de cet élan, même si cela n’apparaissait pas toujours de manière explicite. […] C’est seulement là où il y a de la miséricorde que s’arrête la cruauté, que s’arrêtent le mal et la violence.
Le pape François se trouve pleinement en accord avec cette ligne de pensée. Sa pratique pastorale s’exprime précisément dans le fait qu’il nous parle continuellement de la miséricorde de Dieu.
C’est la miséricorde qui nous fait aller vers Dieu, tandis que la justice nous effraie en sa présence. D’après moi, cela met en évidence le fait que, sous le vernis de sa sûreté de soi et de sa propre justice, l’homme d’aujourd’hui dissimule une profonde connaissance de ses blessures et de son indignité face à Dieu. Il est en attente de la miséricorde. Ce n’est certainement pas un hasard si la parabole du Bon Samaritain est particulièrement attirante pour nos contemporains.
DIEU LE PÈRE SOUFFRE LUI AUSSI, PAR AMOUR
L’opposition entre le Père, qui insiste de manière absolue sur la justice, et le Fils, qui obéit au Père et accepte, par son obéissance, la cruelle exigence de la justice, n’est pas seulement incompréhensible de nos jours, mais, sur la base de la théologie trinitaire, elle est en elle-même tout à fait erronée.
Le Père et le Fils ne font qu’un ; par conséquent ils ont "ab intrinseco" une unique volonté. Lorsque, au Jardin des Oliviers, le Fils lutte contre la volonté du Père, il ne s’agit pas du fait qu’il doit accepter pour lui-même une cruelle décision de Dieu, mais bel et bien du fait que l’humanité doit être attirée dans la volonté de Dieu. […]
Mais alors pourquoi la croix et l’expiation ? […] Prenons en considération l’incroyable et dégoûtante quantité de mal, de violence, de mensonge, de haine, de cruauté et d’orgueil par laquelle le monde entier est infecté et détruit. Cette masse de mal ne peut pas être simplement déclarée inexistante, pas même par Dieu. Il faut qu’elle soit purifiée, retravaillée et surmontée.
Jadis Israël était convaincu que le sacrifice offert chaque jour pour les péchés et surtout la grande liturgie du jour de l’expiation – yom kippour – étaient nécessaires en tant que contrepoids à la masse de mal présente dans le monde et que c’était seulement grâce à ce rééquilibrage que le monde pouvait, pour ainsi dire, rester supportable. Après la disparition des sacrifices offerts dans le temple, il a fallu se demander ce qui pouvait être opposé aux puissances supérieures du mal, comment on pouvait trouver, d’une manière ou d’une autre, un contrepoids. Les chrétiens savaient que le temple qui avait été détruit avait été remplacé par le corps ressuscité du Seigneur crucifié et que dans son amour radical et incommensurable un contrepoids à l’incommensurable présence du mal avait été créé.
Ils savaient que le Christ crucifié et ressuscité est une puissance qui peut s’opposer à celle du mal et qui sauve le monde. Et, à partir de ces bases, ils ont également pu comprendre le sens de leurs propres souffrances, celles-ci étant insérées dans l’amour souffrant du Christ et faisant partie de la puissance rédemptrice de cet amour.
J’ai cité, il y a quelques instants, ce théologien selon lequel Dieu a dû souffrir en raison des fautes qu’il a commises envers le monde. Maintenant, en conséquence de ce bouleversement de la perspective, voici qu’apparaît la vérité suivante : Dieu ne peut tout simplement pas laisser telle qu’elle est la masse de mal qui découle de la liberté que Lui-même a concédée. Il n’y a que lui qui, en venant faire partie de la souffrance du monde, puisse racheter le monde.
À partir de ces bases, le rapport entre le Père et le Fils devient plus perceptible. Je reproduis ici, sur ce sujet, un passage, qui me paraît très clair, du livre qu’Henri de Lubac a consacré à Origène :
"Le Rédempteur est entré dans le monde par compassion envers le genre humain. Il a pris sur lui nos 'passions' avant même d’être crucifié… Mais quelle a été cette souffrance qu’il a supportée d’avance pour nous ? C’est la passion de l’amour. Mais le Père lui-même, le Dieu de l’univers, lui qui est débordant d’indulgence, de patience, de miséricorde et de compassion, ne souffre-t-il pas, lui aussi, en un certain sens ? Le Père lui-même n’est pas sans passions ! Si on l’invoque, alors Il connaît la miséricorde et la compassion. Il perçoit une souffrance d’amour".
Dans certaines régions d’Allemagne, il a existé une forme de dévotion très émouvante qui contemplait "die Not Gottes", la misère de Dieu. L’image du “trône de grâce” fait également partie de cette dévotion : le Père soutient la croix et le crucifié, il se penche sur celui-ci avec amour et, pour ainsi dire, il est avec lui sur la croix.
Ainsi, d’une manière grandiose et pure, on perçoit là ce que signifient la miséricorde de Dieu et la participation de Dieu à la souffrance de l’homme. Il ne s’agit pas d’une justice cruelle, pas plus que du fanatisme du Père, mais bel et bien de la vérité et de la réalité de la création : du véritable dépassement intime du mal qui, en dernière analyse ne peut se réaliser que dans la souffrance de l’amour.
FOI CHRÉTIENNE ET SALUT DES INFIDÈLES
Il n’est pas douteux que, sur ce point, nous soyons face à une profonde évolution du dogme. […] S’il est vrai que les grands missionnaires du XVIe siècle étaient encore convaincus que quiconque n’est pas baptisé est perdu pour toujours – et cela explique leur engagement missionnaire – cette conviction a été définitivement abandonnée dans l’Église catholique d’après le concile Vatican II.
De cette situation résulte une double et profonde crise. D’un côté, il semble que toute motivation à un futur engagement missionnaire soit ainsi supprimée. Pourquoi donc faudrait-il s’efforcer de convaincre des gens d’accepter la foi chrétienne alors qu’ils peuvent être sauvés même sans elle ?
Mais, même chez les chrétiens, une question s’est posée : le caractère obligatoire de la foi et de la manière de vivre qui en résulte est devenu incertain et problématique. S’il y a des gens qui peuvent parvenir au salut même par d’autres moyens, on ne comprend plus très bien, en fin de compte, pourquoi les chrétiens eux-mêmes sont liés aux exigences de la foi chrétienne et à sa morale. Si la foi et le salut ne sont plus interdépendants, même la foi devient sans motif.
Ces derniers temps, il y a eu plusieurs formulations qui ont été essayées dans le but de concilier la nécessité universelle de la foi chrétienne avec la possibilité de parvenir au salut sans celle-ci.
J’en rappellerai deux ici : tout d’abord la thèse bien connue des chrétiens anonymes, due à Karl Rahner. […] Il est vrai que cette théorie est fascinante, mais elle réduit le christianisme lui-même à une pure présentation consciente de ce que l’être humain est en soi et par conséquent elle néglige le drame du changement et du renouvellement qui est central dans le christianisme.
Il y a une solution encore moins acceptable : c’est celle que proposent les théories pluralistes de la religion, d’après lesquelles toutes les religions, chacune à sa manière, seraient des voies de salut et, en ce sens, elles devraient être considérées comme se valant les unes les autres quant à leurs effets. La critique de la religion telle qu’elle a été pratiquée par l’Ancien Testament, par le Nouveau Testament et par l’Église primitive, est essentiellement plus réaliste, plus concrète et plus vraie dans l’examen approfondi qu’elle fait des différentes religions. Une manière de voir aussi simpliste n’est pas proportionnée à l’importance de la question.
Nous pensons en particulier à Henri de Lubac et, en même temps qu’à lui, à quelques autres théologiens qui ont mis l’accent sur le concept de substitution. […] Le Christ, étant unique, était et est pour tous les hommes ; et les chrétiens - qui, pour reprendre la grandiose image créée par Paul, constituent son corps en ce monde - participent de cet “être pour”. Pour dire les choses autrement, on n’est pas chrétien pour soi-même mais on l’est bel et bien, avec le Christ, pour les autres.
Il ne s’agit pas là d’une sorte de ticket spécial pour entrer dans la béatitude éternelle, mais bien de la vocation à construire l’ensemble, le tout. Ce qui est nécessaire à l’être humain dans l’ordre du salut, c’est l’ouverture intime à Dieu, l’attente et l’adhésion intime à Dieu, et cela signifie, en sens inverse, que nous allons, avec le Seigneur que nous avons rencontré, vers les autres et que nous essayons de leur rendre perceptible la venue de Dieu en Jésus-Christ. […]
Je pense que, dans la situation actuelle, ce que le Seigneur a dit à Abraham devient de plus en plus clair et compréhensible pour nous, à savoir que dix justes auraient suffi pour permettre la survie d’une ville, mais que celle-ci se détruit elle-même dans le cas où ce petit nombre de justes n’est pas atteint. Il est clair que nous devons réfléchir davantage à toute cette question.
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Commentaires
Marrant comme vous restez anonyme. Vous avez quelques chose à cacher ?
non, la traduction n'est pas identique, car je sais l'italien. J'ai pris effectivement une base commune pour la retravailler. Je ne cite pas le site de la personne qui "vole" et manipule les idées de l'Eglise pour son propre profit, avec Sa traduction; mais pour mieux semer la confusion et descendre en flèche le Pape... Merci de garder d'abord le copyright des idées de l'Eglise. Travestir la pensée des Papes est un abus de propriété. Rendons à Dieu ce qui est à Dieu; trop facile de jouer sur ce droit fondamental. Aussi j'ai retravaillé la traduction. Vérifiez avec patience.... Bien à vous
N.B. Le moi n'est jamais très intéressant, car il prend possession du bien commun, soit la foi de toute l'Eglise, pour tous et chacun.
Mon blog n'a aucun objectif financier et tous les monde peut reprendre les articles, sans payer, sans se croire débiteur de mon petit travail.
Le seul et unique copyright appartient à la sainte Eglise apostolique et romaine, en union loyale, complète et sincère avec le doux Christ sur la terre, le Pape, Pierre pour notre temps. Le Pape François va au devant de grande souffrance et je trouve fort dommage de le dénigrer, de trahir sa pensée, toujours dans la continuité avec l'Eglise qui existe depuis la Pentecôte.
Servez-vous sans autre, car cela n'appartient qu'à la Vérité qui nous sauve.
Écrit par : Don Dom | vendredi, 18 mars 2016
Après la première vidéo du Pape prônant l'indifférentisme religieux et affirmant quelques sottises pontificales qui malheureusement ne nous surprennent même plus, quel bonheur de lire Benoît XVI insister notamment sur la crise missionnaire de l'après-Concile et rappelant à sa manière la nécessité de la foi catholique (il dit chrétienne mais seule la foi catholique est l'expression complète, plénière, intégrale de la foi chrétienne) pour être sauvé, et l'erreur des théories rahneriennes ou du pluralisme des religions. Ce nécessaire recadrage a dû faire enrager tous les fans de SuperBergoglio. Puisse-t-il s'exprimer plus souvent et jouer le rôle de garde-fou, ce sera encore plus nécessaire dans les temps à venir.
Écrit par : Andrew | dimanche, 20 mars 2016
Je crois avoir démontré, mais jamais assez, la continuité doctrinale entre les deux Papes. Mais je ne vous oblige pas à y adhérer, car la foi est un don de Dieu, une grâce. Pour moi, par la lecture des propos de notre Pape, c'est l'herméneutique de la Réforme en acte, en action; et ce que vous percevez comme une rupture, n'est que l'effet de la Miséricorde. Le dernier interview du Pape émérite, travesti par un certain site qui le place dans un contexte où l'ego a trop de place, l'explicite. J'essaie de penser avec l'Eglise. Je n'adhère nullement, car contraire à la simple raison, à l'idéologie d'une dégradation et d'une rupture dans l'enseignement de la foi. Entre les deux Papes, la même foi continue son chemin dans les coeurs, elle coulera toujours, car cela est une promesse de Jésus, du siège de Pierre. Je sais que vous pensez et communiquez l'inverse, comme si vous vous donniez le mot. Ma foi, je ne peux pas forcer.
Enfin, je perçois que les Steve, Andrew et Benoît et Moi et compagnie adorent polémiquer et venir semer le trouble chez ceux qui croient, qui adhèrent au Magistère du Pape, qu'il s'appelle Benoît XVI ou François. Cela est un réseau puissant, mais assez insignifiant lorsque l'on voit les fruits que la Miséricorde, ce Kairos, accomplie dans les âmes.
Écrit par : Don Dom | dimanche, 20 mars 2016
Oui, même si une telle audace me glace le sang et que je n'aurais osé l'écrire, je crois que malheureusement vous n'avez pas tort d'évoquer une "herméneutique de la Réforme", avec R majuscule, au sujet de notre Pape. Il faut avouer qu'on pourrait facilement être tenté de remarquer qu'il semble généralement plus à l'aise avec les héritiers de Luther (devant qui il n'hésite pas à se mettre à genoux pour recevoir leur bénédiction!), et avec tous ceux que la sainte doctrine inaltérable dérange, ceux qui préfèrent l'interpréter à leur manière, "pastoralement, qu'avec de ses propres ouailles, celles qui n'ont pas oublié les enseignements des Leon XIII, Benoît XV, Pie XI, Pie X, Pie XI et Pie XII et qui lisent Jean-Paul II et Benoît XVI et leurs prédécesseurs immédiats en plaçant leurs propos dans la perspective de la Tradition immémoriale et pérenne de la sainte Eglise catholique, la seule Eglise du Christ hors de laquelle il n'y a pas de salut. Nous verrons jusqu'où ira les embrassades de la Réforme en ce temps de "commémoration" du plus terrible événement religieux du second millénaire...
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
L'Eglise est semper reformanda car elle doit toujours remettre les chrétiens fragiles et pécheurs dans sa forme ( re former ) dans sa forme originelle ...
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
Semper Reformanda...oui, c'est une formule que le Pape affectionne. Une formule qui a été mise en vogue par un théologien calviniste, Karl Barth, et que les Réformés modernes prennent à leur compte très volontiers, car ils y trouvent résumée leur propre ecclésiologie. Le fait que l'origine de la formule se trouve dans un texte de St Augustin ne change rien à l'affaire. Les Réformés, à la suite de Luther, ne sont-ils pas au fond des Augustiniens dévoyés? Bergoglio a certainement découvert et pris en affection ce slogan, aussi porteur que Sola Scriptura ou Sola Fide, auprès de ses amis protestants. Pour les catholiques qui voudraient méditer sur les questions délicates du développement de l'Eglise à travers le temps, je conseillerais plutôt de lire le Bienheureux John H. Newman et d'éviter de se laisser influencer par nos frères séparés...
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
C'est une formule du Concile Vatican II. L'Eglise est sainte et sans péché. Dans sa dimension humaine, les chrétiens la défigure par leurs péchés. Le Pape va aux racines, à la forme originale de sainteté de l'Eglise. Ratzinger va aussi dans ce sens de la réforme de la Miséricorde. J'ai toujours eu confiance en cette démarche synodale présidée par l'Esprit Saint, avec et sous Pierre.
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
"Semper Reformanda", une formule de Vatican II? Ce serait un mauvais point pour le Concile, mais j'en doute: merci de citer le document en question... L'Eglise, per se, est une société parfaite et une réalité théandrique qui n'a nul besoin de réformes. Ce sont les coeurs de ses membres, de tous ses membres, qui ont besoin de conversion. Confondre ces deux plans et glisser de la conversion personnelle à la réforme ecclésiale, c'est une erreur dévastatrice. La conversion des coeurs consiste à conformer toujours plus sa propre personne à l'Eglise par l'adhésion de foi à sa doctrine et la réception fervente des sacrements. Ce n'est pas l'Eglise qui doit changer, mais les hommes qui doivent changer. Ce n'est pas l'Eglise qui doit s'adapter au péché des hommes, mais les hommes qui doivent s'adapter à la sainteté de l'Eglise. Et ceci ne s'obtient pas par je ne sais quelle stratégie pastorale up-to-date mais par la grâce de Dieu, la prière et l'agir apostolique des membres de l'Eglise.
Et puisque vous en parlez, la Miséricorde n'est pas une nouveauté que l'on doit au génie du Pape François pour réformer l'Eglise... La Miséricorde est la substance même de la foi et de la prédication catholique depuis les origines. C'est le Verbum Crucis, la Parole de la Croix. Aujourd'hui malheureusement, on utilise le mot "Miséricorde" à toutes les sauces pour y coller une réalité "pastorale" qui n'a souvent que très peu à voir avec la réalité que ce mot signifie. Pour commencer à accueillir la Miséricorde de Dieu il faut déjà essayer de connaître et reconnaître son péché qui se découvre à la lumière de la sainte crainte de Dieu, commencement de la sagesse. Sinon c'est du toc, de la présomption et de l'inconscience.
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
Vous êtes savant et ignorez ces choses là ? Doux reproche que Jésus a adressé à Nicodème, un homme bon et droit.
Le document Lumen Gentium sur l'Eglise est une véritable somme théologique sur l'Eglise, épouse de Jésus, ayant Marie comme modèle. L'Eglise est comme le sacrement du salut, un signe qui procure la grâce signifiée. L'Eglise est humaine et divine, sainte et composée de pécheurs. Dans sa dimension humaine, elle est semper reformanda. Cette formule et de LG. Bien à vous
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
Merci pour la référence. Après vérification, je trouve au numéro 8: "Ecclesia in proprio sinu peccatores complectens, sancta simul et SEMPER PURIFICANDA, poenitentiam et renovationem continuo prosequitur." Le contexte nous permet de saisir qu'il s'agit bien de la conversion des membres pécheurs, appliquée à l'Eglise par une sorte de "communication des idiomes", un procédé ici par exempt d'ambiguïté. Mais en tout cas, rien à voir avec Ecclesia Semper Reformanda au sens d'une réforme des enseignements et des pratiques de l'Eglise elle-même en vue de l'adapter à un monde mouvant et évolutif...
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
Je n'ai jamais parlé de la réforme de l'enseignement ou de la doctrine. Une chose vrai l'est pour toujours. Je parle du changement dans le mode de parler, inspiré par l'Esprit Saint à Saint Jean XXIII. Prêcher non plus avec les moyens de la rigueur mais de la Miséricorde. Relisez la bulle d'indiction de l'année sainte de la Miséricorde du Pape. L'hermétique de la réforme, de la Miséricorde, est présente.
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
Avant de poursuivre le dialogue, faisons si vous le voulez bien un petit bilan intermédiaire: notre conversation s'est focalisée sur le thème de la Réforme en lien avec le Pape, et de cette expression qu'il affectionne, bien que fortement teintée d'ecclésiologie protestante: "Ecclesia Semper Reformanda". Vous m'avez renvoyé à Lumen Gentium comme au lieu catholique d'où émanerait cette formule dans le magistère officiel, mais après rapide enquête elle ne s'y trouve pas. Au lieu d'une Eglise en état de réforme continuelle, on y évoque ses membres pécheurs devant toujours se purifier, se renouveler et faire pénitence (allusion assez claire au sacrement de la confession). Alors non, si les mots ont un sens, l'Eglise ne se dit pas Semper Reformanda pour les catholiques. LG dit: Semper Purificanda, et ce du point de vue de ses membres pécheurs. Cela n'a donc rien à voir avec une quelconque nécessité de réformes de l'Eglise dans sa structure ou son agir (et comme vous le dites vous-même, encore moins dans sa doctrine).
Maintenant, vous en venez à Jean XXIII et à son discours d'ouverture du Concile qui a inauguré l'ère de débâcle incessante qui se poursuit jusqu'à nos jours, ère de confusion, d'ignorance et d'abandon des formes traditionnelles de culte et d'enseignement. Comme le Pape François dans sa bulle d'indiction (qui contient de très beaux passages sur la Miséricorde, soit dit en passant), vous vous en réjouissez comme d'un magnifique changement dans le mode de parler, un événement que vous estimez directement inspiré par la Troisième Personne de la Sainte Trinité... Sur ce dernier point permettez-moi d'en douter. Je ne doute pas, par contre, des bonnes intentions du Pape d'alors, mais je crois qu'il s'est profondément trompé, et tant que les évêques et les papes à venir ne reconnaîtront pas la faillite de cette nouvelle manière pastorale qui a plongé l'Eglise dans la crise la plus profonde de son histoire bimillénaire, nous continuerons de couler à pic en nous imaginant marcher sur les eaux...
A mon humble avis, une manière de saisir le problème consiste à réaliser à quel point nous sommes devenus ennemis de la Croix, cette Sainte Croix que nous affublons volontiers d'un Christ déjà Ressuscité, ce Saint Sacrifice que nous ne voulons plus considérer sur nos autels, préférant nous imaginer déjà arrivés au banquet des Noces de l'Agneau... Nous n'avons pas le droit de nous installer dans le "Déja" en négligeant le "Pas Encore". Nous sommes l'Eglise militante, nous ne pouvons nullement cesser le combat comme si nous étions déjà l'Eglise triomphante...
Autrement dit, et pour conclure, si "Ecclesia Semper Reformanda" devient l'équivalent de l'Aggiornamento conciliaire, je suis contraint de dire encore: non, non et non. Si réforme il doit y avoir, c'est justement celle qui consiste à abandonner cette pastorale de la bouche en coeur et du dialogue sempiternel inaugurée au Concile Vatian II et de revenir à la sagesse immémoriale d'une parole magistérielle toute de vérité, lumineuse, corsée, digne, solennelle, sans compromis et sans inclusivisme décadent, condamnant l'erreur et appelant, comme la Bienheureuse Vierge Marie, les foules à la conversion: "Pénitence, pénitence, pénitence". Voilà qui sauvera des âmes bien plus sûrement que, sans changement de registre, l'envoi de tweets ou l'inauguration d'un compte Instagram.
Sur ce je vous souhaite une belle et lumineuse Semaine Sainte. Avec l'assurance de ma prière.
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
Et l'herméneutique de la réforme ... C'est celle de la purification peut-être ?
Dans la pensée réaliste, qui cherche la vérité, les mots renvoient à une réalité et c'est celle-ci qui est déterminante. Le mot réforme n'est pas défini par un changement perpétuel de doctrine, mais un changement pastorale pour que nous les hommes correspondions toujours d'avantage à cette vérité. La pastorale est l'art de mener les âmes vers la vérité tout entière. Aussi, la réforme de l'Eglise est une remise des structures pastorales dans le moule originelle. En ce sens, le document post-synodal sera une mise en pratique pastorale de l'indissolubilité du mariage, avec des manières de faire qui vont changer, sans remise en cause de l'enseignement, qui n'a pas à être réformé, si non reformulé, traduit, afin de mener les âmes blessées vers Jésus, sa Miséricorde.
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
Je remarque que le risque de la pensée traditionaliste est bien une méfiance envers cette mise à jour voulue par Saint Jean XXIII. Triste ! Redire les mêmes choses, en étant entendu par nos contemporains, par le dialogue, l'écoute ... Il y a donc une radicalisation, une polarisation, et cette attitude réactionnaire empêche d'entrer dans la vérité tout entière. C'est une raidissement qui ne veut que se focaliser sur un aspect. Or lisez justement le Pape Saint Jean XXIII, son discours, puis le Concile, mais sans l'herméneutique de la FSSPX qui joue avec les concepts, en prenant ceux du XIXème alors que ces mots ont un autre signification.
Au fond, si vous êtes intégriste, vous doutez sans cesse, jamais votre esprit de ne repose pour contempler la vérité, mais fait toujours une tour sur lui-même; les pharisiens cherchaient à piéger Jésus, il mettait le doigt dans la faille, mais c'était de fait la poutre qui aveugle. Cette angoisse permanente est usante pour ceux qui vous écoute, car elle éloigne de Dieu; justement en semant la contradiction, en mettant en parallèle des vérités qui ne sont pas identiques. Et on ne peut plus dialoguer car la musique de fond est un j'accuse !
Écrit par : Don Dom | lundi, 21 mars 2016
Si vous faites allusion au fameux discours de Benoît XVI, il parle exactement d'une "herméneutique de la réforme, du renouveau dans la continuité de l'unique sujet-Eglise". On doit d'abord saluer l'effort du grand intellectuel en vue de sortir de l'impasse. Mais on doit aussi reconnaître que son exposé suscite des questions et soulève des problèmes plus qu'il n'en résout (notamment: j'ai de la peine à comprendre pourquoi et comment la continuité devrait désormais résider dans le "sujet-Eglise" au détriment des contenus enseignés qui pourraient eux subir des ajustements pour mieux coller au temps... idée potentiellement dangereuse...). D'ailleurs je crois que cet humble et distingué théologien n'a jamais voulu par ce discours clore le débat, mais plutôt contribuer à une réflexion qu'il estime probablement dépasser sa personne, et notre génération. Ce qu'il rejette fermement, et avec raison car ce serait une contradiction, c'est l'herméneutique de la rupture. Si le Concile Vatican II est un Concile légitime, et il l'est , il ne peut pas être reçu comme un événement hors du commun, un nouveau commencement, un jalon indépassable délimitant dans l'histoire de l'Eglise un avant et un après. Une fois ceci posé (mais ce n'est pas du tout évident pour une grande majorité des prêtres et évêques de notre temps), il faut bien essayer de rendre compte de ce que Benoît XVI appelle lui-même des "discontinuités" dans les textes du Concile avec l'enseignement antérieur (liberté religieuse, notamment)... Ce qu'il n'a pas voulu considérer, et c'est vraiment dommage, c'est que le Concile s'est lui-même abstenu volontairement de prononcer une quelconque définition dogmatique, d'user de l'infaillibilité dans son enseignement, et qu'ainsi les documents du Concile (comme d'ailleurs les interviews et les déclarations spontanées du présent Pape) ne sont nullement contraignants et parfaitement susceptibles de contenir des imprécisions, voire des erreurs. Ce qui pourrait tout aussi bien expliquer les discontinuité constatées par Benoît XVI sans le recours à cette étrange application du concept de continuité à la Personne de l'Eglise, au détriment de la Tradition.
* * *
Vous parlez de philosophie realiste et vous faites bien. Un mot est un concept renvoyant à une réalité. C'est une illusion de croire qu'on peut changer le langage sans changer le contenu. Lorsqu'on change de mots on change de sens. C'est aussi simple que ça. Les hommes ne changent pas avec les siècles. Le péché reste le péché. L'orgueil reste l'orgueil. La révolte reste la révolte. La perdition reste la perdition. La charité reste la charité. La miséricorde reste la miséricorde. La sainteté reste la sainteté. Lorsqu'on disait dans le temps: convertissez-vous sinon vous irez en enfer, c'est toujours vrai et toujours aussi actuel aujourd'hui. Si la langue évolue il faut expliquer les termes, mais pas les abandonner au profit d'autres et d'un nouveau style, d'un nouvel optimismevenu de nulle part. On peut user de douceur et de bonhommie, comme Saint François de Sales ou Saint Philippe Néri, certes, mais on ne peut pas cesser de parler du péché et de l'enfer, du risque réel de se perdre, et de la juste révérence due à Dieu, sans affadir l'Evangile.
Convaincu dans un premier temps de leur grandeur, moi fils spirituel de Jean Paul II, j'ai lu tous les textes du Concile et les discours de Jean XXIII et Paul VI. J'ai beaucoup aimé Lumen Gentium, j'ai détesté l'optimisme et l'évolutionnisme de Gaudium et Spes. Ebloui dans un premier temps par ce grand discours d'ouverture de Jean XXIII, j'ai fini par me convaincre qu'il s'est agi d'une tragique erreur d'appréciation. Je ne suis pas un fidèle de la FSSPX mais je dois reconnaître qu'ils n'ont pas tout faux.
Écrit par : Andrew | lundi, 21 mars 2016
Merci Andrew, je vois que l'on peut parler et discuter. Je vous en remercie. Bon triduum !
Écrit par : Don Dom | vendredi, 25 mars 2016
Merci Andrew, il y a évidemment rupture complète entre le Pape Benoit XVI et François, le site Benoit et moi l'illustre abondamment. Et le pape François ne s'en cache pas lui qui dit "n'être d'aucune église", evêque de rome avant d'être pape, etc. Et cet interview, habilement utilisée pour donner une impression de soutien est déjà un peu ancienne, et non tronquée elle parle de l'état bien triste de l'Eglise. La première vidéo de François n'était pas catholique, mot qu'il se refuse d'ailleurs à employer la plupart du temps (sauf pour culpabiliser les catholiques). OUVVRONS LES YEUX, sans colère et prions,
Écrit par : alban | dimanche, 27 mars 2016
Merci d'écrire noir sur blanc ce que je rends explicite depuis l'élection de notre Pape. Cela a le mérite d'être clair. Vous pensez bien que j'y vois une idéologie à l'œuvre dont le site en question est le support. Faire tourner le pontificat autour de son nombril et de son moi ne peut pas porter du fruit.
Écrit par : Don Dom | lundi, 28 mars 2016
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