vendredi, 31 octobre 2014
Le Pape François vu par Mgr Alain de Raemy
Le Pape François vu par Mgr Alain de Raemy
Mgr Alain de Raemy, aumônier émérite de la Garde Suisse, devenu évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne-Genève et Fribourg en Suisse nous raconte ce qu’il a vu et entendu au Vatican. Un témoignage live !
Merci à la Revue Choisir (octobre 2014) de son aimable autorisation pour cette publication
Photos: @Copyright Mgr Alain de Raemy
Texte: avec l'aimable concours de la Revue Choisir
Mgr Alain de Raemy: François pour moi ? Un sacré directeur.
Après Jean-Paul II et Benoît XVI, plus mystiques ou théologiques, j’ai pour la première fois l’impression que le Pape me parle en directeur, supérieur, confesseur, maître de conscience, guide spirituel. Il me parle comme à un fils ou à un petit-fils ; à un fils spirituel en tout cas.
Quand je lis des propos tels que « comment vas-tu au lit ? », « as-tu pleuré ? », « te souviens-tu de Marie ? », « sens-tu la brebis ? », « connais-tu non seulement tes paroissiens (diocésains), mais aussi les noms de leurs chiens ? », « confesses-tu, te confesses-tu ? », « aimes-tu Jésus ? », « es-tu toujours disponible ? », « célèbres-tu chaque jour la messe ? », « es-tu prêtre pour toi ou pour les autres ? », « es-tu plus en avion qu’en diocèse ? », « sais-tu te battre ? (dans la prière avec Dieu) »…, j’ai l’impression qu’une sorte d’inquisiteur au tempérament latin bien trempé vient s’infiltrer sans complexe dans ma vie consacré. Finis les discours de haute volée. C’est à ras les pâquerettes, mais alors de sacrés pâquerettes ! de celles qui cachent tant de fleurs de lys, les lys des plus hautes vertus sacerdotales, que le Pape me rejoint… et me décape !
La TV ou le tabernacle ?
Je ne peux m’empêcher à penser à lui, si je finis ma journée plus devant la télévision que devant le tabernacle. Sa voix me poursuit, quand j’agis ou décide moins par audace évangélique que par prudence humaine. Son exemple me hante, quand je voyage en première plutôt qu’en deuxième. Ses appels me réveillent, quand je laisse le mendiant au suivant.
Pape François: "Marie comme Mère, et pas Belle-Mère"
Des expressions telles que « mieux vaut une Eglise cabossée que sclérosée », « mieux vaut avoir subi un mauvais séminaire que pas de séminaire du tout », « mieux vaut perdre une vocation que de risquer un candidat incertain (une reprise de Pie XI) », « mieux vaut un père proche qu’un docteur érudit », « mieux vaut tenir Marie pour mère que de l’avoir en belle-mère (sic !)», « mieux vaut avoir fait la volonté du prochain, que celle de Dieu ou la mienne », sont autant de puits sans fonds. On y découvre la sève évangélique. Celle qui ne nous est pas nécessairement naturelle. Parce que surnaturelle.
La foi est une vie
C’est à une vie sacerdotale ou épiscopale très classique que la pape François me convie. Tellement classique qu’elle en devient nouvelle. Bréviaire, lectio divina, confession régulière, messe quotidienne, chapelet, examen de conscience, adoration, prédication consciencieuse, présence chaleureuse, miséricorde sans fin. Tous les ingrédients du bon manuel, en effet. Mais tout à l’extrême, sans effets. C’est comme s’il menait le combat en moi, pour une authenticité sans faille. Oui, il me mène au combat. Il m’apprend le démon. Il me surprend de leçon en leçon. Il me tient vigilant.
Je l’ai vu à l’œuvre. Dans un Vatican dépouillé, il tient sa route. Il tient la route. Il tient.
Passablement critiqué. Taxé d’iconoclaste ou de dictateur caché, il fait effectivement sa volonté : celle de tout un conclave dont il se sent chargé. A chaque décision, il se plaît à le rappeler : c’est des cardinaux que lui vient l’idée.
Mais encore une fois, c’est d’abord à son souci de pasteur que tout se doit. Tellement curé, tellement pasteur qu’il en deviendrait dictateur. Mais dans le sens du directeur-recteur, directeur de conscience, recteur spirituel.
S'il te plaît, pardon et merci !
Et ce n’est vraiment pas sans fruits. N’est-ce pas beau d’entendre de jeunes gardes suisses, après trois heures de service debout, dans une foule excitée, l’oreillette vibrante toujours posée, pouvoir vous résumer une catéchèse diluée dans des haut-parleurs trop proches ou trop éloignés : oui, il a dit que la vie de famille se décline en trois mots, « s’il te plaît », « pardon » et « merci ». Mission accomplie. Mais aussi leçon donnée à tous les curés.
Je crois que ce Pape nous confirme dans la foi en rendant pour ainsi dire infirmes nos manques de foi. Je crois qu’il est tellement libre qu’il inquiète notre liberté. Je crois qu’il veut tellement convaincre qu’il risque bien de vaincre.
Pape François: une main de fer dans un gant de velours
Je sens en lui quelque chose d’une main de fer dans un gant de velours. Mais un velours sans onctuosité. Un velours de compassion vraie. C’est encore un soldat de sa fière garde suisse qui me le disait : sans pouvoir se l’expliquer, quand il l’accompagnait auprès des plus blessés, sans savoir pourquoi, en le voyant faire, en le voyant être, il ne pouvait que pleurer…
Je n’oublierai pas, moi non plus, comment il embrasse les lépreux, comment il touche les contagieux. Je suis saisi par la façon dont il parle du droit des victimes mais aussi du droit de l’agresseur… à être stoppé pour lui éviter de tomber (à propos des islamistes en Irak). Et je m’étonne que l’on ne soit pas plus étonné qu’il n’ait pas simplement demandé de prier pour lui le soir de son élection, mais bien de lui donner notre bénédiction… On s’arrête trop à la serviette qu’il porte lui-même ou à la petite Ford qui l’emmène, et l’on risque de ne pas voir les plus grands chemins d’évangile où il nous entraîne.
Pape François: un directeur .... de conscience !
Une chose est pour moi sûre : ce pape ne se laisse pas faire et ne nous laisse pas faire. Il est vraiment à l’affût. Il veut quasi nous forcer à faire la vérité, à discerner. Tout doit être pesé, soupesé, affronté et décidé.
Il agit en recteur, en directeur, en meneur. Mais jamais sans Jésus.
Oui, François est pape, père, mais surtout : un sacré directeur ! Directif en conscience. Directeur de conscience.
+Alain de Raemy
évêque auxiliaire du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg
12:12 | Lien permanent | Commentaires (3) | | |
Commentaires
C'est très beau !
Écrit par : Christophe | samedi, 01 novembre 2014
+1
Écrit par : Véronique | samedi, 01 novembre 2014
+2
Écrit par : Don Dom | samedi, 01 novembre 2014
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