mercredi, 26 février 2014
Personnes divorcées remariées et le Cardinal Barbarin
Le mariage et la famille, avec le cardinal Barbarin
(Radio Vatican) Entretien
.... La pastorale du mariage et de la famille était au cœur des réflexions et des débats ces jours-ci au Vatican. D’abord au cours d’un consistoire extraordinaire qui a réuni l’ensemble du collège cardinalice jeudi et vendredi dernier, puis, en ce début de semaine, au cours de la réunion du Conseil du Synode des évêques qui s’est penché sur les réponses au questionnaire envoyé aux Conférences épiscopales et aux dicastères de la Curie.
Les grandes souffrances des personnes
Ces réponses doivent permettre de préparer le document de travail du prochain synode sur la famille qui aura lieu en octobre prochain. Le Vatican a constaté beaucoup de souffrance chez ceux qui se sentent exclus ou abandonnés par l’Eglise, car ils ne vivent pas conformément à la doctrine. Selon le cardinal Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, il y a urgence à renouer le dialogue avec ceux qui se sont éloignés de l’Église. Un chemin de confiance s’est ouvert.
La question de la place, dans l’Église catholique, des personnes divorcées et remariées a d’ailleurs largement dominé le consistoire extraordinaire la semaine dernière. L’idée d’un chemin de pénitence a été évoquée.
Hélène Destombes a rencontré le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Il revient sur le contenu des échanges : 
Je résumerais bien l’ensemble du travail sur « amour et vérité se rencontrent ». Évidemment, aujourd’hui, la situation du mariage dans le monde a beaucoup changé. Donc, la parole de l’Église doit beaucoup se renouveler en demandant à Dieu la grâce d’arriver à faire opérer cette rencontre entre l’amour et la vérité. Du coup, le cadeau, comme dit l’onction, ce sera la justice et la paix. Plutôt que d’aller butter sur « Est-ce qu’on va enfin donner la permission à ceux qui sont divorcés remariés d’aller communier ? C’est une injustice qu’on ne la leur donne pas ».
Si vous buttez immédiatement sur le problème dans son point ultime, ça se cabre. Donc, moi je pense qu’il faut reprendre les choses profondément en amont et après, montrer aux gens que c’est un appel à leur liberté et non pas un règlement qu’on leur fait tomber dessus. Dans leur réponse libre à cette parole de Dieu, ils donneront un très beau témoignage et leur amour grandira.
Vous avez donc évoqué la question des divorcés remariés, une question délicate et sensible qui a été abordée. Il y avait là différents points de vue. Comment les discussions se sont-elles déroulées ?
C’était 80-90% des interventions qui touchaient la question des divorcés remariés. On voit bien qu’aujourd’hui, c’est la question la plus difficile et la plus douloureuse .Et il ne suffit pas de dire « moi, je suis rigoriste, moi, je suis laxiste ». C’est une impasse ce genre de discussion . Ce qui est important, c’est de dire « il y a incontestablement une parole de vérité qui vient de la Bible et il y a incontestablement un amour de Dieu pour tous les hommes, quel qu’ils soient et quel que soit leur situation ».
C’est pour cela que si vous vous situez uniquement du point de vue réglementaire, c’était interdit et maintenant, ça va être permis. « Oui, l’Église s’ouvre, elle devient enfin attentive à nos vies, à nos conditions, elle renonce à ces vieux principes, etc.. ». C’est absurde parce ce qui est quelque chose de conjoncturel dans la vie de l’Église peut changer. Mais quelque chose qui vient directement de la parole de Dieu et qui touche les situations de vie ne va pas tellement changer, c’est-à-dire qu’on sait que le mystère de l’alliance entre l’homme et la femme est directement greffé, si je puis dire, à l’histoire de l’alliance avec l’humanité. Alors, il y a des pistes possibles. Par exemple, le Pape a dit lui-même, il y a déjà assez longtemps, qu’ on pourrait regarder comment font les orthodoxes .
Mais pour la majorité des catholiques, lorsqu’ils regardent les catholiques, ils disent : vous voyez les orthodoxes, ils peuvent se remarier ». On sait bien que non. Si vous connaissez les orthodoxes, vous savez que chez les orthodoxes, quand il y a un remariage, on les reçoit, on les bénit. La célébration est pénitentielle, vous n’avez pas été fidèle à la parole de Dieu mais rassurez-vous, Dieu vous aime quand même. Et ce n’est pas un sacrement . On peut trouver les manières, ça dépend de la liberté qu’on laisse. Par exemple, on peut dire aux gens : « voilà quelle est la doctrine de l’Église et ce n’est pas à nous d’entrer jusque dans les détails de tout. Que chacun voit avec son père spirituel, avec son curé, avec son évêque. Il y a sur ce thème comme sur les autres thématiques abordées durant les discussions un consensus ou le regard est très différent que l’on vienne du continent européen, africain, asiatique ?
Vous pouvez avoir un consensus et un regard très différent. Je pense qu’au fond, il y a un consensus. C’est pour cela que je l’ai résumé avec cette phrase du psaume 84. Le consensus, c’est que la charité est première. Notre mission à nous, c’est de faire comprendre aux hommes que l’amour de Dieu leur est toujours offert, que l’amour de Dieu les suit et les poursuit toujours, dans quelque périphérie où il se trouve, comme dirait le Pape François. Ça, c’est vraiment le point fondamental.
Et la parole de vérité qui est dite et qui parfois, est difficile à avaler pour nous est encore une marque d’amour et non pas un châtiment, une punition, une sanction, etc.. Alors ça, c’est difficile parce que dès ça se dégrade un tant soit peu, en règlement, comme je le disais là toute à l’heure, du coup,c’est perçu comme une sanction.
Or, là où nous avons à trouver les mots, c’est de dire que « cette parole-là, je te le promets, est un chemin d’amour pour toi , un chemin d’amour de Dieu dans ton cœur. Laisse-le faire. Fais-lui confiance. Ça va batailler un peu en toi. Bon, ça arrive mais tu peux être certain que ce sera un chemin de croissance d’amour ou un chemin de vérité ». Alors, là-dessus, c’est vrai que les perspectives étaient très différentes et quand c’est les Philippines qui parlent, ce n’est pas tout à fait comme lorsque c’est Ouagadougou qui parle.
Le fait que les points de vue soient très différents, ne veut pas dire une majorité et une minorité. Je pense que dans une rencontre comme celle que nous venons de vivre, il y a à la fois consensus et un son incroyable. Donc, c’est vrai qu’il y a quelque chose d’extraordinairement varié.
Quel a été le climat de ce consistoire ? Comment le définiriez-vous ?
C’est un moment fraternel et en même temps, on est un peu frustré parce que chacun parle 5-6-7 minutes, ça fait 80 interventions les unes après les autres. Il n’y a pas vraiment de discussions entre nous. On parle avec les proches, avec celui qui est devant, celui qui est derrière mais c’est vrai que cela manque de contacts fraternels. Il y a les petites pauses café : on a un truc à dire à quelqu’un donc on fonce sur lui, on lui dit « tu sais que…j’ai envie de te dire que… » mais c’est un petit peu lourd dans une après-midi, d’écouter 25 interventions.
On fait attention à tout le monde, il y en a beaucoup qui ont des idées nouvelles et intéressantes donc on prend des notes mais c’est quand même encore une formule qui ne s'est pas encore trouvée ou qui doit encore se chercher.
Donc, le climat est bon et fraternel, il n’y a pas de doutes là-dessus. On est d’une certaine manière content de se revoir. On a aussi besoin de ces contacts fraternels, on a des choses à se dire, on s’invite mutuellement,.. Enfin, c’est vrai qu’il y a une certaine fraternité.
Photo : le cardinal Barbarin, le 2 février, à la manif pour tous à Lyon
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