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lundi, 25 mars 2013

La manif pour tous: témoignage sur Koz Toujours

Lire Abbé Grosjean, qui explique pourquoi les manifestants se sont dirigés vers l'Avenue Foch. 

Source: Koz Toujours (Facebook)

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"Cher Koz,

On parle beaucoup de débordements de la Manif pour tous d’hier et, comme j’étais en haut de l’avenue Foch entre 14h40 et 17h environ, je me dis que peut-être que ces quelques lignes de témoignage peuvent être utiles.
Je ne sais pas trop à qui les envoyer et m’adresse à toi car je fais confiance à ta pondération et à ton discernement.
Je ne veux pas rajouter de l’huile sur le feu, mais peut-être que croisé avec d’autres mon témoignage permettra de comprendre ce qui s’est passé avenue Foch et qui en est responsable.

Je me suis rendue à la Manif pour tous avec mon frère Philippe 31 ans, père de famille et une jeune cousine, Adélaïde, 20 ans. Nous sommes arrivés par la ligne 6 à Kleber vers 14h30 et espérions rejoindre le haut de l’avenue de la Grande Armée. On nous y fait accéder en passant par l’avenue Victor Hugo et la rue Paul Valéry. En arrivant avenue Foch on nous dirige vers le haut de l’avenue. Il y a encore très peu de monde si bien que nous nous postons avec mon frère et ma cousine à l’angle de la rue de Presbourg et de l’avenue Foch. L’ambiance est paisible et conviviale. Le dispositif des forces de l’ordre un peu impressionnant et paraît même ridiculement disproportionné pour ce qui est sensé n’être qu’une voie parallèle à la manifestation : il y a derrière une double rangée de barrières 6 ou 7 camionettes bleues et une trentaine de « policiers » (je le mets entre guillemets car je n’y connais rien et qu’à côté de nous un père de famille visiblement militaire a précisé à ses enfants qu’il s’agissait de gendarmes.)

Un espace de sécurité de 3-4 mètres au moins est préservé par les volontaires « sécurité » de la Manif pour tous entre la foule qui commence à arriver et les barrières. La rue de Presbourg est barrée. Avec 5 ou 6 policiers dans l’espace.
Par la rue on aperçoit la foule massée avenue de la Grande Armée et l’ambiance a l’air plutôt sympa, mais nous n’en entendons que le brouhaha car la sono ne porte pas du tout dans notre direction.

Les bénévoles sont assaillis de questions : Pourquoi sommes-nous parqués là ? Pourrons-nous rejoindre l’avenue de la Grande Armée ? Serons-nous comptés ? – Ils n’ont pas vraiment de réponse. « Tout ce qu’on peut vous dire c’est que l’avenue de la Grande armée est pleine, il y a du monde partout jusqu’à la Défense »
Les flics aussi mais avec un ton plus amer, la question du comptage revenant sans cesse. Ils nous expliquent qu’ils maintiennent la rue de Presbourg fermée pour évacuer les élus si besoin.

La foule devenant plus nombreuse on la sent aussi un peu plus agacée. C’est vrai que c’est frustrant d’être « à côté », sans voir ni entendre ce qui se passe. On alterne les slogans entre « François ta loi on n’en veut pas » et la Marseillaise.
Vers 15h, un monsieur âgé se précipite brutalement sur la barrière de la rue de Presbourg pour la pousser, une femme et deux ou trois personnes en profitent pour essayer de passer. Les flics maîtrisent aussitôt le monsieur et les bénévoles comme les manifestants essaient de le calmer ainsi que la femme qui hurle qu’elle a été frappée et que c’est un scandale de lever la main contre une femme. Elle est un peu hystérique mais mon frère me dit qu’elle a reçu un bon coup de matraque sur la main et qu’elle doit avoir vraiment mal.

Franchement, je comprends que les forces de l’ordre doivent faire respecter les barrages, mais les manifestants étant plutôt pacifiques je ne suis pas certaine que la matraque était indispensable d'autant qu'ils étaient plus nombreux que ceux qui ont tenté de franchir les barrières.
Il y a de plus en plus de monde, on aperçoit le cortège qui arrive de la porte Dauphine et les volontaires ont rapidement laissé tomber l’espace de sécurité qu’ils n’arrivaient plus à maintenir.

Je remarque une bande de 6-8 jeunes un peu « rasés » qui se faufile en direction des barrières. Un homme seul, coiffé d’un chapeau, lance des slogans où il est question de renverser la dictature, de prendre les Champs, de révolution… Je le fais remarquer à mon frère et ma cousine car j’ai l’impression qu’il est là pour énerver la foule et que ça me met mal à l’aise. J’entends parler de lacrymo et on voit des gens le nez dans leur écharpe qui s’agitent dans tous les sens. D’autres ont les yeux rouges et gonflés dont un jeune volontaire « sécurité ». Je n’arrive pas à savoir ce qui s’est passé et d’où les gaz ont été lâchés mais crois comprendre que certains ont franchi les barrières pour aller place de l’Etoile. Je soupçonne les rasés d’avoir lancé le mouvement. Nous croisons des amis qui disent avoir vu des gens du GUD et nous décidons de nous éloigner des barrières.

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Sur le moment je m’imagine que les personnes blessées par les gazs lacrymogène sont ceux qui ont voulu franchir les barrières et les quelques personnes aux abords immédiats. Mais 5 minutes après (vers 15h20) j’entends des cris et voit à 15 ou 20 m de moi environ, à la hauteur des barrières, un nuage de fumée. Je n’ai pas le temps de monter mon écharpe que les yeux me brûlent atrocement. Tenant ma cousine par la main nous reculons en tâtonnant. Je suis d’autant plus surprise que je n’ai pas perçu de poussée de foule ou quoi que ce soit sinon un mouvement de recul plutôt. Nous ne sommes pas une foule menaçante, il n’y a pas de casseurs ni de volonté de casser. La volonté de quelques uns d’aller place de l’Etoile me paraît « contenable » autrement que par des gaz lacrymogènes.

Avec nos amis nous entreprenons de prévenir les familles avec enfants qui arrivent et les invitons à rester en retrait. On sent que la tension monte car en plus de l’incompréhension d’être parqués avenue Foch il y a désormais la colère des familles qui ont été « gazés » et se sentent agressés injustement. A plusieurs reprises (au moins deux fois) j’assiste à un mouvement de recul provoqué par les gaz. Autour de moi j’entends plusieurs femmes impressionnées qui décident de rentrer chez elles.

Nous réalisons que la rue de Presbourg est maintenant ouverte et nous faufilons dans la foule. Là l’ambiance est beaucoup plus paisible, chacun s’efforçant d’écouter ce qui se dit sur le podium. (On entend mal, mais un peu quand même).

Plus tard, entraînée par des amies volontaires, j’arrive à rejoindre l’avenue de la Grande Armée. Le contraste est saisissant , l’atmosphère beaucoup plus sereine.
Mon témoignage ne servira peut-être à rien mais aura au moins un effet bénéfique pour moi. J'avoue avoir été un peu secouée par les évènements d'hier. Même si je ne vais pas manifester dans le but de passer un bon moment, je suis plutôt pacifiste et ne m'attendait pas à être traitée comme une forcenée.

Merci pour ta présence sur le web en tout cas."

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