dimanche, 16 janvier 2011
Le Cardinal Ratzinger, Assise et Saint François
C'est Jean-Paul II, peu avant son départ pour Assise en Janvier 2002, qui voulut avoir à côté de lui, le cardinal Ratzinger. Lequel participa et écrivit à son retour une profonde méditation sur la signification du geste et de l'expérience vécue.
source: Benoît et Moi
La splendeur de la paix de François
"De cet homme, de François, qui a pleinement répondu à l'appel du Christ crucifié, émane encore la splendeur d'une paix qui a convaincu le sultan et qui peut vraiment abattre les murs."
Un article pour 30 Giorni par le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi
Cardinal Joseph Ratzinger
Janvier 2002
Le jeudi 24 Janvier, quand, sous un ciel lourd de pluie, le train qui devait amener à Assise les représentants d'un grand nombre d'églises chrétiennes et communautés ecclésiales ainsi que des représentants de nombreuses religions du monde pour témoigner et prier pour la paix, s'est mis en route, ce train m'a paru comme un symbole de notre pèlerinage dans l'histoire. Ne sommes-nous pas, en effet, tous passagers sur le même train? Le fait que le train ait choisi comme destination la paix et la justice, la réconciliation des peuples et des religions, n'est-il pas une grande ambition et, en même temps, un splendide signe d'espérance?
Partout, en traversant les gares, une foule nombreuse était accourue pour saluer les pèlerins de la paix. Dans les rues d'Assise et dans la grande tente, lieu du témoignage commun, nous avons de nouveau été entourés par l'enthousiasme et la joie pleine de gratitude, en particulier d'un groupe important de jeunes. Le salut des gens s'adressait principalement au vieil homme vêtu de blanc qui était dans le train. Hommes et femmes qui trop souvent dans la vie quotidienne s'affrontent l'un l'autre avec hostilité et semblent séparés par des barrières insurmontables, saluaient le pape, qui, par la force de sa personnalité, la profondeur de sa foi, la passion qui en dérive pour la paix et la réconciliation, a comme "tiré" l'impossible, par le charisme de son office: réunir dans un pèlerinage pour la paix des représentants de la chrétienté divisée et des représentants de diverses religions. Mais les applaudissements, adressés d'abord au pape, exprimaient aussi un consensus spontané de tous ceux qui comme lui cherchent la paix et la justice, et c'était un signe du désir profond de paix éprouvé par les individus devant les dévastation qui nous entourent, causées par la haine et la violence.
Même si parfois la haine peut sembler invincible et se multiplie sans trêve dans la spirale de la violence, ici, pendant un moment, on a pu percevoir la présence de la force de Dieu, de la force de la paix. Il m'est venu à l'esprit les paroles du psaume: "Avec mon Dieu, je peux escalader les murs" ( Ps. 18, 30). Dieu ne nous dresse jamais les uns contre les autres, mais au contraire Lui qui est Un, qui est le Père de tous, il nous a aidés, au moins pour un moment, à escalader les murs qui nous séparent, nous faisant reconnaître qu'il est la paix et que nous ne pouvons être près de Dieu, si nous sommes loin de la paix.
Dans son discours, le Pape a cité une autre pierre angulaire de la Bible, les paroles de l'Épître aux Éphésiens: « Le Christ est notre paix. Il a fait des deux un seul peuple, détruisant le mur qui les séparait, l'inimitié »( Ep 2, 14). Paix et justice sont les noms du Christ dans le Nouveau Testament (pour "le Christ, notre justice", voir par exemple 1 Co 1, 30). En tant que chrétiens nous ne devons pas cacher cette conviction: de la part du Pape et du Patriarche œcuménique, la confession du Christ notre paix, a été claire et solennelle. Mais précisément pour cette raison, il y a quelque chose qui nous unit par-delà les frontières: le pèlerinage pour la paix et de justice. Les paroles que le chrétien doit dire à celui qui se met en chemin vers ces objectifs sont les mêmes utilisées par le Seigneur en réponse au scribe qui avait reconnu dans le double commandement qui nous appelle à l'amour de Dieu et du prochain la synthèse du message de l'Ancien Testament: «Tu n'es pas loin du royaume de Dieu »( Mc 12, 34).
Pour une juste compréhension de l'événement d'Assise, il est important de considérer qu'il ne s'est pas agi d'une auto-représentation de religions qui seraient interchangeables entre elles. Il ne s'agissait d'affirmer une égalité des religions, qui n'existe pas. Assise a été plutôt l'expression d'un chemin, d'une recherche, du pèlerinage pour la paix qui ne l'est que si elle est unie à la justice. En fait, là où manque la justice, où les individus sont privés de leurs droits, l'absence de guerre peut être seulement un voile derrière lequel se cachent l'injustice et l'oppression.
Avec leur témoignage en faveur de la paix, avec leur engagement pour la paix dans la justice, les représentants des religions ont entrepris dans la limite de leurs possibilités, un voyage qui doit être pour tous un chemin de purification.
Cela vaut également pour nous chrétiens. Nous n'atteignons le Christ que si nous sommes vraiment arrivés à sa paix et à sa justice. Assise, la ville de Saint-François, peut-être le meilleur interprète de cette pensée. Même avant sa conversion, François était un chrétien, tout comme ses compatriotes. Et l'armée victorieuse de Pérouse, qui le jeta en prison était composée de chrétiens. C'est alors seulement, battu, emprisonné, souffrant, qu'il commença à penser au christianisme de façon nouvelle. Et c'est seulement après cette expérience, qu'il a pu entendre et comprendre la voix du Crucifié qui lui parlait dans la petite église en ruines de San Damiano laquelle, pour cette raison, est devenue l'image même de l'Eglise de son temps, profondément détériorée et en décomposition. Seulement alors, il vit combien la nudité du Crucifié, sa pauvreté et son humiliation extrême, contrastaient avec le luxe et la violence qui auparavant lui avaient paru normaux. Et c'est seulement alors qu'il connut vraiment le Christ et qu'il comprit aussi que les croisades ne sont pas la bonne façon de défendre les droits des chrétiens en Terre Sainte, mais qu'il fallait prendre à la lettre le message d'imitation du Crucifié.
De cet homme, de François, qui a pleinement répondu à l'appel du Christ crucifié, émane encore la splendeur d'une paix qui a convaincu le sultan et qui peut vraiment abattre les murs. Si nous, chrétiens, nous entreprenons le chemin de la paix en suivant l'exemple de saint François, nous ne devons pas craindre de perdre notre identité: c'est justement alors que nous la trouvons. Et si d'autres nous rejoignent dans la recherche de la paix et de la justice, ni eux ni nous n'avons à craindre que la vérité puisse être piétinée par de belles phrases. Non, si nous nous dirigeons sérieusement vers la paix, alors nous sommes sur le juste chemin, parce que nous sommes sur le chemin du Dieu de la paix ( Rom 15, 32) dont le visage s'est rendu visible pour nous chrétiens par la foi dans le Christ.
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Commentaires
Bonjour,
Entre ce que veulent les intellectuels et ce que voit et comprende le bon peuple de Dieu, il y a parfois un fossé et je dirais même un abysse.
Ils ont beau expliquer (nos théologiens) en long et en large que Assise c´est ceci et pas cela. Ce que voit le bon peuple de Dieu est de loin ce que nos théologiens du Vatican, Sa Sainteté Benoît XVI icompris, tentent d´expliquer par tous moyens et à tout instant depuis quelques jours.
L´image d´Assise parlent plus que tous leurs explications mais elle ne dit pas la même chose d´où la grande confusion dans le peuple de Dieu qui ne regarde que les images (TV, journaux) et ne lient pas du tout leurs discours explicatifs.
Bien à vous !
Albert
Écrit par : Albert | mardi, 18 janvier 2011
Oui, vous avez raison, une image vaut mieux que de longs discours. Pour moi, lorsque je vois la photo d'Assise, cela évoque que la vérité est ouverte, qu'un catholique a le coeur grand ouvert, qu'il peut prier pour la paix. Certes, on peut voir la choses autrement. Je pense sincèrement qu' Assise III sera une grande opportunité pour donner à voir encore un fois, et en image surtout, qui est Benoît XVI, et qu'elles sont les fruits du Concile Vatican II. Saint François est aussi un homme de paix et un modèle pour parler aux musulmans. L'histoire nous donne rendez-vous à Assise.
Écrit par : Dominique | mardi, 18 janvier 2011
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