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mercredi, 13 octobre 2010

Synode du Moyen-Orient: intervention chaleureuse d'un suisse


« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants  

avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32)  

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Intervention de S. Exc. Mgr Pierre Bürcher, 

évêque de Reykjavik et 

représentant de la Conférence des Evêques 

des Pays Nordiques  (NBK)


12 octobre 2010 

 

Pourquoi un évêque du Grand Nord, de plus un petit Suisse d’origine, est-il membre du Synode sur le Proche-Orient? La Conférence des Evêques des Pays Nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) que j'ai l'honneur et la joie de représenter dans cette Assemblée spéciale s'associe de tout cœur aux vœux exprimés par Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, le 25 juin dernier: “Nous souhaitons tous à la Terre sainte, à l’Irak et au Moyen-Orient le don d’une paix stable et d’une convivialité solide“ qui “naissent du respect des droits de la personne, des familles, des communautés et des peuples, et du dépassement de toute discrimination religieuse, culturelle ou sociale“.

images.jpgQue de différences entre le Nord et l’Orient! Pour ne citer qu'elle, la température n'est pas tout à fait la même à Jérusalem et à Reykjavik! Je suis l'évêque du pays du terrible volcan Eyjafjallajoküll qui vous a tant dérangé... Pardon! Mais l'Esprit Saint et l'Eglise sont les mêmes et font que la Communauté des croyants est appelée à être, au Nord comme en Orient, "un seul cœur et une seule âme". Dans la Cathédrale de Reykjavik où se trouve le siège épiscopal diocésain le plus nordique du monde a été opéré récemment un changement. Pour diverses raisons, le siège épiscopal qui était orienté vers l'Ouest a été maintenant orienté vers l'Est. Permettez-moi d'y voir une parabole: la Communauté des croyants n'est-elle pas appelée, notamment par le présent Synode, à ne pas être marquée trop exclusivement dans ses institutions et sa pastorale par les coutumes et la tradition occidentales? Ne gagnerait-elle pas, en effet, à respirer toujours davantage avec ses deux poumons? Elle trouverait certainement ainsi un Souffle nouveau, le vrai, celui de l'Esprit Saint. Et cela pourrait certainement contribuer à éviter un potentiel conflit des religions et des civilisations occidentales et orientales.

"L'annonce de la convocation de l'Assemblée Spéciale du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient a été accueillie avec faveur dans toute l'Église" (N.1 Instrumentum laboris 2010), y compris dans nos Pays nordiques. Dans le Nord de la terre, nous sommes nous aussi, en communion avec les Evêques du Moyen-Orient dans leurs territoires respectifs, serviteurs de l'Évangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde (Cf. Synode des Evêques,  Xème  Assemblée  Générale 2001). 

Plusieurs milliers de chrétiens orientaux vivent actuellement dans nos cinq pays du Nord. Leur situation se présente aujourd'hui de la manière suivante: 

Danemark: un groupe important de Chaldéens constitué en une Mission avec un prêtre responsable.

Finlande: des groupes provenant de l'Irak, du Liban et de la Palestine; une entraide se réalise entre les chrétiens. 

Islande: pas de chrétiens orientaux, un nombre infime de juifs et de musulmans, mais une petite communauté d'orthodoxes russes.

Norvège: quelques centaines de chrétiens venant de l'Iran et de l'Irak, de rites différents. Une pastorale orientale est assurée à l'occasion des grandes Fêtes. 

Suède: prioritairement des chrétiens orientaux provenant de l'Irak et de Terre Sainte.

L'émigration des chrétiens provenant des Pays orientaux a donc aussi touché le Nord de la terre. Une des raisons en est sans doute le développement économique galopant de ces cinq pays nordiques. Depuis sa crise d'il y a deux ans, il faut cependant en soustraire maintenant l'Islande. Les cinq Pays de notre Conférence épiscopale sont caractérisés par un pourcentage de catholiques de seulement 2 à 3 % de la population totale, la grande majorité étant luthérienne. Cela correspond, dans plusieurs pays orientaux, au pourcentage des chrétiens par rapport aux musulmans. La situation pastorale dans nos pays du Nord est donc celle d'une diaspora. De plus, elle est très diversifiée et réalise des expériences positives avec des prêtres et des religieux provenant des Pays orientaux.  Dans bien des endroits, les églises catholiques sont prêtées aussi bien aux chrétiens catholiques qu'aux non-catholiques pour leur Divine Liturgie. C'est le signe d'un œcuménisme pratique! Mais elle expérimente aussi des situations difficiles: p.ex. sont arrivés dans nos Pays Nordiques des prêtres sans autorisation de leur évêque oriental. Au sud de Stockholm notamment il y a beaucoup de syrien-orthodoxes: pour cette Eglise catholique de diaspora il n'est souvent pas facile d'accueillir oecuméniquement ces grands groupes. 

Les évêques de la NBK sont conscients avec leurs frères et sœurs au Moyen-Orient qu'en plus de la difficile situation politique et la confrontation avec des extrémismes musulmans, un problème difficile réside en particulier dans l'émigration des chrétiens. Ce problème sera résolu seulement  avec la solution définitive du conflit israélo-palestinien. Le moment urgent de la réconciliation et de la paix est maintenant venu! Les chrétiens du Moyen-Orient, au lieu de fuir de la région, sont particulièrement indispensables dans ce processus vital de justice et de paix. En effet, ils ont eux hérité le mandat chrétien du pardon. Il n'en va donc pas  seulement de leur bon accueil à l'étranger mais bien plus de leur présence au Moyen-Orient comme sauvegarde d'une culture historique vitale pour le monde entier. La paix est la vocation urgente de la Terre Sainte! La justice pour les trois religions monothéistes est que Jérusalem soit une ville ouverte pour tous!

Dans le même sens, il est vital de redonner à tous les habitants de Gaza un statut respectant pleinement les droits humains. Le conflit du Moyen-Orient expose au monde entier les blessures passées et présentes ainsi que le sentiment fort en chacun de vouloir se protéger face à l'autre.  En vue d'une conversion profonde de tous les cœurs, les chrétiens ont besoin de leurs coreligionnaires et sont donc dépendants d'un œcuménisme indispensable mais ils ont besoin en même temps d'un renforcement de la coexistence avec les autres religions notamment le judaïsme et l'islam. 

Au cœur de conflits régionaux et de restrictions à la liberté de conscience, il est certes très difficile de vivre sa foi: cela demande un courage singulier aux chrétiens des pays du Moyen-Orient. Dans ces difficultés si diverses résultant de mentalités souvent opposées, nous voyons un seul remède: la conversion des coeurs qui engendrera la fraternité universelle basée sur la justice pour tous, car nous croyons avec tous nos frères dans l'épiscopat en Terre Sainte que le "Christ est notre Paix" (Eph 3,14). L'Europe en particulier, loin de renoncer à ses racines chrétiennes, doit mettre tout en œuvre pour collaborer activement et sans retard avec les pays du Moyen-Orient à ce processus vital de réconciliation et de justice. Dans cet esprit et en signe concret de solidarité avec le Proche Orient, notre Conférence des Evêques des Pays Nordiques tiendra, en février 2011, sa prochaine Assemblée en Terre Sainte et y accomplira son Pèlerinage.

Comme le disent les Lineamenta, Il en va aujourd'hui au Moyen-Orient de la nécessité vitale de communion et de témoignage. Merci d'avoir écouté ainsi une voix venant du Grand Nord! Et j'espère n'avoir pas jeté un froid dans cette noble Assemblée mais plutôt la chaleur de la fraternité de tous ceux qui veulent être, au Nord comme en Orient, avec beaucoup d'espérance, "un seul cœur  et une seule âme".

+ Pierre Bürcher, évêque de Reykjavik et représentant de la Conférence épiscopale des Pays Nordiques.

Vatican, le 11 octobre 2010

 

Note: la mention du volcan a permis à toute l'assemblée synodale, de se détendre par des sourires et des rires...

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