dimanche, 13 juin 2010
Meurtre de Mgr Padovese par "lui-même"
Des versions aussi contradictoires qu' idéologiques s'affrontent sur les circonstances de la mort de Mgr Padovese.
Quelques certitudes pour communiquer la simple vérité qui rend toujours libre:
- AsiaNews, l'agence qui a publié les paroles de l'assassin "J'ai tué le grand Satan! Allah Akbar" (Allah est plus grand) est une agence sérieuse, hors de toute lecture politique ou idéologique.
- un Cardinal de haut rang n'a pas caché son embarras face à ce meurtre.
- Saint François d'Assise est bien le saint qui peut inspirer les chrétiens face à l'islamisme.
- le vaticaniste John Allen avait interviewé le prélat martyr en 2006.
Le site "Benoît et Moi" offre une traduction
Mgr Padovese
Au fil des ans, j'ai eu la chance de rencontrer Padovese et de m'entretenir avec lui à plusieurs reprises. (Le fait qu'il était un capucin, et que j'ai grandi dans des écoles et des paroisses tenues par des Capucins, implique que nous avions effectivement quelques connaissances communes.) J'ai toujours trouvé qu'il était l'expression parfaite de l'éthos des Capucins: très simple, avec un sens très vif de l'humour, honnête et réaliste, et s'intéressant principalement aux gens ordinaires.
En Février 2006, j'ai rencontré Padovese à Rome après l'assassinat de Santoro. Comme c'est le cas aujourd'hui avec la mort de Padovese lui-même, les rapports initiaux sur les raisons pour lesquelles Oguzhan Akdin, 16 ans, avait pris Santoro pour cible, étaient confuses. Certains suggéraient l'instabilité émotionnelle (Akdin avait apparemment été voir un psychiatre), et d'autres soulignaient le fait que Akdin avait reçu de l'argent de la paroisse de Santoro, ce qui impliquait que peut-être la mort était dûe à un chantage (rackett?) qui avait mal tourné.
Finalement, Akdin lia explicitement son acte à la controverse des caricatures danoises, et sa mèrequalifia même le meurtre par son fils d'un prêtre catholique comme "un don à l'Etat et la nation". Padovese et moi l'ignorions, toutefois, au moment où nous avons parlé - rendant terriblement prémonitoire son insistance à ce que la propagande anti-chrétienne ne puisse être écartée comme motif
Voici ce que j'avais publié à l'époque sur ma conversation avec Padovese.
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10 Février, 2006
Le meurtre d'un prêtre donne un aperçu des relations entre chrétiens et musulmans
J'ai eu l'occasion, mercredi, de parler avec Mgr Luigi Padovese, un capucin de Milan de 58 ans, qui est vicaire apostolique en Anatolie, et qui était le supérieur de Santoro. Padovese a été à Rome pour accompagner le corps Santoro, et s'apprêtait à retourner en Turquie après la messe de funérailles vendredi matin.
En écoutant Padovese, ce qui donne le plus de frissons dans cette histoire est peut-être le peu d'indication qu'on avait que ce jeune homme nourrissait une haine assez forte pour tuer. Le jeune de 16 ans, selon Padovese, n'avait pas été élevé dans les milieux liés à des groupes radicaux connus ou au mouvement djihadiste, bien que son frère ait déclaré à la presse turque que le jeune homme avait été influencé par un groupe islamiste qu'il avait rencontré sur internet. Son père n'était pas un imam ou un politicien intégriste, mais un dentiste local. C'est le pistolet de son père que l'adolescent a utilisé pour tirer sur Santoro, et le père a dit que son fils était en cours de soins psychiatriques.
J'ai demandé à Padovese ce qu'il croyait être le motif réel de l'assassinat de Santoro. Il a dit qu'il ne savait pas quel démon avait poussé jeune homme, mais que l'écarter, comme un acte isolé, était une erreur. La montée du fondamentalisme islamique et les préjugés anti-chrétiens, dit Padovese, ont façonné le contexte dans lequel l'adolescent a agi.
"C'est le climat anti-chrétien qui a été produit en Turquie", dit Padovese. "Il y a un fort courant d'extrémisme religieux, et un tel climat peut alimenter ce genre de haine. Il est transmis dans les familles, dans les écoles, dans les journaux".
Padovese dit que chaque semaine la conférence des évêques turcs prépare un bulletin énumérant les "commentaires dénigrants" ou les "lieux-communs" sur le christianisme, qui sont parus dans la presse turque.
"Il y a une fausse image de notre présence, qui n'est généralement pas contestée, dit-il.
Comme exemple de ce que Padovese a à l'esprit, l'agence de nouvelles catholique "Asia News" a récemment cité un essai d'un universitaire occidental qui, l'été dernier, faisait des recherches dans une petite ville côtière de la mer Noire, près de Trabzon. Durant cette période, il a vu un article de journal intitulé "Un prêtre aperçu". Il rapportait que les enfants de l'endroit avait vu un prêtre dans les environs de la ville, mais l'avait chassé, sous les applaudissements de ses habitants.
L'article cite un homme politique local: "Les prêtres qui arrivent dans notre région veulent rétablir l'État chrétien grec-orthodoxe qui a été ici avant. Il y a des espions parmi ces prêtres, travaillant pour l'Occident. Ils tentent de détruire notre paix".
C'est le genre de mauvaise interprétation dont Padovese pense qu'elle pourrait avoir façonné le contexte dans lequel un adolescent turc émotionnellement influençable, a choisi de prendre pour cible un missionnaire catholique.
Padovese souligne qu'il "aime le peuple turc", dont la plupart "sont de bonnes personnes qui veulent le dialogue". Dans le même temps, a-t-il dit, "il existe des zones de la Turquie qui sont complètement islamisés, où il est dangereux d'être un chrétien".
Padovese relie la mort Santoro à l'ensemble des luttes de la petite population chrétienne de Turquie, un pays souvent salué comme un modèle d'Islam modérés, occidentalisé, et actuellement candidat à l'adhésion dans l'Union européenne.
"Il y avait plusieurs millions de chrétiens en Turquie lors de la chute de l'Empire ottoman", dit-il. "Comment est-il possible que, dans l'espace de seulement 70 ou 80 ans, nous ne sommes plus que 60.000 ou 70.000? La vérité est que des centaines de milliers de chrétiens se sont convertis à l'Islam, en prenant les noms islamique qui masquent leur identité, par crainte de persécution" , dit-il.
«La présence chrétienne est toujours là, je sais qu'elle est là", dit Padovese. "Beaucoup de ces gens savent qu'ils sont chrétiens, ou qu'ils proviennent de familles chrétiennes, mais ne peuvent pas le dire."
Cette crainte, dit Padovese, est la chaîne et la trame de la vie chrétienne dans le Moyen-Orient tout entier.
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Notes
Je lis aujourd'hui sur Il Foglio que des intellectuels italiens accusent les catholiques d'être "sourds au martyre". Parmi eux, la voix respectée de Massimo Introvigne, qui dit en réalité, avec beaucoup de modération:
"L'Eglise ne veut pas interrompre le dialogue avec le gouvernement turc d'Erdogan, sur lequel elle a un jugement nettement moins négatif que ce qu'on lit dans une certaine presse occidentale (ndt: elle le considère sans doute comme un moindre mal). C'était la ligne du voyage du Pape en Turquie. Ces assassins ne sont pas des déséquilibrés, il existe au contraire un fondamentalisme d'enviromment, comme on le dit en Italie, pour la mafia, un islamisme violent que le gouvernement Erdogan tolère ou flatte. Le destin des chrétiens est terrifiant, dans cette situation. Mais le Saint-Siège a choisi d'obtenir un peu de sécurité en plus pour les siens, à travers la ligne du dialogue qu'elle entend poursuivre".
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