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samedi, 10 avril 2010

Le Cardinal 23 et Benoît 16

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Extraits

- Quels sont vos liens avec Benoît XVI?


- Nous nous connaissons, mais nous ne sommes pas intimes. Je l'ai rencontré plusieurs fois en tête à tête avant qu'il soit élu et après. C'est très agréable de parler avec lui. Il est très cultivé, courtois, délicat.

- Vous sentez-vous proche de lui?


- Je n'ai ni la qualification universitaire, ni l'envergure intellectuelle de Joseph Ratzinger. De ce point de vue, nous ne sommes pas dans la même catégorie. J'ai d'autant plus d'admiration pour lui.

- Est-il difficile de le rencontrer?


- Benoît XVI n'est pas inaccessible mais il a un régime d'audiences relativement économique. À quatre-vingt-deux ans, il ne peut pas recevoir pendant dix heures par jour. Ses audiences sont réduites au minimum, j'allais dire à l'inévitable. Il donne la priorité aux évéques en visite ad limina, c'est-à-dire la visite quinquennale que font tous les évêques du monde. Chacun est requ individuellement. Le pape converse longuement avec eux. Il recoit les chefs d'État parce qu'il ne peut faire autrement [note de moi: peut-on vraiment dire cela? Benoît XVI s'est réjoui plusieurs fois que le bureau du Pape soit un carrefour du monde intellectuel et politique]. Il reçoit ses collaborateurs. Si j'ai un sujet grave à lui soumettre, je peux demander une audience, mais je ne peux pas savoir avec certitude s'il me recevra dans les quinze jours.

- Qu'est-ce qui distingue Benoît XVI de Jean-Paul II ?


- Benoît XVI est un théologien et un professeur avant toute chose. Jean-Paul Il aussi était un universitaire, un théologien, un philosophe, un enseignant, un intellectuel, mais sa personnalité était différente. Joseph Ratzinger est vraiment le produit de l'université allemande dans toute sa splendeur.


Ce sont deux personnalités complètement différentes par leur origine, leur histoire, leur culture, leur itinéraire personnel. Chacune, dans son registre, est exceptionnelle. Aussi bien Karol Wojtyla en Pologne que Joseph Ratzinger comme théologien en Allemagne avaient une surface personnelle considérable avant de partir pour Rome.


Benoît XVI a consacré la plus grande partie de sa vie à l'enseignement et à la recherche. Lorsqu'il a assumé la responsabilité de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui est aussi un domaine de recherche, de production intellectuelle, cela ne constituait pas un changement de rôle ni de registre. Il restait au coeur des questionnements intellectuels de l'Église.


Et il continue à travailler, à réfléchir, en publiant des livres. C'est une caractéristique incontournable de Benoît XVI. On s'égare si on le regarde autrement que comme un professeur [avec tout le respect dû au cardinal, je crois que Benoît est devenu avant tout un pasteur, et il ne cesse de le prouver]. C'est un pédagogue, un chercheur, placé dans la situation d'étre le pasteur universel. Mais ses qualités pédagogiques et son rapport aux autres lui permettent de s'adresser à des publics très différents.


Comme nous tous, il fait avec ce qu'il est, avec son histoire et son tempérament. À nous de comprendre aussi que l'on ne peut pas lui demander d'étre quelqu'un d'autre. C'est une chance pour l'Église de pouvoir faire alterner à sa tête des personnalités aussi riches et aussi différentes. Chacune apporte une nouvelle approche, une nouvelle manière de comprendre et d'agir. Son successeur sera encore différent.

- Benoît XVI semble toutefois moins doué que Jean-Paul II pour la communication.


- Ce pape n'a pas un charisme d'acteur. Il ne fait pas l'acteur, grâce à Dieu. Mais tout en n'étant pas acteur, au sens théâtral du terme, il a un contact réel avec la foule, un contact d'intériorité, de disponibilité intérieure que les gens ressentent.
C'est un homme du contact personnel, complètement disponible et accessible à la discussion, au dialogue, tout à fait courtois, respectueux, très agréable à fréquenter. Il est peu expansif et sa maniere de s'exprimer n'est jamais irréfléchie.


Lorsque nous avons préparé son voyage en France, je lui ai remis des notes pour lui présenter les situations dans lesquelles il allait se trouver. Il les a parcourues avec moi et puis je n' ai plus entendu parler de rien, pendant trois ou quatre mois. Silence radio.
Quand il est arrivé, j'ai compris qu'il avait intégré mes notes sans me redemander de précision. Nous devons accepter cette manière de fonctionner. Il intègre des rapports, il les digère, il les fait siens et puis après il est lui-même. Il a une intériorité, une profondeur d'expression, une finesse de sensibilité qui sont vraiment singulières. En artiste, il sent les choses et trouve la manière de les dire.


J'ai un souvenir particulier: à peine nommé archevéque de Paris, je suis allé aux obsèques de Jean-Paul II à Rome. Après la messe des obsèques que présidait le cardinal Ratzinger, en rentrant au séminaire français, où je logeais, je me suis dit, comme en riant: « Quel dommage qu'il ait son âge, il ferait un si bon pape. »

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