jeudi, 01 octobre 2009
La crise post-conciliaire ne provient pas de 68
L'interprétation du Concile Vatican II est au coeur du pontificat de Benoît XVI. Son discours à la curie romaine du 22 décembre 2005 est une des clefs de voûte pour comprendre ce brillant pontificat. Benoît XVI est l'un des derniers témoins vivants de ce grand moment providentiel du XXème siècle. Il forme la génération qui accueillera et appliquera le Concile comme le Saint Esprit l'a voulu et désiré.
Les prochaines rencontres entre la Fraternité Saint Pie X et le Saint-Siège aborderont certains thèmes récurents dans la contestation de l'héritage conciliaire.
1. Le premier touche à la nature du Concile: est-il doctrinal ou pastoral ? Comment peut-on parler de Concile seulement pastoral, alors qu'il poursuit l'oeuvre du Concile Vatican I en explicitant notamment la mission des évêques ?
2. En second lieu, nous entendons souvent que mai 68 a paralysé les fruits du Concile. Oui et non. Oui, car cette révolution n'était pas prévu par Paul VI, et non, car une lecture attentive de l'histoire des agitations conciliaires permet de trouver l'origine de la contestation à l'intérieure même de l'Eglise.
3. Enfin, selon Andrea Tornielli*, la "semaine noire" du Concile verra l'apparition de deux clans. Les thèmes abordés seront: la fameuse "Nota Praevia" du Pape Montini au sujet de la compréhension de la collégialité, l'oecuménisme et la Bible, et Marie comme Mère de l'Eglise. Des personnalités comme Marcel Lefebvre, Karl Rahner, Jean Guitton, Mgr Suenens et le Cardinal Wyszinski se révéleront.
a. La "Nota Praevia", bien que préliminaire, viendra se situer à la fin de la Consitution dogmatique sur l'Eglise "Lumen Gentium". Elle sera écrite par Paul VI, et ne sera pas votée en Aula Conciliaire. La volonté de Paul VI est claire: il veut que la plus grande majorité des Pères approuve le texte. C'est le timonier du Concile, le Pasteur, un fin connaisseur des agitations des esprits humains, un grand et fin diplomate. Le Concile n'est pas un parlement, les Pères approuvent les textes avec le Pape. Paul VI entend éviter une mauvaise compréhension de la collégialité pour le futur. Cette dernière s'entend toujours avec et sous l' autorité de Pierre (cum et sub Petro), et non pas comme un groupe d'égaux ("primus inter pares", comme le président du Conseil Fédéral suisse).
Le Cardinal Siri s'est réjouit de voir, en l'intervention du Pape, l'Esprit Saint à l'oeuvre. "Dieu est avec l'Eglise !" s'exclamera-t-il.
Marcel Lefebvre et les milieux traditionnalistes, un petite minorité, dénoncèrent auparavant un risque de mauvaise compréhension de la "monarchie papale". Il est remarquable que le vaticaniste Giancarlo Zizola eut écrit: " le Concile doit parvenir à un consensus", une unanimité morale, afin qu'il n'y ait ni vaincus et vainqueurs". (à noter qu'Ecône rejettera ensuite l'autorité du Pape, paradoxe!)
Ces deux interprétations se retrouvent aujourd'hui dans l'Eglise. Or, c'est bien la pensée de l'Eglise catholique que nous devons chercher, et pas un affrontement entre penseurs.
b. La seconde confrontation viendra de la compréhension de l'oecuménisme et de l'interpératation de la Bible. Un petit exemple, parmi tant d'autres, des modifications que Paul VI annotera (il en fera 40) dans un texte: "les frères séparés trouvent Dieu dans la Sainte Ecriture" (texte voté) sera "modifié" par la demande express de Paul VI en: "les frères séparés cherchent Dieu dans la Sainte Ecriture". Paul VI voulu en fait éviter l'affirmation que dans chaque lecture, dans chaque cas, le lecteur trouve Dieu.
c. La semine noire ( novembre 1964 ) ne sera pas encore finie. La proclamation de Marie, Mère de l'Eglise fera couler beaucoup d'encre. Karl Rahner verra en cette déclaration voulue par Paul VI une source de vive inquétude qui fera un mal inimaginable à l'oecuménisme.
Stefan Wyscynski, primat de Pologne enverra au nom de son pays une note à Paul VI lui demandant de proclamer Marie comme Mère de l'Eglise. Jean Guitton, le philosophe français ami de Montini écrira: "le geste du Pape a sembé être celui d'un ami qui met mal à l'aise ses invités".
d. Enfin, Paul VI prendra des mesures pour limiter les prises de positions sur le célibat ecclésiastique et la contraception et sera accusé de vouloir faire taire le Concile.
A partir de là, deux groupes firent leur apparitions: les conservateurs qui s'opposeront aux autres et au groupe dit de la majorité, qui verra parfois en Paul VI l'évêque qui intervient trop dans les débats. La troisième session conciliaire se termine donc avec des polémiques et des désillusions. Dans les mois successifs, avant que les évêques retournent à Rome pour l'ultime période des travaux du Concile, commencent à émerger les premières lacérations et contestations. La crise post-conciliaire commence donc avant que le Concile ne s'achève et précède mai 1968.
cf: *Andrea Tornielli Paul VI L'audace d'un Pape, ed Mondadori. pp. 396-405
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Commentaires
Texte interressant mais deux corrections tout de même nécessaires: "Lumen Gentium" est une constitution dogmatique et non une constitution pastorale. En 1964, Marie n'a pas été proclamée Mère de Dieu mais Mère de l'Eglise (point c ). Marie comme Mère de Dieu date du Concile d'Ephèse (en 431).
Écrit par : Mike | vendredi, 02 octobre 2009
Effectivement. Un tout grand merci pour vos remarques constructives. J'ai corrigé. Avec mes chaleureuses salutations.
Écrit par : Dominique | vendredi, 02 octobre 2009
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