La réhabilitation mania

Un article du journal "La Stampa" affirme que Benoît XVI a réhabilité le paléontologue jésuite Theillard de Chardin, grand penseur et scientifique qui avait les faveurs de la cote dans les années 1950. Lors des Vêpres d'Aoste de vendredi soir dernier, le Pape a prêché sur la création pour fait "l'éloge de la grande vision de Theilard de Chardin selon laquelle à la fin nous aurons une vraie liturgie cosmique et le cosmos deviendra une hostie vivante".

"La fonction du sacerdoce est de consacrer le monde pour qu'il devienne hostie vivante, pour que le monde devienne liturgie : que la liturgie ne soit pas une chose à côté de la réalité du monde, mais que le monde lui-même devienne hostie vivante, devienne liturgie. C'est la grande vision qu'a ensuite eue Teilhard de Chardin lui aussi : à la fin, nous aurons une vraie liturgie universelle, où l'univers deviendra hostie vivante. Et nous prions le Seigneur pour qu'il nous aide à être des prêtres dans ce sens, pour aider à la transformation du monde, en adoration de Dieu, en commençant par nous-mêmes. Que notre vie parle de Dieu, que notre vie soit réellement liturgie, annonce de Dieu, porte par laquelle le Dieu lointain devient le Dieu proche, et réellement don de nous-mêmes à Dieu".

L'ex Saint-Office, sous la plume du Cardinal Ottaviani, avait condamné les écrits du paléontologue, invitant les jeunes universitaires à ne plus lire ces livres. Mais bien-sûr que certaines de ces intuitions et idées sont excellentes.

Pour forcer le trait, Ratzinger va-t-il réhabiliter Vassula, car le titre de son livre est "la vraie vie en Dieu", ou Calvin, car au fond, il parle des "Institutions Chrétiennes" ?

C'est évidemment une question fort complexe qui mérite une recherche historique plus minutieuse, patiente et attentive. Mais derrière cette hypothétique réhabilitation, se cache un reflexe intellectuel, présent parfois dans le monde de la communication, qui fonctionne souvent en mode binaire et qui engendre des clichés et des stéréotypes . Ces derniers sont une connaissance primaire des sujets abordés, rassurent notre esprit, mais laissent une marque et un caractère indélébiles sur la feuille brouillée où sont écrites nos pensées.

Pour faire court et simple: L'Eglise catholique aurait un lourd passé à se faire pardonner: inquisitions, bûchers, morts, intolérance, guerres, violences... Aussi, il faut opérer une rupture radicale. Le Concile Vatican II est une lumière qui vient enfin tout éclairer, après les ténèbres de de la Tradition (Post Tenebrax, Lux est aussi écrit sur le Mur de la Réformation de Genève). Ainsi, il faudrait en finir avec le Concile de Trente, le bienheureux Pie IX, Saint Pie X.. et une partie de la Tradition. L'Eglise serait la grande maladroite et le Pape Benoît XVI serait comme un nouveau Galilée qui doit abjurer et abdiquer devant la pensée tolérante et moderne, celle qui a opérée une révolution copernicienne par rapport à un passé noir et lugubre. Certains le pensent: Jean Paul II avait ouvert, Benoît XVI referme. Il y aurait en fait également deux Ratzinger: celui de la doctrine de la foi et celui qui est sur le siège de Pierre; celui d'avant le Concile Vatican II et celui d'après.

A cela s'ajoute l'idée du progrès: l'homme marche toujours inéxorablement vers un avenir meilleur: la dernière version de Windows sera la plus performante. Le positivisme d'Auguste Comte a laissé sa trace. Lorsque nous tombons sur le journal d'hier: "il n'y a rien de plus vieux que le journal d'hier". Nous avons ce reflexe lorsque nous affirmons: "il se passe encore cela au 21ème siècle, nous sommes plus au Moyen Age". Les catholiques doivent progresser, évoluer, passer à une autre version plus moderne, plus actuelle et enfin purifiée. L'heure de Vatican III a sonné.

Il faudrait faire sortir un par un les cadavres qui dorment dans les vieilles armoires des archives secrètes du Vatican: les sorcières brûlées, les juifs exécutés, Galilée, un peu de Luther, un zeste de Calvin.... L'histoire de l'Eglise serait une sorte de cimetière d'éléphants.

Le bienheureux Jean XXIII eu une magnifique inspiration pour initier Vatican II. Dire toujours la même chose mais autrement; mettre fin aux condamnations afin de faire confiance à la force de la lumière et de la vérité et donner le Christ aux hommes de ce temps. Jean Paul II a heureusement commencé le troisième millénaire en purifiant la mémoire, en demandant pardon pour les erreurs historique des chrétiens tout au long de l'histoire (les idées de Ratzinger en 2000 sont lumineuses). C'est bien l'Eglise qui a prié pour ses enfants pécheurs. Le cardinal genevois Charles Journet en avait la certitude: l'Eglise est sainte et sans péchés, mais non sans pécheurs. L'Eglise est comme la Vierge-Marie, elle médite la vie du Christ tout au long des 2000 ans d'histoire. Allons vers elle, elle saura nous nourrir. Les anciens avaient un dicton plein de sagesse: "Nous sommes juchés sur les épaules de géants", ou encore: "la Tradition, c'est l'intelligence des anciens". La demande de pardon du Jubilé de l'an 2000 de Jean Paul II a voulu faire jaillir la lumières de nations, la lumière de l'Eglise et de la vérité. Après les péchés des chrétiens, la repentance, le pardon, que la lumière de l'Eglise apparaisse. L'Eglise est sainte, mais non sans aucuns saints. Confesser les erreurs pour faire resplendir la foi, la vérité et démasquer les ombres pour donner plus de lumière, voilà l'humilité.

Aussi, réhabilitons et sortons des placards de la pensée... Saint Pie X par exemple, ou le Concile de Trente, ou les Père de l'Eglise... Le catéchisme dit de Saint Pie X est un vrai petit joyaux. Certes, la façon de s'exprimer n'est plus celle d'aujourd'hui, mais la substance est éclairante. Lisons-le et méditons-le à la lumière du récent Compendium, en toute continuité et sans ruptures. Le Credo du grand Pape Paul VI, pape hélas oublié, aide aussi à garder la foi et l'espérance.