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vendredi, 13 février 2009

Exommunications: analyse de l'abbé Christophe Godel

Face aux incompréhensions et aux tensions, l'analyse de l’abbé Christophe Godel, curé à Vallorbe (Vaud - Suisse)

(merci pour ce courrier reçu via mail; avec son accord, je me permets de le publier)

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Pourquoi le pape a-t-il réintégré les catholiques d’Ecône ?

Le pape n’a pas réintégré la Fraternité Saint-Pie-X. Il faut vraiment le dire et le redire. Car presque tous se basent là-dessus pour émettre leurs critiques, mais cela n’a pas eu lieu ! Il y a un grand décalage entre la réalité et ce qui est rapporté sans être véritablement vérifié. Benoît XVI a simplement levé les excommunications sur 4 évêques, mais il ne les a pas réintégrés ni réhabilités. Il est très important de comprendre cette nuance, pour ne pas entrer dans tous ces quiproquos. En prenant une image, on pourrait dire que la fraternité d’Ecône est partie en claquant la porte (elle est sortie de la communion de l'Église, elle s’est ex-communiée) ; et le pape a simplement réouvert la porte, suite à leur demande. Mais ils ne sont pas encore entrés dans la maison. Car cela ne pourra pas se faire à n’importe quel prix. En cela, l’Église catholique est claire : il faudra accueillir les acquis du concile Vatican II, en particulier dans les domaines de la liberté religieuse, du dialogue interreligieux et du cheminement œcuménique.

Mais pourquoi le pape a fait ce geste envers un évêque négationniste ?

Lorsque le pape a décidé de faire ce geste d’ouverture, il n’était pas encore au courant de ce qui allait être révélé au sujet de Mgr Williamson. Son secrétariat l’a d’ailleurs confirmé par après : le pape a signé le décret avant que soit diffusée la nouvelle au sujet de l’évêque anglais. Une stratégie bien programmée a ainsi certainement voulu discréditer le geste de Benoît XVI en glissant au dernier moment cette « bombe », au moment où le Vatican allait publier le texte signé par le pape. On connaît ensuite l’amalgame que quasi tout le monde a fait.

Mais pourquoi le pape n’a-t-il pas aussitôt réagi ?

Il l’a fait. Avec les moyens et les collaborateurs qu’il possède – et qui sont certainement bien plus modestes que ce qu’on imagine. Mais les réactions du Vatican n’ont pas été relayées correctement. En particulier, des personnalités importantes ont demandé de nouvelles interventions du pape, ce qu’il a fait une fois, et encore une autre, longuement. Combien de fois faudra-t-il qu’il s’exprime jusqu’à ce que la presse et l’opinion publique comprennent et relaient correctement ses paroles ?

Tout cela n’a-t-il pas détérioré les relations avec le judaïsme ?

Le Rabbin Rosen disait au pape ce 11 février qu’il était content des précisions qui avaient été données, et que le dialogue avec l’Église catholique « ne s’est jamais arrêté, ni pour le Comité juif international pour les consultations interreligieuses – partenaire juif officiel pour le dialogue avec le Vatican, que je préside -, ni pour le grand rabbinat d’Israël, que je conseille dans le domaine interreligieux ». Dans ce contexte, il estime encore plus important pour les relations judéo-catholiques que le pape visite Israël et la Terre Sainte, ce qui est prévu.

Certains ressentent ce pas vers Ecône comme un virage de l’Église catholique à droite

Je ne comprends pas cette réaction. Si, dans une maison, on décide d’ouvrir une nouvelle fenêtre, est-ce qu’on déplace la maison ? C’est plutôt un geste de maturité que d’être capable de s’ouvrir dans toutes les directions. N’oublions pas que l’Eglise catholique dialogue de manière officielle avec les Églises Orthodoxes de tradition byzantine, les Églises Orthodoxes Orientales, l'Église Assyrienne de l'Orient, la Communion Anglicane, la Fédération Luthérienne Mondiale, le Conseil Méthodiste Mondial, l’Alliance Réformée Mondiale, l'Alliance Baptiste Mondiale, l'Église Chrétienne - Disciples du Christ, les Pentecôtistes, les Évangéliques, sans compter sa participation aux travaux du Conseil Œcuménique des Églises, et les innombrables relations qui se passent aux autres niveaux de la vie ecclésiale.

Des chrétiens ont affirmés que c’était un frein à l’œcuménisme

Là non plus, je ne comprends pas. L’œcuménisme peut-il être en danger par un geste œcuménique ? Il n’y a pas que les catholiques et les protestants qui sont chrétiens. N’a-t-on pas le droit de dialoguer et d’essayer de se réconcilier d’un côté, sans que cela suscite de l’hostilité de l’autre ? L’Eglise catholique a toujours envie de vivre l’œcuménisme, et avec tous. Des pas sont faits de tous les côtés, même avec la communauté d’Ecône. J’espère que nous pourrons continuer à tendre des mains, et à voir dans l’autre, quel que soit la direction qu’il a prise, un frère à aimer.

Pourquoi finalement Benoît XVI a-t-il levé ces excommunications ?

L’expérience a montré que les ruptures, dans l’histoire, peuvent se durcir si on les laisse se prolonger sans rien faire. La division avec les protestants dure depuis bientôt 500 ans, et avec les orthodoxes depuis presque 1000 ans. Benoît XVI est conscient de cela, et souhaite mettre toutes les chances du côté du dialogue. Dom Eric de Lesquen, moine bénédictin qui suit de près ce dossier, commente : « Il est certain que sa manière de faire, pleine de bienveillance, n’est pas celle d’une entreprise qui raisonne en terme de rentabilité. Mais au regard de l’Église, chaque âme compte pour elle-même. Benoît XVI se donnera du mal pour une seule brebis de la Fraternité Saint-Pie-X ». Certaines personnes de la Fraternité n’ont pas du tout envie de ce rapprochement. Mais d’autres oui. Pourquoi ne pas le leur permettre ?

Quel est votre sentiment après toute cette polémique ?

Une grande incompréhension, et une profonde tristesse. Lorsque quelqu’un déclenche une guerre ou un geste de division, je comprendrais qu’on le critique fortement et qu’on s’insurge contre cela. Mais lorsque la démarche vise la paix et la réconciliation, je ne comprends pas pourquoi on cherche à tous prix à l’empêcher, et à désirer au contraire que la division soit entretenue. Il y quelque chose d’inverse à la logique chrétienne. Dieu désire l’unité de tous ses enfants, sans faire de sélections entre eux. Pourquoi s’y opposer avec tant de violence ? C’est cela que je ne comprends pas. Et je suis triste qu’on ait déformé les propos, l’intention, et l’image de notre pape, si doux et humble. Certains sont même allés jusqu’à la calomnie : « celui qui, par des propos contraires à la vérité, nuit à la réputation des autres et donne occasion à de faux jugements à leur égard ». Ces personnes ont jeté le trouble parmi les chrétiens, et j’en suis encore choqué. C’est la raison pour laquelle j’avais envie de réagir. J’espère que l’on comprendra la véritable portée du geste de Benoît XVI, et surtout la noble intention qui jaillit de son cœur de pasteur, au service de la mission du Christ qui est venu réunir tous les enfants de Dieu divisés.

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