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mercredi, 26 novembre 2008

Le Pape est un homme humble

Revenons sur la visite du Pape en France

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«On ne peut se résigner à la baisse du nombre des prêtres»

Propos recueillis pas Jean-Marie Guénois

INTERVIEW - Secrétaire d'État du Saint-Siège, Tarcisio Bertone est le «premier ministre» du Pape. Benoît XVI s'appuie largement sur lui pour le gouvernement de l'Église. Il analyse les enjeux du voyage.

LE FIGARO. Benoît XVI arrive en France pour la première fois en tant que Pape. Est-ce pour lui un voyage différent?

Cardinal Tarcisio BERTONE. La visite du pape dans un pays correspond à sa mission de pasteur de toute l'Église, reçue de l'apôtre Pierre : faire paître le troupeau du Christ et affermir ses frères dans la foi. Dans le cas de la France, nul n'ignore sa tradition historique ni le rôle que l'Église catholique y a joué au cours des siècles, sous de multiples formes. Pour vous répondre, je mettrais l'accent sur la seconde étape du voyage. Comme des millions de pèlerins, le Pape se rendra à Lourdes pour fêter le cent cinquantième anniversaire des apparitions de la Vierge à sainte Bernadette Soubirous.Tout le monde et sur tous les continents connaît le sanctuaire de Lourdes ainsi que son message lié à la prière et aux malades. Il y aura aussi à Lourdes la rencontre du Pape avec tous les évêques de France. Ce sera un moment de communion, qui lui donnera l'occasion de manifester son affection pour les pasteurs des diocèses français et de les exhorter dans leur délicate mission de guides des fidèles confiés à leurs soins.

De fait, les chiffres de l'Église sont très inquiétants. Quelles pistes d'avenir voyez-vous?

Celles de la cohérence de la foi et du courage apostolique, sans peur, ni pour la situation présente ni pour l'avenir. C'est l'exhortation de notre Pape au début de son pontificat : «N'ayez pas peur du Christ. Il n'enlève rien et il donne tout.» S'il me faut indiquer une priorité, il me semble que c'est la question des vocations sacerdotales qui mérite la plus grande considération. On ne peut se résigner à la baisse du nombre des prêtres, et une paroisse sans pasteur est comme une famille qui a perdu son père. Il faut prier et «se retrousser les manches», pour rendre les familles et les communautés sensibles à la nécessité de faire naître et de cultiver les vocations sacerdotales. Le Seigneur continue à appeler et à choisir ceux qui doivent Le rendre présent dans les communautés : il faut plus de générosité dans la réponse.

Comment le Pape perçoit-il l'Église de France? Une «enfant terrible», réfractaire?

Je repense à la question de Jean-Paul II dans son homélie de la messe au Bourget, au début du mois de juin 1980 : «France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême?» Je suis certain qu'aujourd'hui encore il existe en France, dans les villes comme dans les vastes campagnes, dans les paroisses comme dans les monastères, dans les mouvements de l'apostolat catholique comme dans de très nombreuses familles, des fidèles qui vivent leur foi avec sérieux et qui en témoignent. Je crois qu'il existe encore un profond sentiment religieux, très répandu, qui a besoin d'être encouragé, et que tout baptisé doit apprendre à assumer en personne. Je tiens à faire remarquer qu'aux Journées mondiales de la jeunesse à Sydney l'Église en France a fait venir des milliers de jeunes fervents et enthousiastes d'être des témoins du Christ. En ce sens, l'action des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses est précieuse : ils doivent s'ouvrir à la richesse ecclésiale qui peut venir de l'extérieur et qui contribuera à renouveler de nombreuses communautés ou des structures un peu «vieillies», si l'on me passe l'expression.

Benoît XVI arrive dans un contexte politique où le débat sur la laïcité a été relancé à la suite du discours du président de la République à Rome. Va-t-il y répondre?

Le président français, M. Nicolas Sarkozy, a prononcé au Latran un discours dont l'aspect novateur a été remarqué. Ce fut un discours très apprécié, car le chef de l'État a eu le courage de réaffirmer sa conception d'une laïcité qu'il a définie comme « positive », c'est-à-dire sans hostilité ni volonté d'ignorer la religion ainsi que le rôle de celle-ci dans la société et dans le monde. La rencontre du Pape avec le chef de l'État donnera certainement l'occasion d'y revenir.

Il va aussi rencontrer le monde de la culture au Collège des Bernardins. Comment compte-t-il surmonter la méfiance de certains milieux intellectuels français?

Le thème du dialogue entre foi et raison est très cher au pape Benoît XVI, comme au temps où il était professeur et cardinal. C'est un thème qu'il connaît bien et qu'il n'a cessé d'approfondir. Un intellectuel et pas seulement un intellectuel catholique qui veut réfléchir sur ce thème ne peut ignorer la voix de l'Église. Mais je ne crois pas qu'il existe en France une attitude de «méfiance» à l'égard de la pensée de Benoît XVI. Le discours qu'il prononcera au Collège des Bernardins donnera l'occasion de revenir sur ce thème, de susciter la curiosité, l'intérêt et le désir d'approfondir les liens entre foi et raison, religion et culture, et leur complémentarité.

Il y a un an, le Saint-Siège publiait un motu proprio pour tenter de résoudre un problème liturgique largement français. Cette mesure n'a-t-elle pas entraîné une crispation?

Permettez-moi de rectifier : on ne peut parler d'un «problème liturgique largement français». Le Pape a pris sa décision en vue du bien de toute l'Église.

Il est exact qu'on l'attendait davantage en France, du fait que, comme on le sait, c'est le pays où l'on a vu naître le mouvement de Mgr Lefebvre et que la Fraternité fondée par lui s'est développée sur une grande partie du territoire français. On ne peut nier, d'autre part, que, même parmi les évêques, il y ait eu des opinions et des positions différentes.
Il faut, en tout état de cause, reconnaître que l'épiscopat français a reçu le document du Pape et a fait, dans l'ensemble, ce qui était en son pouvoir pour le mettre en application. J'ajoute qu'il faut bien comprendre l'intention qui a inspiré la décision du Pape : la célébration de l'Eucharistie doit favoriser l'unité de l'Église, et non sa division. Poursuivre d'autres buts, c'est être bien loin de la volonté du Pasteur universel et ne pas aller dans cette direction.

Vous connaissez bien Benoît XVI pour avoir travaillé avec lui à la congrégation pour la Doctrine de la foi et aujourd'hui comme secrétaire d'État. Comment pourriez-vous caractériser son pontificat?

Son exemple et ses enseignements constituent une constante leçon de vie ! Je voudrais tout d'abord souligner la clarté de la doctrine de Benoît XVI, toujours exprimée avec une noblesse de langage, mais en même temps avec une efficace capacité de persuasion. Comme préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, le cardinal Ratzinger avait l'habitude de dire que son rôle était de défendre la foi des simples contre les doctrines ambiguës et erronées des prétendus savants de ce monde. En lui, les dons de la nature et de la grâce se compénètrent et ils sont rehaussés par son humilité et sa simplicité. Comme secrétaire d'État, je peux témoigner de la façon dont il porte le poids que Dieu a mis sur ses épaules, un poids qui dépasse les forces humaines, à savoir le mandat de gouverner le troupeau du Christ comme pasteur de l'Église universelle.Il me semble que les lignes de fond de son pontificat commencent à se faire jour : l'enseignement clair et convaincant, tant sur le plan proprement théologique que sur le plan moral ; l'impulsion donnée à l'œcuménisme et la conduite du dialogue interreligieux, en cherchant à surmonter peu à peu les difficultés ; l'attention aux plus faibles, aux plus pauvres ; l'attention aux personnes les plus éprouvées, avec les vigoureux appels en faveur de la paix, de la réconciliation entre les groupes et les peuples, de la solidarité internationale.

© Copyright Le Figaro, 11.09. 2008 qui .

 

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