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jeudi, 02 octobre 2008

Opus Dei: décoder suite au Da Vinci

Le Temps - 2.10.2008 - p. 19

Oui, l’Opus Dei cherche à exercer une influence sur la société

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L'abbé Peter Rutz, vicaire régional de la prélature de l’Opus Dei en Suisse, entend dissiper
le malentendu sur le rapport de l’Opus Dei à la politique, à l’occasion de son 80e anniversaire

Croire qu'une influence spirituelle dans la société ne peut passer que par le pouvoir politique est  une idée "cléricale". 

 

Aujourd’hui 2 octobre, l’Opus Dei célèbre son 80e anniversaire. Cette œuvre chrétienne, confiée par Dieu à saint Josémaria Escriva en 1928, a connu une histoire riche en événements. Dès les années 1940, elle s’est répandue dans le monde entier, et dès 1956, en Suisse. Son message a été partout le même: tous les chrétiens, en particulier les laïcs, sont appelés à atteindre la perfection chrétienne en sanctifiant leur vie ordinaire et leur travail professionnel.

Cette diffusion rapide et le fait que l’Œuvre a attiré des personnes de toutes les couches sociales ont beaucoup fait parler de son influence. On a souvent pensé que celle-ci était énorme, et, surtout, on l’a conçue comme une influence de type politique et économique. Aujourd’hui encore, d’aucuns craignent la «puissance» de l’Opus Dei, même si un nombre croissant d’observateurs se rend compte que cette idée relève davantage de l’imagination que de la réalité.

Mais n’est-il donc pas vrai que l’Opus Dei cherche à exercer une influence sur la société? Mais bien sûr que si! Son but est précisément de favoriser la sanctification du monde depuis ses entrailles mêmes. Et qui vise ce but ne peut en exclure aucun domaine honnête de la société: ni le monde du travail, ni celui de la vie en famille, ni celui de l’engagement social et politique, ni celui de la science, ni celui des loisirs. Car «le monde», c’est ça, et c’est donc précisément là – et non seulement dans les églises et les couvents – que chaque chrétien est appelé à être cohérent avec sa foi.

L’Opus Dei souhaite donc exercer une influence sur la société, tout comme un très grand nombre d’acteurs respectés de la société. Le problème n’est pas là, il réside ailleurs: il est dû à un malentendu profond sur la nature de cette influence. L’origine de ce malentendu remonte au début des années 1940 en Espagne, quand certains clercs conservateurs et des membres de l’extrême droite politique voulaient rattacher l’Opus Dei à leur projet d’un parti unique pour les affaires religieuses aussi bien que civiles. Saint Josémaria refusa catégoriquement de s’y associer. Ces gens virent derrière ce «manque de collaboration» le désir de leur faire concurrence dans la quête du pouvoir – hypothèse qui par la suite a fait le tour du monde. Mais la véritable raison était que l’Opus Dei se savait, de par la volonté de Dieu, une œuvre purement spirituelle.

En réalité, il n’y a aucune contradiction entre le fait d’influencer une société et le fait d’être une œuvre exclusivement spirituelle. Croire que la spiritualité ne peut s’exercer qu’en marge de ce monde est une idée dépassée. Le Concile Vatican II en dit long à ce sujet. Et croire qu’une influence spirituelle dans la société ne peut passer que par le pouvoir politique, c’est une idée «cléricale», qui fait fi de l’aventure des premiers chrétiens.

L’idée d’un Opus Dei politique répugnait profondément à saint Josémaria. «Si l’Opus Dei avait fait une seule fois de la politique, disait-il, ne serait-ce qu’une seconde, à ce moment d’égarement, j’aurais quitté l’œuvre […]. Chaque membre, homme ou femme, jouit dans les affaires temporelles d’une liberté personnelle absolue qui est respectée par tous, à côté de la responsabilité personnelle qui en est la conséquence logique.» La réalité lui donnait raison déjà à l’époque, car s’il y avait des membres de l’Opus Dei engagés en politique, on les trouvait dans les courants politiques les plus divers.

Donc, l’influence de l’Opus Dei ne se manifeste pas dans la couleur politique de ses membres, ni dans leur niveau social, ni dans le choix de leur profession. En ceci, ils ne se distinguent point des autres citoyens catholiques de leur pays respectif. Par contre, les personnes qui fréquentent l’Opus Dei – membres ou non, catholiques ou non – ont une conscience mieux formée et une sensibilité sociale plus développée qu’ils ne l’auraient sans la formation qu’ils reçoivent. Ils essaient d’être moins matérialistes, moins égocentriques, plus disposés à servir. Ils s’efforcent de mieux travailler, de penser aux autres, de ne pas abuser de leur position pour leur profit personnel. Ils savent mieux se vaincre quand ça coûte de faire le bien. Et, par surcroît, ils ne forment pas un parti unique, mais aiment la liberté personnelle et la pluralité d’opinions.

Cela a un effet indirect, capillaire, sur toute la société, de façon naturelle, sans qu’une institution de l’Eglise comme l’Opus Dei doive expressément être au gouvernail d’une telle influence. Et c’est ainsi que cette influence garantit un vrai pluralisme et des solutions réelles aux problèmes de la société.

Je suis heureux que l’Opus Dei n’ait pas de pouvoir terrestre et ne se soit jamais transformé en simple groupe d’intérêts. Mais franchement, je souhaiterais que l’influence de son message soit beaucoup plus grande. C’est ma conviction profonde que ce message non seulement peut donner un sens profond à la vie des individus, mais qu’il peut aussi contribuer à la prospérité de la société.

© Le Temps, 2008. Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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