lundi, 01 avril 2019
L’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg est en première ligne devant la crise de confiance de la communauté catholique
Charles Morerod: «Nos structures légales nous aident vraiment»
L’évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg est en première ligne devant la crise de confiance de la communauté catholique.
Le Temps: Face à ce que certains ont appelé un 11-Septembre de l’Eglise catholique, comment pouvez-vous restaurer la confiance, quand la crise est mondiale?
Charles Morerod: J’ai publié une lettre pastorale qui a été lue dans les églises, je l’ai lue moi-même au Mont-Pèlerin et à Fribourg et il y a eu du soulagement, il fallait parler. Les prêtres et les laïcs qui travaillent pour l’Eglise veulent aborder deux questions – leur expérience des abus de pouvoir, et comment ils vivent la crise. La rencontre du pape avec les présidents des conférences épiscopales sur les abus montre un désir de transparence qu’il n’y avait pas avant.
Il faut changer la culture interne, s’habituer à ne plus penser à protéger d’abord la réputation de l’Eglise mais les victimes, et éviter qu’il y en ait d’autres. Mais l’Eglise est organisée au niveau mondial, c’est une force et une faiblesse. En Suisse, nous avons une mentalité égalitaire et cela aide beaucoup, mais dans certains pays le prêtre est encore mis sur un piédestal. Il est difficile de prendre des mesures universelles.
Pensez-vous avoir pris toutes les mesures possibles pour éviter les abus en Suisse?
C’est la tolérance zéro qui s’impose. Toute personne qui a connaissance d’un abus doit immédiatement en référer à la justice ou à la police, qui sont bien formées et ont les moyens et le droit de mener une enquête. Cette collaboration avec l’Etat est acquise et nécessaire. En matière de prévention, nous avons une charte depuis le 1er janvier, et depuis mars, les personnes qui sont en contact avec des mineurs dans l’Eglise doivent nous fournir deux extraits de casier judiciaire, le général et le spécial, (introduit par la loi interdisant à vie aux pédophiles de travailler avec des enfants).
On le demande à titre rétroactif et on le redemandera périodiquement. Il y a une forte augmentation de ces demandes aussi dans les ONG. Nos structures légales nous aident vraiment, je suis content qu’on ait des obligations demandées par l’extérieur, cela donne une direction à certains débats internes.
Pouvez-vous nous assurer qu’aujourd’hui les archives diocésaines sont totalement ouvertes sur ces sujets aux journalistes?
Oui, dans le cadre légal. Nous avons les mêmes normes que les archives cantonales, concernant la protection des données touchant des personnes encore vivantes. On veut la clarté mais on ne peut pas courir le risque qu’une victime voie son nom dans un journal alors qu’elle n’en a peut-être même pas parlé à sa famille, on est obligé de la protéger.
Mais l’Eglise est mondiale, la crise pourrait durer?
Pendant longtemps, je me suis dit que ces affaires étaient absolument scandaleuses, mais qu’elles étaient marginales. Mais je me rends compte que cela implique plus largement que je ne le pensais. On n’est pas à la fin des scandales, il y a des pays où rien n’est encore sorti car la structure ecclésiale y est très forte.
Le côté positif de ces scandales au-delà de la transparence est que je n’ai jamais reçu, autant que ces temps, de messages de remerciements de fidèles concernant des prêtres. Heureusement, je vois l’action de Dieu dans l’Eglise, sinon on pourrait se demander quel est notre avenir. Mais c’est la vérité qui nous rendra libres.
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