lundi, 31 octobre 2016
Cardinal Müller: pas de rupture entre les deux Papes, le Pape légitime François et émérite Benoît XVI
Il n'y a qu'un seul Pape légitime, le Pape François, élu selon le droit, qui gouverne, à qui Benoît XVI a promis obéissance avant même que son nom soit connu.
Le Pape Benoît XVI continue d'être Pape d'une tout autre manière, d'une façon émérite, lié à la mission de Pierre, par la prière. Mgr Gänswein et Benoît XVI (cf. Dernières conversations avec Peter Seewald) l'ont dit assez clairement.
LE CARDINAL MÜLLER : “ NE PAS CHERCHER À INVENTER UNE RUPTURE ENTRE LES PAPES”
Radio Vatican
Le cardinal Gerhard Ludwig Müller met en garde contre toute tentative qui viserait à opposer l’un à l’autre les deux papes Benoît XVI et François. Il faut, dit-il, “accepter le fait qu’ils ont, tous les deux, des histoires et des personnalités différentes”. Le pape régnant, comme le pape émérite, sont au service du même et unique Christ et une interprétation sérieuse doit “voir la cohérence et pas chercher à inventer une rupture”, a expliqué le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans un entretien avec Radio Vatican.
Le cardinal Müller a publié, l’an dernier, chez Herder, sous le titre “Benoît et François”, un recueil d’essais sur le thème des deux papes et s’exprimait à l’occasion de la publiction de la traduction italienne. Gudrun Sailer s’est entretenu avec le cardinal allemand.
Müller : Pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise, nous vivons la circonstance de connaître deux papes vivants. Evidemment, c’est seulement le pape François qui est le pape mais Benoît est le pape émérite et, à ce titre, encore, d’une certaine manière, lié à la papauté. Il faut surmonter cette situation unique en son genre en l’envisageant d’un point de vue théologique spirituel. Sur le “comment”, les opinions divergent. J’ai montré qu’en dépit de toutes les différences, qui existent évidemment entre les personnes et les caractères, on peut aussi faire apparaître la relation plus intime.
RV : Et en quoi consiste cette relation intime entre les papes, entre tous les papes en fait ?
Müller : Il s’agit toujours de la confession de Jésus Christ : là réside la ratio essendi, la raison ultime de l’existence de la papauté, pour que l’Eglise soit maintenue et ramenée dans l’unité dans le Christ. Mais chacun des deux papes fait cela à partir de ses origines. Le pape Benoît le fait à partir de sa carrière de professeur et c’est un théologien hors du commun. Le pape François, fort de son expérience sud-américaine, enrichit notre manière de voir et dirige notre attention sur les pauvres, qui vivent aux marges; il va aux périphéries. Tout cela nous était clair en théorie – mais qu’il le porte à la conscience commune à partir de sa propre expérience de vie est une disposition providentielle, un clin d’oeil de l‘Esprit-Saint, que nous accueillons avec gratitude.
RV : Cette année, les deux papes ont, à plusieurs reprises, parlé publiquement l’un de l’autre. Pas seulement François à propos de Benoît mais aussi dans l’autre sens : nous nous souvenons de la fête du jubilé sacerdotal de Benoît ou de son livre de conversations. Beaucoup d’estime réciproque s’est exprimée là et cela semblait répondre à quelque chose. Qu’objectez-vous aux catholiques inquiets qui pourraient vouloir souligner plutôt les différences entre les deux papes ?
Müller : Il y a deux directions extrêmes d’interprétations. Les uns soulignent la différence jusqu’à l’opposition; les autres disent qu’il n’y a pas de différences. Je crois que les deux extrêmes exagèrent. Pour une interprétation sérieuse, il est important de voir la cohérence et de ne pas inventer une rupture. Et aussi d’admettre que les deux papes ont des histoires et des personnalités différentes, qu’ils apportent avec eux d’autres mentalités spirituelles. Beaucoup ont tendance à conclure de ces différences à des oppositions.
A moi aussi, on soumet souvent la question de savoir ce qui distingue les deux papes et, de chacune de mes réponses, chacun des deux extrêmes tire des arguments en sa faveur. Mais dans ma position je dois purement et simplement rejeter pareilles positions extrêmes. Nous ne devons pas faire chercher à tout prix à mettre en évidence des différences et des points communs [entre Benoît et François] mais dire que tous les deux sont au service du même et unique Christ.
RV : Qu’offrent à l’Eglise les deux papes en duo ?
Müller : Tous les deux exercent un minsitère qu’ils ne se sont pas donné eux-mêmes, qu’ils ne peuvent pas non plus définir eux-mêmes, puisqu’il est déjà “dé-fini”, par le Christ lui-même, et aussi comme il s’est explicité dans la conscience de la foi de ‘Eglise. Et chacun fait l’expérience, dans le ministère pontifical, comme dans tout autre ministère ecclésial, que c’est une grande charge, que l’on ne peut porter qu’avec l’aide de la grâce.
Tout être humain est découragé s’il doit être le représentant du Christ. Mais tous les deux apportent, à la manière qui leur est propre, avec leur personnalité et leur histoire, leur charisme personnel au ministère de Pierre. Il ne faut pas les opposer, ni chercher à les comparer : qui est le meilleur, qui a plus de visiteurs lors des audiences sur la Place Saint-Pierre. C’est là une mauvaise approche. Il faudrait partir ici de la théologie des charismes.
Dans la foi, nous sommes convaincus que François est mis à la place qu’il occupe par l’Esprit-Saint, il est vrai qu’il est choisi par les cardinaux mais le conclave n’est que l’instrument de ce choix.
En définitive, il est mis à la place qu’il occupe par le Christ lui-même et cela, comme il est, avec son origine latino-américaine, avec les exclusions politiques et sociales, avec son expérience de la misère d’immenses couches de la population, et lié, comme il l’a été, à tout le développement de l’Eglise durant les 50 dernières années en Amérique Latine, Medellin, Puebla, Aparecida, les révolutions et mouvements intellectuels et spirituels : tout cela marque une personnalité. Ce qu’il a de particulier, c’est qu’il peut, à travers sa personnalité, introduire l’Eglise dans la vie de l’Eglise universelle. C’est pourquoi il serait plus important de considérer cela : ce que les deux ont à nous dire et comment tous les duex ils ont servi et servent respectivement l’Eglise, au lieu de les opposer en comparant et en les dépréciant ouen les surévaluant.
Quand on me le demande, je suis évidemment forcé de répondre que Benoît est surtout un théologien - et cela pas pour le distinguer des autres mais pour le caractériser - c’est un fait que personne ne peut nier. Ce don ne lui a pas été accordé par Dieu pour qu’il se grandisse au détriment des autres, mais pour l’exercer humblement. Et de la même façon, le pape François doit exercer ses dons humblement sans se grandir au dépens des autres. Cela serait contre-productif pour tout service d’Eglise. Paul nous a donné l’image d’un corps avec de nombreux membres et cette multiplicité ne détruit pas mais construit l’ensemble.
RV : En François, nous avons, pour la première fois, un pape avec beaucoup d’attributions. Jean-Paul II était “accessoirement” poète, Benoît théologien. François, à côté de son ministère pontifical, est visiblement beaucoup plus : confesseur, curé, tribun syndical, travailleur social, diplomate, etc. Êtes vous d’avis que cette cette multiplicité, ce qu’il y a d’une certaine manière de “non-pontifical” à ce pape, décourage bon nombre de catholiques ?
Müller : Chaque pape doit aussi chercher à surmonter la partialité de son histoire personnelle. Benoît n’a pas seulement abordé des thèmes dogmatiques; dans “Deus caritas est”, il aborde aussi la Caritas comme institution et l’a aussi vivement promue. Mais François, jusqu’ici, ne se laisse pas imposer une unique étiquette. C’est peut-être bien ainsi car un tel cliché serait une restriction. Peut-être fait-il exprès d’échapper à ces étiquettes et de ne pas se laisser ranger dans un seul tiroir.
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