dimanche, 15 février 2015
Consistoire : Le pape exhorte l’Eglise à “se retrousser les manches“ et à ne pas “regarder passivement la souffrance du monde“
Vatican - le 15/02/2015 à 10:59:00 Agence I.Media
Consistoire : Le pape exhorte l’Eglise à “se retrousser les manches“ et à ne pas “regarder passivement la souffrance du monde“
“Sans préjugés et sans peur“, l’Eglise doit “se retrousser les manches“ et ne pas “regarder passivement la souffrance du monde“. C’est ce que le pape François a demandé dans une homélie au ton particulièrement fort au cours de la messe qu’il célébrait dans la basilique Saint-Pierre, le 15 février 2015, avec les nouveaux cardinaux créés la veille.
A mi-chemin entre deux synodes sur la famille et alors que le style et certaines orientations du pape argentin font grincer des dents - dans la curie romaine comme dans l’Eglise universelle -, le pontife a fustigé la “caste“ des “docteurs de la loi“ qui ont “peur de perdre ceux qui sont sauvés“ et encouragé la logique de ceux qui souhaitent “sauver ceux qui sont perdus“. Le Seigneur, a assuré le pape François, “est présent aussi en ceux qui ont perdu la foi“ et “la route de l’Eglise est celle de ne condamner personne éternellement“.
A l’approche du deuxième anniversaire de son pontificat, le pape François a livré une homélie programmatique qui s’inscrit dans la lignée de son intervention à huis clos lors des congrégations générales à la veille du conclave de mars 2013, de son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium et de son dernier discours à la curie romaine, dans lequel il évoquait les “maladies“ du corps ecclésial.
Voici des extraits choisis de cette homélie (les intertitres sont de la rédaction) :
La compassion porte Jésus à agir concrètement : à réintégrer celui qui est exclu ! Ce sont les trois concepts-clé que l’Eglise nous propose aujourd’hui dans la liturgie de la Parole : la compassion de Jésus face à l’exclusion et sa volonté d’intégration.
Le lépreux inspire la peur, le dédain, le dégoût et pour cela il est abandonné de sa propre famille, évité par les autres personnes, exclu de la société, ou plutôt la société elle-même l’expulse et le contraint à vivre dans des lieux éloignés des gens bien-portants, l’exclut. Et cela au point que si un individu bien-portant s’était approché d’un lépreux il aurait été sévèrement puni et souvent traité, à son tour, de lépreux. Le but de cette règlementation était de “sauver les bien-portants”, “protéger les justes” et pour les sauvegarder de tout risque, exclure “le danger”, traitant sans pitié celui qui est contaminé. (…)
Sauver ceux qui sont loin
Jésus, nouveau Moïse, a voulu guérir le lépreux, il a voulu le toucher, il a voulu le réintégrer dans la communauté, sans “s’autolimiter” dans les préjugés ; sans s’adapter à la mentalité dominante des gens ; sans se préoccuper du tout de la contagion. Jésus répond à la supplication du lépreux sans hésitation et sans les habituels renvois pour étudier la situation et toutes les éventuelles conséquences ! Pour Jésus ce qui compte, avant tout, c’est de rejoindre et de sauver ceux qui sont loin, soigner les blessures des malades, réintégrer tous les hommes dans la famille de Dieu ! Et cela scandalise certains !
Jésus n’a pas peur de ce type de scandale ! Il ne pense pas aux personnes fermées qui se scandalisent même pour une guérison, qui se scandalisent face à n’importe quelle ouverture, à n’importe quel pas qui n’entre pas dans leurs schémas mentaux et spirituels, à n’importe quelle caresse ou tendresse qui ne correspond pas à leurs habitudes de pensée et à leur pureté rituelle. (…)
Ne condamner personne éternellement
Il y a deux logiques de pensée et de foi : la peur de perdre ceux qui sont sauvés et le désir de sauver ceux qui sont perdus. Aujourd’hui aussi il arrive, parfois, de nous trouver au croisement de ces deux logiques : celle des docteurs de la loi, c’est-à-dire marginaliser le danger en éloignant la personne contaminée, et la logique de Dieu qui, avec sa miséricorde, serre dans ses bras et accueille en réintégrant et en transfigurant le mal en bien, la condamnation en salut et l’exclusion en annonce. Ces deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Eglise : exclure et réintégrer. (…)
La route de l’Eglise, depuis le Concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration. Cela ne veut pas dire sous-évaluer les dangers ou faire entrer les loups dans le troupeau, mais accueillir le fils prodigue repenti ; guérir avec détermination et courage les blessures du péché ; se retrousser les manches et ne pas rester regarder passivement la souffrance du monde. La route de l’Eglise est celle de ne condamner personne éternellement ; de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère ; la route de l’Eglise c’est justement de sortir de son enceinte pour aller chercher ceux qui sont loin dans les “périphéries“ de l’existence ; celle d’adopter intégralement la logique de Dieu ; de suivre le Maître qui dit : “Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent“. (…)
La charité ne peut être neutre, indifférente, tiède ou impartiale ! La charité contamine, passionne, risque et implique ! Parce que la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite ! La charité est créative pour trouver le langage juste afin de communiquer avec tous ceux qui sont considérés comme inguérissables et donc intouchables. Le contact est le vrai langage communicatif, le même langage affectif qui a transmis la guérison au lépreux. Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en apprenant ce langage ! (…)
Une caste qui n’a rien d’authentiquement ecclésial
Chers nouveaux cardinaux, ceci est la logique de Jésus, ceci est la route de l’Eglise : non seulement accueillir et intégrer, avec un courage évangélique, ceux qui frappent à notre porte, mais aller chercher, sans préjugés et sans peur, ceux qui sont loin en leur manifestant gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement. “Celui qui déclare demeurer dans le Christ doit, lui aussi, marcher comme Jésus lui-même a marché“. La totale disponibilité pour servir les autres est notre signe distinctif, est notre unique titre d’honneur ! (…)
Chers frères nouveaux cardinaux, regardant vers Jésus et vers notre Mère Marie, je vous exhorte à servir l’Eglise, de façon que les chrétiens – édifiés par notre témoignage – ne soient pas tentés d’être avec Jésus sans vouloir être avec les exclus, s’isolant dans une caste qui n’a rien d’authentiquement ecclésial. Je vous exhorte à servir Jésus crucifié en toute personne exclue, pour quelque motif que ce soit ; à voir le Seigneur en toute personne exclue qui a faim, qui a soif, qui est nue : le Seigneur qui est présent aussi en ceux qui ont perdu la foi, ou qui se sont éloignés de leur propre foi ; le Seigneur qui est en prison, qui est malade, qui n’a pas de travail, qui est persécuté ; le Seigneur qui est dans le lépreux – en son corps ou en son âme -, qui est discriminé ! Nous ne découvrons pas le Seigneur, si nous n’accueillons pas l’exclu de façon authentique ! Rappelons-nous toujours l’image de saint François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux qui souffrent toutes sortes de marginalisation. En réalité, sur l’Evangile des exclus, se joue, se découvre et se révèle notre crédibilité !
I.MEDIA/AMI
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