mardi, 19 août 2014
Entretien du Cardinal Tauran avec I.Media
Les djihadistes sont des musulmans “dévoyés“, soutient le cardinal Tauran (Interview).
Quelques jours après la ferme déclaration publiée par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, demandant aux chefs musulmans de condamner fermement les agissements de l’Etat islamique en Irak, le cardinal français Jean-Louis Tauran a estimé que les djihadistes étaient des musulmans “dévoyés“ au caractère “barbare“. Dans un entretien accordé à I.MEDIA, le chef de dicastère a assuré que ce document avait “secoué l’opinion publique“ et s’est félicité du large écho perçu dans le monde musulman.
La déclaration sur la situation en Irak publiée par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux est particulièrement forte. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?
C’est le caractère barbare du comportement des djihadistes vis-à-vis des chrétiens et des membres d’autres minorités, notamment les Yazidis. Le massacre de personnes pour le seul motif de leur appartenance religieuse, l’enlèvement de femmes, la destruction des lieux de culte : ce sont des choses qu’on pensait ne plus voir. Cela rappelle les pires moments de l’histoire des relations entre musulmans et chrétiens. Mais il faut bien souligner que les djihadistes sont des musulmans dévoyés.
Vous êtes même allé plus loin que le pape, en demandant une prise de position claire de la part des institutions musulmanes…
Il en va de la crédibilité de notre dialogue. Certes, nous avons de belles déclarations, mais pendant ce temps, on extermine des chrétiens. On me dit souvent : C’est cela le résultat de vos conversations ?
Quel a été l’écho donné à ce document ?
J’ai eu de très nombreuses réponses. Une heure après sa publication, on m’a écrit du Caire. J’ai reçu des réponses très positives d’Afrique, d’Europe. Je crois que ce document a un peu secoué l’opinion publique. Face à ce qui se passe actuellement en Irak, on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas. Il n’y a aucune justification à cette violence. Et la religion n’en est pas la véritable cause. En revanche, elle peut être une partie de la solution.
Y a-t-il encore des institutions, des pays, dont vous attendriez encore qu’ils s’expriment, comme l’Arabie saoudite et le Qatar par exemple, accusés d’avoir financé l’Etat islamique ?
Il faut peut-être leur laisser le temps. Ce que je demande, c’est que les chefs religieux s’expriment de façon claire et sans ambiguïté, pas les responsables politiques.
Avez-vous eu des réponses de France ?
Le recteur de la mosquée de Bordeaux s’est exprimé de façon tout à fait remarquable, de même que le recteur de la Grande mosquée de Paris.
La situation actuelle en Irak est-elle le signe d’un échec du dialogue interreligieux ?
Cette situation fragilise le dialogue. Mais plus l’horizon est sombre, plus il faut dialoguer. C’est une incitation à redoubler d’effort dans le dialogue, qui n’est pas un dialogue entre les religions mais entre les croyants. C’est un exercice très concret, conditionné par le contexte politique, économique, social.
Le dialogue avec l’islam n’est-il pas handicapé par les tensions internes au monde musulman ?
Il n’y a pas de modèle unique d’islam mais plusieurs manières de le vivre. Les interlocuteurs sont variés. Certains sont plus compréhensifs que d’autres. Mais la majorité de la population musulmane est tout à fait contre l’attitude barbare de l’Etat islamique.
En France, on observe une forte prise de conscience concernant les chrétiens au Moyen-Orient, avec le risque parfois de certains réflexes islamophobes…
De façon spécifique, on observe en France une véritable peur de l’islam, qui vient souvent de l’ignorance de ce qu’est l’islam. Beaucoup de ceux qui ont peur n’ont jamais ouvert le Coran ou n’ont jamais vraiment parlé à des musulmans. D’où l’importance de développer le dialogue de la vie. Ceux qui dialoguent, ce sont les hommes et les femmes de notre temps confrontés aux mêmes problèmes. Ce n’est pas du tout un exercice de théologie comparée. Il faut que les croyants reconnaissent ce qu’ils ont en commun pour le mettre au service de la société.
Comment expliquer le retour en force des tensions religieuses ?
Il y a un retour du sacré dans le monde d’aujourd’hui. On a eu tendance à oublier que la dimension religieuse est intrinsèque à l’homme. Si vous supprimez Dieu de l’horizon de la vie, de l’histoire, vous le remplacez par d’autres Dieux, car l’homme a besoin de se mettre à genoux. Le problème n’est pas l’athéisme, ce sont les idoles.
Propos recueillis au Vatican par Marie Malzac, I.MEDIA
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Commentaires
On peut saluer la fermeté et la franchise du cardinal, tout en regrettant qu'il reprenne l'éternel couplet de la peur mal informée, alors que les données objectives de l'islam rendent cette religion suffisament repoussante. Le dialogue n'a qu'une portée limitée vu qu'il n'y a pas de structure représentative en face, il devrait être orienté vers l'annonce des vérités de l'Évangile, l'invitation à réfléchir sur la place de la raison et son rapport à l'acte de foi (cf. discours de Ratisbonne) et la défense des Saintes Écritures contre les calomnies et erreurs véhiculées par le Coran et la tradition des musulmans. Le manque d'information et de connaissance de l'autre n'est pas vraiment du côté que le cardinal avancé..
Écrit par : ph.martin | mercredi, 20 août 2014
http://www.christianophobie.fr/videos/le-djihad-pour-les-nuls-une-video-epatante-a-decouvrir-toute-affaire-cessante
Écrit par : Stève | mercredi, 20 août 2014
Je pense que le discours de Ratisbonne était prophétique. Car Benoît XVI n'a rien retranché.
Merci pour le lien Steve. Mais je ne suis pas certain que la meilleure façon de stopper les agresseurs djihadistes soit d'agresser verbalement les musulmans. La force est une vertu plus utile pour le bien. Notre mission de chrétien n'est pas d'aller contre, mais pour l'Evangile, pour l'Eglise, pour la foi, pour la liberté religieuse. Car on risque finalement de devenir l'otage de ce que l'on combat, alors qu'on est libre de ce que l'on veut réaliser.
Écrit par : Don Dom | mercredi, 20 août 2014
La première force c'est de se rappeler que Jésus est venu pour sauver les âmes...pour le Paradis. Qu'il est la Vérité et le Bien. Il faut aussi connaître l'Islam, sortir de l'irenisme, et prendre conscience que Notre Seigneur veut être aimé et servi par les musulmans. L'islam est faux et mauvais..la plus grande charité envers les musulmans c'est de travailler pour leur conversion.
Écrit par : Stève | mercredi, 20 août 2014
Seule la grâce de Dieu peut convertir. Ne nous concentrons pas sur l'islam, mais sur le Christ. C'est Lui qui a tué la haine.
Écrit par : Don Dom | mercredi, 20 août 2014
De Mgr Nona Amel, archevêque catholique chaldéen de Mossoul, maintenant exilé à Erbil (issu du Corriere della Sera et repris ici), le 9 août 2014 :
"Nos souffrances actuelles sont le prélude de celles que vous, les Européens et les chrétiens occidentaux, allez souffrir aussi dans un proche avenir. J'ai perdu mon diocèse. Le siège de mon archevêché et de mon apostolat a été occupé par des islamistes radicaux qui veulent que nous nous convertissons ou que nous mourrions. Mais ma communauté est toujours en vie. S'il vous plaît, essayez de nous comprendre. Vos principes libéraux et démocratiques ne valent rien ici. Vous devez examiner à nouveau cette réalité au Moyen-Orient, parce que vous accueillez dans votre pays un nombre toujours croissant de musulmans. Vous êtes aussi en danger. Vous devez prendre des décisions fortes et courageuses, même s'ils contredisent vos principes. Vous pensez que tous les hommes sont égaux, mais ce n'est pas vrai : l'Islam ne dit pas que tous les hommes sont égaux. Vos valeurs ne sont pas leurs valeurs. Si vous ne comprenez pas ceci très vite, vous allez devenir les victimes de l'ennemi que vous avez accueilli chez vous."
Écrit par : aymeric | mercredi, 20 août 2014
Voici un entretien qui donne sans académisme quelques clés pertinentes pour comprende la naïveté d'un certain discours bienveillant envers l'islam,:
http://www.lefigaro.fr/vox/religion/2014/07/29/31004-20140729ARTFIG00251-islam-ce-que-revelent-les-livres-pronant-le-djihad-en-supermarche.php
Extraits:
"Le Coran, qui est véritablement «la parole de Dieu» pour les musulmans, délivre aux croyants de cette religion des messages que, nous, citoyens de pays démocratiques, considérons être indubitablement des incitations à la haine. En sorte que normalement la diffusion de ces messages devrait tomber sous le coup de la loi."
"D'une façon générale, il faut avoir en mémoire cette sourate où il est dit: «Mahomet est l'envoyé de Dieu. Ses compagnons sont durs envers les infidèles, et miséricordieux entre eux». Dans une société telle que la conçoit l'islam, il faut savoir qu'il n'y a de place que pour des croyants. Les uns sont dans la bonne voie (les musulmans), les autres, «les gens du Livre» qui tiennent à rester dans l'erreur, sont admis: ils ont le mérite de croire en Dieu, et on les tolérera donc, mais en en faisant des citoyens de second rang, dits des «dhimmis». Ces citoyens de second rang se trouveront en permanence brimés dans leur vie de tous les jours, et la situation leur deviendra finalement insupportable. Les incroyants, quant à eux, seront persécutés: ils devront soit se convertir à l'islam soit être éliminés. Et il y aura effectivement beaucoup de fraternité entre les musulmans, mais seulement entre eux, une sourate disant: «Ô croyants, ne vous liez d'amitié qu'entre vous «(3,118). Rappelons aussi la sourate 3,28 qui précise: «Que les croyants ne prennent pas leurs amis parmi les infidèles, au lieu des croyants. Ceux qui feraient ainsi n'auraient rien à attendre de Dieu.»"
"Le message de Dieu a finalement été recueilli dans son intégralité par Mahomet a qui Dieu a dicté son message: c'est donc le message auquel on doit se conformer, car c'est le message parfait, et il n'y en aura plus d'autre. Quand on lit dans le Coran des passages qui prônent la violence, il s'agit donc bien d'injonctions délivrées par le Tout-Puissant, des messages que l'on ne peut donc qu'exécuter si l'on est un croyant sincère et soucieux de son devenir après la mort."
"En effet, la distinction entre «islam radical» et «islam soft» est sans fondement. Elle est l'effet des arrangements que nos sociétés occidentales tentent de trouver pour ne pas condamner les musulmans dans leur refus d'adopter nos valeurs et de se conformer à la manière que nous avons, nous Occidentaux, de concevoir l'organisation de nos sociétés."
"L'islam orthodoxe est bien celui qui est conforme au Coran: mais les intellectuels musulmans modernes sont des réformateurs."
"On pourrait dire de façon provocatrice que pour qu'un musulman devienne un vrai Occidental, il faut en fait qu'il se convertisse au christianisme. Certes, les Européens sont en majorité agnostiques, mais même cet agnosticisme s'est construit avec une culture et une tradition judéo-chrétienne. Il faut appréhender les problèmes d'intégration avec les approches des anthropologues, et ne pas rester sur des idées simplistes. Le Coran dit aux chrétiens qu'ils sont dans l'erreur: comment donc des musulmans adopteraient-ils les thèses de ces gens que le Prophète a ordonné de combattre? Le message antichrétien est dans le livre saint de l'islam: il ne facilite pas l'intégration des musulmans dans nos sociétés occidentales, des sociétés fondées, il ne faut pas le négliger, sur les valeurs et les traditions chrétiennes."
Écrit par : ph.martin | jeudi, 21 août 2014
Je ne suis pas certains qu'il n'y ait pas d'islam soft. La famille royale de Jordanie me semble être un très bon exemple. Le prince qui a accueilli Benoît XVI en Jordanie me semblait une personne de grande classe. Il existe donc des musulmans très humains, à la conscience droite. D'ailleurs ils existent des "catholiques" qui sont des contre exemples également.
La difficulté provient que l'islam n'est pas qu'une religion, elle est une civilisation, une politique, qui est inséparable de l'islam. Cela est très délicat. Les musulmans sont également divisés entre eux, et se tuent parmi....
Aussi je suis très prudent face à cette lame anti-islam. Ils nous mettent au défi d'être authentiquement chrétiens. Saint François a réussi à parler au Sultan. Son héritage est encore présent en Terre Sainte.
Comme les islams sont contradictoires, parfois un peu irrationnels, il est très difficile d'avoir un avis clair, car les islams manquent de clarté. Enfin, les chiites et les sunnites se réclament de l'islam. Aussi qui est vraiment musulmans ? Je crois que la liberté religieuse est fondamentale. Un ami fin connaisseur des islams m'a dit que les musulmans ont peur de se convertir. Si cette menace de mort disparaissait, énormément de musulmans lâcheraient l'islam. La peur, l'intimidation, le prix à payer est un frein puissant pour cette démarche.
Enfin j'ai eu l'occasion de parler avec le Cardinal Tauran, et je sais qu'il est très critiqué par les ultras. Or, son discours fin, posé, réfléchi, diplomate et intelligent m'a convaincu. L'apaisement est profitable.
A part cela, en Irak, en Syrie, avec cet Etat islamique, nous assistons à des actions de musulmans dévoyés. Mais il est vrai que les condamnations de tels actes sont trop rares. Les musulmans sont divisés, mais tout de même solidaires.
Je reconnais la complexité de notre approche. Souvenons-nous que ce sont les Papes, dans le passé, qui ont sauvé l'Europe des pirates musulmans.
Écrit par : Don Dom | jeudi, 21 août 2014
Je vous rejoins sur plusieurs points que vous faites. Toutefois il est paradoxal de réserver le terme de "dévoyés" à ceux qui appliquent de manière cohérente, sans compromis exogènes, ce que leur livre sacré leur commande de faire. Dévoyé signifie littéralement: sorti du droit chemin, perverti. Or, du point de vue d'Allah et de son prophète, les dévoyés sont ceux qui nous paraissent, à nous chrétiens, les "musulmans très humains, à la conscience droite". On peut dialoguer avec eux, parce qu'ils nous ressemblent et partagent déjà certains éléments de notre propre "Weltanschauung". Il sont déjà, en quelque sorte, sur le chemin de l'Evangile, et donc islamiquement dévoyés.
Comme vous le dites, la peur, l'intimidation, le prix à payer retiennent beaucoup de musulmans au seuil de la conversion. Cette oppression n'est pas surajoutée à l'Islam, elle lui est constitutive. Sous une modalité sunnite, chiite ou autre, qu'importe. Ceux des musulmans qui font le pas et trouvent, sous l'effet de la grâce, le courage de prendre la route étroite, pour autant qu'un clerc bien intentionné ne les encouragent pas à rester de bons musulmans là où ils sauront faire beaucoup de bien, ceux qui se convertissent donc, sont les moins tendres envers leur anciens maîtres à penser, ceux à qui nos bons sentiments de chrétiens bâtisseurs de ponts nous commandent de trouver des circonstances atténuantes, voire des mérites spirituels.
Non, l'Islam, n'est pas soft. La récente intervention du cardinal Tauran était ferme est bienvenue. Vu sa fonction, on peut comprendre qu'il veuille défendre la possibilité d'un dialogue et encourager les éléments modérés. Je ne pense pas qu'il ait la naïveté de croire que ce dialogue puisse faire disparaître les profondes incompatibilités entre l'ethos chrétien et l'ethos musulman.
Écrit par : ph. martin | vendredi, 22 août 2014
Et que ce soit clair: je n'ai rien contre les musulmans en tant que personnes, et lorsqu'il existe je ne peux que respecter, voire admirer, leur sens religieux. J'en connais personnellement avec qui j'ai de bons contacts. C'est la religion en tant que telle qui pose problème. C'est un peu comme l'attitude que l'on doit avoir envers les homosexuels: aimer l'être humain, tout en réprouvant la source de son aliénation.
Écrit par : ph.martin | vendredi, 22 août 2014
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