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samedi, 21 septembre 2013

Meutre d'Adeline: chercher à comprendre l'inexplicable

Le meurtre sauvage d'Adeline a fait la une de la presse durant bien des jours. Après l'énorme émotion qu'il a suscitée, le temps de chercher à comprendre l'inexplicable vient peu à peu dans nos esprits. Personnellement, je n'ai pas compris comment Adeline a pu rester seule, surtout comme femme, avec son futur assassin, tout en le laissant acheter un couteau pour le soin des sabots d'un cheval. Fait-on cela avec un couteau ?

Je ne suis ni psychiatre, ni homme de loi,  donc pas compétent pour éclairer cette tragédie. Je ne peux qu'offrir la Pâques du Seigneur pour Adeline, la Messe qui nous conduit de la mort à la vie, en priant pour le repos de son âme, ses parents, sa famille, ses collègues et ses amis.

Un éditorial a toutefois retenu toute mon attention. Patrice Favre, rédacteur en chef de l'Echo Magazine, nous aide à comprendre la philosophie du centre de la Pâquerette. 

Edito: Raser les "pâquerettes"

patrice7 Le nom m’avait frappé, trop bucolique pour une prison. Et j’ai retrouvé l’article que l’Echo consacrait au centre de réinsertion genevois La Pâquerette en janvier 2012. Adeline y travaillait déjà, elle qui a été assassinée vendredi par un violeur récidiviste qu’elle accompagnait seule, lors d’une sortie destinée à préparer sa réintégration dans la société. Relire aujourd’hui cet article est cruel: «En 25 ans, nous avons organisé 6381 sorties; il y a eu cinq fuites, mais aucune récidive», disait la directrice, Véronique Merlini.

Elle expliquait longuement les objectifs de son centre qui accueille des hommes condamnés à de lourdes peines. Tous ont un dossier psychiatrique épais comme le bras, «des histoires familiales catastrophiques et ils sont souvent consommateurs de produits toxiques». Au lieu de les bourrer de médicaments, la Pâquerette a fait le pari du changement grâce au travail sur soi: les détenus parlent, parlent encore, en groupe et en présence du personnel thérapeutique dont faisait partie Adeline. «Avec le temps, une amélioration psychique globale se remarque. La colère et les sentiments d’humiliation s’estompent, les actes agressifs se raréfient», pouvait-on lire dans l’Echo.

Tous ont un dossier psychiatrique

épais comme le bras

Imposer des menottes ou la présence d’un policier pendant les sorties n’était pas dans le style de la maison, et La Pâquerette n’en voulait pas. «Il n’y a jamais eu de suicide ni de violence à l’égard du personnel», concluait la directrice Merlini en donnant quelques chiffres: en 25 ans, l’établissement a suivi 128 détenus dont 105 étaient âgés de 21 à 40 ans. L’âge de Fabrice A., qui a violé une première fois à 25 ans et tué à 39 ans, après un an de thérapie à La Pâquerette. Alors? Faut-il se moquer de la «sensiblerie des Romands» et de leur justice fleur bleue, comme on a pu le lire dans la presse alémanique? Faut-il raser les pâquerettes et décréter qu’un violeur récidiviste ne doit plus jamais sortir de prison? Ces derniers mois, plusieurs affaires ont montré la fragilité des expertises psychiatriques et les lacunes du système judiciaire.

La psychiatrisation des criminels atteint ses limites et la société doit protéger les siens. Mais le rêve d’une justice punitive, censée purger la société de tous ses criminels, n’est pas moins illusoire (l’histoire de Debra Milke, que nous racontons cette semaine, montre à quels excès aboutit l’impitoyable justice américaine). Demain encore, il faudra regarder le criminel dans les yeux et tenter de le comprendre. Pour lui offrir une chance de retrouver son humanité dans la prison déjà et peut-être dehors, un jour. Adeline y croyait et son combat ne doit pas être abandonné.

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