samedi, 20 juillet 2013
Le document d'Aparecida: la fin de la théologie de la libération
La cinquième asssemblée de l'épiscopat d'Amérique du Sud de 2007 fut un véritable tournant. Le document d'Aparecida, dont l'âme peut-être le Cardinal Bergoglio en personne, est un texte fondamental pour comprendre le pontificat actuel.
L'introduction du Pape Benoît XVI est remarquable. La théolgie de la libération appartient désormais au passé, pour céder la place à l'évangélisation, en commencant par les pauvres.
Le document "d'Aparecida" s'intitule: "Disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nous ayons la vie en Lui". Il rerpésente un vaste plan pastoral de quelque 300 pages, pour le continent latino-américain à l'heure de la nouvelle évangélisation.
Extrait
Les problèmes sociaux et politiques
Arrivés à ce point, nous pouvons nous demander : Comment l’Église peut–elle contribuer à la solution des problèmes sociaux et politiques urgents et répondre au grand défi de la pauvreté et de la misère? Les problèmes d’Amérique Latine et des Caraïbes, comme ceux du monde d’aujourd’hui, sont multiples et complexes, et ne peuvent pas s’affronter avec des programmes généraux. Néanmoins, la question fondamentale, sur la manière dont l’Église, illuminée par la foi dans le Christ, devra réagir devant ces défis, nous concerne tous. Dans ce contexte, il est inévitable de parler du problème des structures, surtout de celles qui créent l’injustice. En réalité, les structures justes sont une condition sans laquelle un ordre juste n’est pas possible dans la société. Mais, comment naissent-elles? Comment fonctionnent-elles? Tant le capitalisme que le marxisme promirent de trouver le chemin pour la création de structures justes et affirmèrent que celles-ci, une fois établies, fonctionneraient pour elles-mêmes ; ils affirmèrent que non seulement, ils n’auraient pas eu la nécessité d’une moralité individuelle qui aurait précédé, sinon que ces structures fomenteraient la moralité commune. Et cette promesse idéologique a démontré qu’elle était fausse. Les faits le montrent. Le système marxiste, où il a gouverné, a non seulement laissé un triste héritage de destructions économiques et écologiques, mais aussi une douloureuse oppression des âmes. Et nous voyons la même chose en Occident, où croît constamment une distance entre les pauvres et les riches et se produit une dégradation inquiétante de la dignité personnelle avec la drogue, l’alcool et les mirages subtils de bonheur.
Les structures justes sont, comme je l’ai dit, une condition indispensable pour une société juste, mais elles ne naissent ni ne fonctionnent sans un consensus moral de la société sur les valeurs fondamentales et sur la nécessité de vivre ces valeurs avec les renoncements nécessaires, même contre l’intérêt personnel.
Où Dieu est absent – le Dieu du visage humain de Jésus-Christ – ces valeurs ne se montrent pas avec toute leur force, ni ne se produit un consensus à leur sujet. Je ne veux pas dire que les non-croyants ne puissent pas vivre une moralité élevée et exemplaire ; je dis seulement qu’une société dans laquelle Dieu est absent ne rencontre pas le consensus nécessaire sur les valeurs morales et la force pour vivre selon la norme de ces valeurs, même contre ses intérêts propres.
D’un autre côté, les structures justes doivent se chercher et s’élaborer à la lumière des valeurs fondamentales, avec toute la force de la raison politique, économique et sociale. Elles sont une question de recta ratio et elles ne proviennent pas d’idéologies ni de leurs promesses. Il existe certainement un trésor d’expériences politiques et de connaissances sur les problèmes sociaux et économiques qui mettent en évidence les éléments fondamentaux d’un État juste et les chemins qu’il faut éviter. Mais dans des situations culturelles et politiques diverses, et vu le changement progressif des technologies et de la réalité historique mondiale, il faut chercher de manière rationnelle les réponses adaptées et il faut créer – avec les engagements indispensables – le consensus sur les structures qui doivent s’établir.
Ce travail politique ne relève pas de la compétence immédiate de l’Église. Le respect d’une saine laïcité – y compris dans le cadre de la pluralité des positions politiques – est essentiel dans la tradition chrétienne. Si l’Église commençait à se transformer directement en sujet politique, elle ne ferait pas plus pour les pauvres, mais au contraire elle en ferait moins parce qu’elle perdrait son indépendance et son autorité morale, en s’identifiant avec une unique voie politique et avec des positions partiales discutables. L’Église est l’avocate de la justice et des pauvres, précisément en ne s’identifiant pas avec les hommes politiques ni avec des intérêts partisans. Seulement si elle est indépendante, elle peut enseigner les grands critères et les valeurs permanentes, orienter les consciences et offrir une option de vie qui va plus loin que le domaine politique. Former les consciences, être avocate de la justice et de la vérité, éduquer dans les vertus individuelles et politiques, c’est la vocation fondamentale de l’Église dans ce secteur. Et les laïcs catholiques doivent être conscients de leur responsabilité dans la vie publique ; ils doivent être présents dans la formation des consensus nécessaires et dans l’opposition contre les injustices.
Les structures justes ne seront jamais complètes de manière définitive ; du fait de l’évolution permanente de l’histoire, elles doivent toujours être rénovées et actualisées ; elles doivent toujours être animées par un ethos politique et humain, dont on doit toujours travailler à la présence et à l’efficacité. En d’autres mots, la présence de Dieu, l’amitié avec le Fils de Dieu incarné, la lumière de sa Parole, sont toujours des conditions fondamentales pour la présence et l’efficacité de la justice et de l’amour dans nos sociétés.
Du fait qu’il s’agit d’un continent de baptisés, il convient de combler l’absence notable, dans le milieu politique, médiatique et universitaire, de voix et d’initiatives de leaders catholiques de forte personnalité et de vocation dévouée qui soient cohérents avec leurs convictions éthiques et religieuses. Les mouvements ecclésiaux ont ici un vaste champ pour rappeler aux laïcs, leur responsabilité et leur mission de porter la lumière de l’Évangile à la vie publique, culturelle, économique et politique.
Benoît XVI
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