samedi, 09 avril 2011
Testament spirituel de Shahbaz Bhatti
TESTAMENT SPIRITUEL DU MINISTRE PAKISTANAIS CATHOLIQUE ASSASSINÉ
« Mon nom est Shahbaz Bhatti. Je suis né dans une famille catholique. Mon père, enseignant à la retraite, et ma mère, femme au foyer, m’ont éduqué selon les valeurs chrétiennes et les enseignements de la Bible qui ont influencé mon enfance. Depuis l’enfance j’ai l’habitude d’aller à l’église et de trouver de profondes inspirations dans les enseignements, dans le sacrifice, et dans la croix de Jésus. C’est l’amour de Jésus qui m’a conduit à offrir mes services à l’Eglise. Les conditions effroyables dans lesquelles vivaient les chrétiens du Pakistan m’ont bouleversé. Je me souviens d’un vendredi de Pâques quand j’avais seulement treize ans : j’écoutais un sermon sur le sacrifice de Jésus pour notre rédemption et pour le salut du monde. Et j'ai pensé à correspondre à son amour, en donnant de l'amour à nos frères et sœurs, en me mettant au service des chrétiens, en particulier des pauvres, des nécessiteux et des persécutés qui vivent dans ce pays islamique.
De hautes responsabilités au gouvernement m’ont été proposées et on m’a demandé d’abandonner ma bataille, mais j’ai toujours refusé, même si je sais que je risque ma vie. Ma réponse a toujours été la même : "Non, moi je veux servir Jésus en tant qu’homme du peuple". Cet amour me rend heureux. Je ne cherche pas la popularité, je ne veux pas de position de pouvoir. Je veux seulement une place aux pieds de Jésus. Je veux que ma vie, mon caractère, mes actions parlent pour moi et disent que je suis en train de suivre Jésus-Christ. Ce désir est si fort en moi que je me considérerais comme un privilégié si - dans mon effort et dans cette bataille qui est la mienne pour aider les nécessiteux, les pauvres, les chrétiens persécutés du Pakistan - Jésus voulait accepter le sacrifice de ma vie. Je veux vivre pour le Christ et pour Lui je veux mourir. Je ne ressens aucune peur dans ce pays.
À de nombreuses reprises, les extrémistes ont tenté de me tuer et de m’emprisonner ;ils m’ont menacé, poursuivi et ont terrorisé ma famille. Les extrémistes, il y a quelques années, ont même demandé à mes parents, à ma mère et à mon père, de me dissuader de continuer ma mission d’aide aux chrétiens et aux nécessiteux, autrement ils me perdront. Mais mon père m’a toujours encouragé. Moi, je dis que tant que je vivrai, jusqu’à mon dernier soupir, je continuerai à servir Jésus et cette pauvre humanité souffrante, les chrétiens, les nécessiteux, les pauvres. Je trouve beaucoup d’inspiration dans la Bible et dans la vie de Jésus-Christ. Plus je lis le Nouveau et l’Ancien Testament, les versets de la Bible et la Parole du Seigneur et plus ma force et ma détermination sont renforcées.
Lorsque je réfléchis sur le fait que Jésus a tout sacrifié, que Dieu a envoyé Son Fils pour notre rédemption et notre salut, je me demande comment je pourrais suivre le chemin du Calvaire. Notre Seigneur a dit : « Prends ta croix et suis-moi ». Les passages que j’aime le plus dans la Bible sont ceux qui disent : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! ». Ainsi, lorsque je vois des personnes pauvres et dans le besoin, je pense que c’est Jésus qui vient à ma rencontre sous leurs traits. Je crois que les chrétiens du monde qui ont tendu la main aux musulmans frappés par la tragédie du tremblement de terre de 2005 ont construit des ponts de solidarité, d'amour, de compréhension, de coopération et de tolérance entre les deux religions. Si de tels efforts se poursuivent, je suis convaincu que nous réussirons à gagner les cœurs et les esprits des extrémistes. Cela produira un changement positif : les gens ne se haïront plus, ne tueront plus au nom de la religion, mais s’aimeront les uns les autres, apporteront l’harmonie, cultiveront la paix et la compréhension dans cette région.
Je crois que les nécessiteux, les pauvres, les orphelins quelle que soit leur religion doivent être considérés avant tout comme des êtres humains. Je pense que ces personnes sont membre de mon corps en Christ, qu’elles sont la partie persécutée et nécessiteuse du corps du Christ. Si nous menons à bien cette mission, alors nous aurons gagné une place aux pieds de Jésus et je pourrai Le regarder sans éprouver de honte ».
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Le Pape Benoît XVI a salué le dimanche 6 mars le sacrifice de ce catholique qui avait su s’imposer comme défenseur de la liberté religieuse, en dépit des menaces dont il faisait l’objet dans son pays : « Je demande au Seigneur Jésus que le sacrifice bouleversant de la vie du Ministre pakistanais Shahbaz Bhatti réveille dans les consciences le courage et l’engagement à respecter la liberté religieuse de tous les hommes et ainsi à promouvoir leur égale dignité. ».
« J’ai été profondément ému en lisant le testament spirituel qui – selon moi – est à la hauteur d’un texte d’un des Pères de l’Eglise… La dernière fois que nous nous sommes rencontrés à l’aéroport de Lahore, il m’a dit : « Je sais que je mourrai assassiné, mais je donne ma vie comme témoin pour Jésus et pour le dialogue interreligieux. » Il savait et il avait déjà offert sa vie. Je pense que c’est un vrai martyr parce qu’il a été tué comme chrétien. C’était un homme, un chrétien authentique. »
Cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux
[Publié en Italie dans le livre Cristiani in Pakistan. Nelle prove la speranza, Marcianum Press, Venezia. Traduction française: OASIS, centre études autour du dialogue interreligieux, basé à Venise]
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