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mardi, 18 janvier 2011

L'unité entre Wojtilà et Ratzinger

Source de l'article: Benoît et Moi (sous-titres du Suisse Romain) Texte original en espagnol

Une amitié qui n’est pas née de la chair
José Luis Restán
17/01/2011

"Il n’est pas nécessaire que vous écriviez cette lettre, car je veux vous avoir avec moi jusqu’à la fin”.

Ce furent les mots que Jean Paul II adressa à Joseph Ratzinger alors que s’approchait la date de l’anniversaire de ses 75 ans et qu’il devait par conséquent présenter la lettre obligatoire de renoncement. « Il avait placé une grande confiance, une confiance très cordiale et profonde en ma personne, c’était pour ainsi dire la garantie de garder le bon cap en matière de foi ». L’intéressé lui-même le raconte dans le livre La lumière du monde (page 21). Et ce fut ainsi jusqu'au serrement de main final, quand le Pape Wojtyla ne pouvait plus articuler une parole. Une amitié pour l’histoire, qu’il faut rappeler aujourd’hui alors que nous avons appris que le 1er mai prochain Jean-Paul II sera proclamé bienheureux.

Homme d'action - manières douces

Ce fut une unité, comme dit l’apôtre, qui ne naît ni de la chair ni du sang, mais de la reconnaissance mutuelle dans la foi. Il y avait beaucoup d’aspects tant au niveau du tempérament que de l’histoire qui pouvaient les séparer. L’un était polonais et homme d’action, l’autre allemand et intellectuel méthodique, le premier extraverti et doué pour la dramatique des grands gestes, le second bien plus contenu et aux manières douces. Wojtyla fit chercher Ratzinger dès le premier moment de son pontificat. Il le connaissait depuis le Concile et ensuite il l’avait rencontré à Munich à l’époque des dialogues (pas toujours suaves) entre les épiscopats allemand et polonais pour sceller la réconciliation. Et il l’eut très en évidence, il voulut l’avoir avec lui jusqu’à la fin.

Ratzinger, l'ami de confiance

Les confidences des Papes sont une fleur rare, mais Jean-Paul II laissa par écrit que le cardinal Ratzinger avait été plus qu’un collaborateur sûr, un ami de confiance. Il y avait quelque chose qui les unissait bien au delà d’une quelconque différence, leur double ancrage dans la Tradition de l’Église et dans le monde qu’il leur avait appartenu de vivre, un monde plein de tensions dans lequel de larges franges de la vieille chrétienté s’éloignaient sous leurs yeux du patrimoine de la foi. Mais ni l’un ni l’autre ne reculaient d’un pas, effrayés par l’aspérité des temps, ni ne se livraient à la lamentation facile sur les maux de l’époque et les tourments de l’Église en pleine digestion des contenus de Vatican II. Tous les deux étaient des hommes libres qui avaient forgé l’intelligence et le courage de leur foi dans le défi des deux grands monstres totalitaire. Et tous deux aimaient la beauté comme expression de la vérité de Dieu, de sa tendresse pour l’homme. Wojtyla le théâtre et la poésie, Ratzinger la musique. Les deux enfin, partageaient la cause de revitaliser le corps fatigué de l’Église et de relancer le grand défi missionnaire avec le monde moderne: ce fut la grande cause du Concile et tous deux souffrirent des incompréhensions et des tergiversations d’un côté et de l’autre.

La dialogue obéissant

Tout cela n’impliquait pas qu’ils fussent toujours d’accord, et chacun savait quelle était sa place. La personnalité entraînante et le charisme de Jean-Paul II étaient uniques, et en plus d’une occasion Ratzinger a montré une sorte d’admiration étonnée pour cette énergie, cette force tranquille et décomplexée avec laquelle le Pape Wojtyla abordait les problèmes les plus épineux. Mais aussi il nous a révélé la grande patience du Pape polonais, sa disponibilité pour écouter et son humilité pour accepter des opinions diverses. Combien de dialogues entre eux deux, avec l’horizon et le poids de toute l’Église ! « Parfois, nous pouvions ne pas être d’accord, mais je ne lui ai jamais désobéi », confessait le Préfet de la foi dans le livre "Le Sel de la terre".

Continuité

images.jpgCette très belle histoire d’amitié dans la foi vient à point, car ces derniers temps, on a diffusé un bruit stupide et vénéneux, qui essaie d’établir une rupture entre les deux souverains pontifes.
Il est certain que Benoît XVI a dû affronter les questions laissées en suspens, comme aura à le faire le Pape suivant quand il sera rappelé par le Seigneur. Un pontificat n’est jamais une œuvre achevée, ce n’est que la trame d’un chemin séculaire de l’Église, c’est une modestie essentielle sur laquelle le Pape Ratzinger ne cesse d’insister. Et il est vrai aussi que les circonstances changent avec une accélération croissante : le Mur de Berlin n’est plus mais le nihilisme en Europe a grandi, une certaine Théologie de la Libération n’a plus cours mais la crise globale pose de nouveau défis anthropologiques ; et a éclaté avec toute sa cruauté la furie du terrorisme d’origine islamiste et la persécution dans de nouveaux territoires comme l’Inde. Le choc énorme du début du pontificat du Pape Jean-Paul ne s’est pas toujours traduite par un fleuve de construction et d’éducation stable. Ce sont des choses que seulement la perspective du temps et la sagesse qu’accorde l’Esprit permettent d’apprécier et de distinguer.

Tragédie de la pédophilie

La façon différente avec laquelle Benoît XVI a abordé, par exemple, la tragédie des abus sexuels commis par des prêtres et des religieux, a beaucoup à voir avec sa propre expérience en matière de Doctrine de la Foi, avec la clarification de la psychologie moderne dans ce domaine, et avec l’amère séquelle de tant de cas mal gérés en leur temps par les évêques. Et pourquoi pas, aussi avec un génie particulier qui est le sien ? Tout cela a permis une maturation douloureuse. Mais cela ne signifie absolument pas que Jean-Paul II fut complaisant. Il affronta avec courage le cas des Etats-Unis, en initiant une voie que seulement son successeur a pu péniblement approfondir.

Béatification: un chemin régulier

Certains pensaient que le Pape Benoît XVI ferait un peu de politique et ralentirait la marche de la cause de béatification de Jean-Paul II, pour éviter des commentaires déplacés d’une certaine presse, ou qu’il mettrait une distance personnelle évidente par rapport à certaines manières de son prédécesseur. Il faut être aveugle pour penser que cet homme se laisserait intimider par les rumeurs et la malveillance de ceux qui aujourd’hui le flattent (les mêmes qui auparavant le massacraient), mais qui demain changeront leurs couplets.

"Santo subito"

Le cri de « Santo subito » a trouvé une réponse six ans après, temps suffisant pour étudier à la loupe chaque recoin du cheminement de Karol Wojtyla (jusqu’aux lettres qu’il échangeait avec son amie Wanda !) et pour vérifier les merveilles que le Seigneur fit au travers de sa vie. Et il convenait de procéder ainsi, pour que la décision ne naquît pas seulement de l’amour passionné du peuple, mais de l’assurance exigeante de l’Église. « Nous nous sentons heureux! » a dit Benoît XVI en commentant la nouvelle à l’Angélus.

Bien sûr que oui ! Il faudrait être malade pour ne pas se réjouir.

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