jeudi, 09 décembre 2010
Benoît XVI: coopérer humblement à la vérité
Opinion
L’émission « Porta a Porta » de Bruno Vespa, sur RAI Uno du mercredi 8 décembre a permis de débattre dans un premier temps du dernier livre de Benoît XVI « Lumière du Monde », puis dans un second temps de la Vierge Marie, jour férié en Italie de l’Immaculée Conception. La discussion du livre interview de Peter Seewald avec le Pape fut disons bien « cadrée ». Une nouvelle, un événement, et ce livre fut « un event », sont toujours abordés selon un certain angle, « un frame » en langage technique soit un cadre d'analyse. Ce dernier met en évidence certains apsects et en laisse d'autres dans l'ombre.
Les thèmes de discussion furent : le préservatif, l’homosexualité, le célibat des prêtres, les abus sexuels des prêtres et la place de la femme dans l’Eglise. Bien des sujets passionnants du livre de plus de 250 pages sont passés alors aux oubliettes : les sentiments de Ratzinger lors de son élection, le dialogue avec l’islam (notamment la liberté religieuse, le rapport à la violence et l’usage de la raison), la redécouverte d’une authentique liturgie et du sacré envers la présence réelle du Seigneur, les nombreux voyages du pontificat, le message de Fatima qui continue …
Pour élargir le débat, je voudrais mettre en lumières trois thèmes qui sont toujours délicats et sensibles et qui ont été passablement discutés dans l’opinion publique. Benoît XVI mérite amplement d’être lu, cité et entendu :
La pédophilie
Benoît XVI ne se dérobe pas face au choc des révélations de quelques prêtres pédophiles. Face à ce scandale, il est humble, ne se dérobe pas, et affronte le mal avec sincérité, courage, et vérité :
« La plus grande persécution de l’Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, mais est issue des péchés commis dans l’Église elle-même. » Les médias ne sont donc pas en cause car pour le souverain pontife, « c’est seulement parce que le mal était dans l’Église que d’autres ont pu s’en servir contre elle ».
Bruno Vespa a alors souligné que depuis 1988 Ratzinger s’est battu pour des mesures internes, pénales et disciplinaires plus sévères, mais il n’a pas obtenu gain de cause. L’action décisive de ce grand Cardinal désormais devenu Pape porte enfin ses fruits : des nouvelles modifications seront bientôt apportées au droit pénal de l’Eglise pour accélérer la suspension des prêtres fautifs, au travers d’un procès administratif accéléré qui donne plus de compétence aux deux Congrégations de la foi et du clergé et ainsi que les territoires de mission pour l’évangélisation. Au fond, bien des évêques n'ont pas affronté les scandales et une fausse conception de l’amour a prévalu, au détriment du droit, d’une Eglise sans droit canon, sans sanctions, sans punitions. Le Pape écrit :
« A ce sujet, l’archevêque de Dublin m’a dit quelque chose de très intéressant. Il a dit que le droit pénal ecclésiastique avait fonctionné jusqu’à la fin des années cinquante ; il n’était certes pas parfait – il y a là beaucoup à critiquer – mais quoi qu’il en soit : il était appliqué. Mais depuis le milieu des années soixante, il ne l’a tout simplement plus été. La conscience dominante affirmait que l’Église ne devait plus être l’Église du droit mais l’Église de l’amour, elle ne devait pas punir. On avait perdu la conscience que la punition pouvait être un acte d’amour…
… Aujourd’hui, nous devons de nouveau apprendre que l’amour pour le pécheur et l’amour pour la victime sont maintenus dans un juste équilibre si je punis le pécheur sous une forme possible et adaptée. Il y a eu dans le passé une altération de la conscience qui a provoqué un obscurcissement du droit et masqué la nécessité de la punition. En fin de compte est aussi intervenu un rétrécissement du concept d’amour, qui n’est pas seulement gentillesse et amabilité, mais qui existe aussi dans la vérité. Et que je doive punir celui qui a péché contre le véritable amour fait aussi partie de la vérité.
Son amour pour les Juifs
Le Pape n’aurait pas levé l’excommunication de l’évêque Willamson si le Saint Siège avait donné plus de renseign ements. Car Benoît XVI est un Pape allemand qui aime le peuple élu :
« Les juifs n’aiment pas trop entendre les mots « le frère aîné », que Jean XXIII employait déjà. Dans la tradition juive, le « frère aîné », Ésaü, est aussi le frère réprouvé. On peut quand même employer ces mots parce qu’ils disent quelque chose d’important. Mais il est exact que les Juifs sont aussi nos « pères dans la foi ». Et ces mots rendent peut-être encore plus visible la manière dont nous sommes liés »
Les musulmans et le dialogue (Ratisbonne 2007)
Sa célèbre leçon de Ratisbonne, qui appartient désormais à l’histoire, est aussi bien mise en perspective :
« J’avais conçu et tenu ce discours comme un texte strictement académique, sans être conscient que la l ecture que l’on fait d’un discours pontifical n’est pas académique mais politique. Une fois qu’il a été passé au crible politique, on ne s’est plus intéressé aux finesses de la trame, on a arraché un texte à son contexte et on en a fait un objet politique qu’il n’était pas en soi. Il traitait une situation issue d’un dialogue ancien qui demeure du reste selon moi d’un grand intérêt ».
« L’empereur Manuel, cité ici, était déjà à cette époque vassal de l’empire ottoman. Il ne pouvait donc absolument pas vouloir attaquer les musulmans. Mail il pouvait poser des questions vivantes dans le dialogue intellectuel. Seulement la communication politique, de nos jours, est ainsi faite qu’elle ne permet pas de comprendre ce type de contextes subtils ».
« Et pourtant, en dépit de tous ces épisodes effroyables qui ne peuvent que m’attrister, ces événements ont tout de même produit au bout du compte des effets positifs. Lors de ma visite en Turquie, j’ai pu témoigner de mon respect pour l’islam, montrer que je le reconnais comme une grande réalité religieuse avec laquelle nous devons être en dialogue. Et de cette controverse est ainsi né un dialogue véritablement intense »
« Il est devenu clair que l’islam doit traiter deux questions dans le dialogue public : elles portent sur son rapport à la violence et sur la raison. »
Ce livre entretien mérite donc toute notre attention et révèle une fois de plus l’une des toutes grandes qualités du Saint-Père : l’humilité. Sainte Thérése d’Avila l’appelait simplement la vérité.
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