dimanche, 04 octobre 2009
Polanski: Deux poids, deux mesures ?
L'éditorial par Ariane Dayer, rédactrice en chef:
Insoutenable. L'image d'un homme qui utilise sa supériorité d'adulte, sa posture de modèle de foi, de détenteur du mystère
... On gère ça entre soi. Comme si l'institution était hors du monde, comme si elle avait droit à un statut à part. Comme si - et c'est inadmissible - ces coupables-là l'étaient un peu moins que les autres.
Un cas d'abus, ce n'est pas un obscur point d'exégèse à débattre deux siècles, enfermé dans un conclave entre spécialistes du droit canon. C'est simplement un acte hors la loi. ... Si elle avait contribué à faire arrêter cet homme, il aurait peut-être évité ne serait-ce qu'un cas de récidive. C'est peu, c'est énorme.
Cessons de tolérer l'existence de deux mondes séparés: le nôtre et celui des hommes de Dieu. Le seul qui doit être respecté est celui des enfances dévastées.
L'éditorial par Ariane Dayer, rédactrice en chef:
Mandat d'arrêt
Cet homme-là a réalisé «Le pianiste». Il savait de quoi il parlait: Roman Polanski était lui-même, à l'âge de 6 ans, dans le ghetto de Cracovie. Une vie bâtie sur les cendres, puisqu'une partie de sa famille a été exterminée pendant la Seconde Guerre mondiale. Le pays qui l'arrête aujourd'hui est le nôtre. Et la honte est absolue.
Un artiste, un créateur peut donc être invité à participer à un festival en Suisse et se faire arrêter à sa descente d'avion. Notre système politique et judiciaire profite des événements culturels pour y mener ses petits jeux d'épuration. Il vient y puiser des gages pour rafistoler ses relations désastreuses avec les Etats-Unis. Inadmissible.
Faudra-t-il bientôt réserver des cachots à chaque manifestation culturelle? Quel est le statut des artistes dans ce pays? Ce sont les vraies questions qui se posent aujourd'hui, plus importantes encore que l'effet de cette polémique sur l'image de la Suisse.
Bien sûr, la jeune fille à la base de l'affaire n'avait que 13 ans lorsque le cinéaste a eu des rapports avec elle et c'est inexcusable. Mais, si le cas était juridiquement si clair, si Roman Polanski était un visiteur irrecevable, pourquoi l'a-t-on laissé venir séjourner tant de fois chez nous comme le prouve notre enquête?
Cet homme-là a réalisé «Le pianiste» et l'on aurait aimé que les sept personnes qui dirigent ce pays s'en souviennent. Qu'il y en ait une, au moins, pour s'insurger. Pour oser dire que les sursauts tardifs de juridisme étroit et la servilité envers les Etats-Unis ne doivent pas l'emporter sur la reconnaissance du statut artistique. Qu'on ne met pas la culture sous mandat d'arrêt.
Source: La soupe est pleine, RSR1, 4 octobre 2009
Note: La comparaison entre ces deux éditoriaux d'Ariane Dayer (Le Matin), l'un concernant un prêtre catholique capucin le 16 janvier 2008 et l'autre Polanski le 28 septembre 2009 se passe de commentaires, car trop révélatrice d'un double langage pour combattre le fléau de la pédophilie.
19:40 | Lien permanent | Commentaires (9) | | |
Commentaires
Bravo! La comparaison de ces deux textes, écrits avec tant de fougue, vaut tous les commentaires!
Écrit par : Michel Salamolard | lundi, 05 octobre 2009
Merci cher Suisse Romain pour cette superbe mise en évidence de la partialité d'Ariane Dayer , rédactrice en chef du journal "Le Matin"...
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La soupe est pleine, Madame Dayer ! Vous n'êtes pas objective !
Vos lecteurs ne sont pas tous du même bord ! Et vous devez bien le savoir !
Et je pense que vous devriez cesser de "tirer" sur l'Eglise Catholique et sur son Pape, comme vous le faites avec joie et délectation !
Notez tout simplement que dans certains pays où une autre religion est fortement dominante, vous ne seriez certainement plus en place comme rédactrice en chef, si vous la critiquiez comme vous le faites envers nous catholiques...
Merci de bien vouloir en tenir compte. Beaucoup de vos lecteurs vous en sauraient gré.
Philippe Boehler, Monthey
Écrit par : Philippe Boehler | mardi, 06 avril 2010
J'ignorais que Polanski prétendait détenir la Vérité et donner des leçons de morale, de rectitude et de comportement à l'ensemble du genre humain.
J'ignorais que le Syndicat des Cinéastes avait étouffé l'affaire et envoyé Polanski visiter d'autres jeunes actrices.
Ces deux points au minimum sont requis pour que votre comparaison soit valide.
Écrit par : Yogi | mercredi, 14 avril 2010
Mais bien sûr Yogi, Polanski n'est pas protégé par l'establishment qui n'a pas pris fait et cause pour lui. J'avais cru entendre quelques déclarations de personnalités, j'ai dû me tromper.
Pour votre info ce n'est pas le prêtre qui donne des "leçons" de morale aux chrétiens, c'est le Christ (éventuellement interprétées par l'Eglise universelle, mais aucun prêtre ne rédige sa propre loi morale). Le prêtre lui, est un pécheur, comme nous tous (il n'y a qu'à écouter les paroles rituelles d'ailleurs : "et nous pécheurs", "nous pardonne"...).
Écrit par : Flam | mercredi, 14 avril 2010
Entre critiquer l'arrestation de Polanski maintenant pour motifs politiques après l'avoir laissé se promener à sa guise pendant vingt ans, et ne pas dénoncer des crimes en laissant l'agresseur libre de récidiver, cela n'a rien à voir. Ces deux affaires n'ont aucun rapport.
Sinon j'ai bien regardé : ce n'est pas le Christ lui-même qui prêche en chaire mais bien des prêtres, qui se réclament de lui. Ils n'ont pas rédigé leur morale mais ils l'enseignent et expliquent comment l'appliquer, sous la menace de rôtir en enfer. On pourrait s'attendre à ce qu'ils la prennent au sérieux.
Écrit par : Yogi | mercredi, 14 avril 2010
Ah bon, c'est en l'an de grâce 995 la dernière fois que vous êtes entré dans une église ? Vous semblez confondre en tout cas attrition et contrition.
Le prêtre n'est le propriétaire ni de la liturgie ni de la morale de l'Eglise. Et personne dans l'église ne se dit ni ne se croit parfait. On n'est pas des cathares.
Écrit par : Flam | mercredi, 14 avril 2010
On s'éloigne du sujet. Je maintiens que Polanski ne prétend pas connaître la Vérité ni enseigner la morale.
Écrit par : Yogi | mercredi, 14 avril 2010
Yogi, vous n'avez pas totalement tort : il est normal d'exiger davantage de l'Église que d'un réalisateur de cinéma, et la faute est plus scandaleuse lorsqu'elle vient d'un homme d'Eglise.
Il n'empêche qu'entre l'affirmation de l'horreur absolue que constitue un acte pédophile lorsque c'est l'Église qui est en cause et sa relativisation lorsque c'est Polanski, il y a bien deux poids deux mesures. Lisez cet éditorial, notez comme l'auteur écrit que c'est inexcusable... avant de l'excuser parce que "cet homme a réalisé Le Pianiste" et qu'il faudrait "s'en souvenir". C'est évidemment absurde mais cette absurdité, elle l'affirme deux fois.
Écrit par : Koz | mardi, 04 mai 2010
@ Yogi
On peut dire ici, dans cet article, que Polansky a été érigé au rang de modèle parce qu'il a réalisé le pianiste, c'est d'ailleurs répété deux fois dans l'éditorial "cet homme là a réalisé le pianiste".
Le pianiste est effectivement un grand film et l'on se sert de ce grand film pour donner à son réalisateur une sorte d'excuse, pour vouloir l'absoudre de sa faute.
Désolée, mais pour moi, à cause de ce film, on a voulu donné à son réalisateur une certaine légitimité morale. Ce qui rend, pour moi, la comparaison assez légitime.
Cependant, je maintiens que pour l'Eglise, c'est plus grave car le prêtre est l'homme de Dieu et donc, il est sensé se comporter à l'image du Christ parfait, ce qui est la chose la plus compliquée au monde.
Écrit par : Théa | mardi, 04 mai 2010
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